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Tourisme au Mali : Le blues des acteurs
Publié le jeudi 23 juin 2016  |  La Mutation




Hôteliers, guides touristiques, marchands de souvenirs, agences de voyage… les professionnels du tourisme broient du noir à cause de l’absence des touristes. Depuis 2012, le tourisme malien connaît une crise sans précédent. De nombreux établissements hôteliers ont mis la clé sous la porte ou tournent au ralenti.
De fait, le pays est frappé dans sa zone touristique. Le nord et le centre du pays qui, jadis, attiraient une nuée de touristes occidentaux, sont aujourd’hui inaccessibles. Sur les sites des ministères des Affaires étrangères de nombreux pays européens et américains, la bande sahélienne est marquée au rouge. Autrement dit, un endroit à ne pas fréquenter.
Du coup, les villes de Tombouctou, Mopti, Djenné, Gao, Bandiagara, qui étaient toujours en bonne place sur les plaquettes des agences de voyage, n’ont pas reçu un seul touriste depuis belle lurette. Si la peur des attentats et des enlèvements en est pour beaucoup, les chancelleries occidentales n’ont pas facilité les choses en décidant de mettre un trait rouge sur plus de la moitié de notre territoire. Certains gouvernements des pays d’origine des touristes vont plus loin, en déconseillant formellement à leurs ressortissants tout déplacement dans le Sahel.
Mais l’insécurité ne semble pas rebuter tout le monde. Certains tiennent coûte que coûte à visiter le Mali. Ils ne sont pas nombreux certes, mais ils aiment le Mali et n’entendent pas l’abandonner. Josette Soubie en est une. Cette Française fait partie des rares touristes français qui bravent encore les consignes de leur gouvernement pour visiter notre pays. La dame est une habituée du voyage au Mali. Elle indique qu’elle a commencé à visiter notre pays depuis les années 1950. Elle se rendait surtout dans le centre nord : Pays dogon, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal.
Malgré les multiples dangers qui guettent les Occidentaux presque à chaque coin de rue à certains endroits du pays, Dieu merci, Josette Soubie n’a jamais eu de problèmes durant ses voyages. Cette année quand elle s’apprêtait à venir, elle a reçu un e-mail du Quai d’Orsay. Dans ce message, il était écrit que la situation sécuritaire du Mali est dangereuse. Mais elle a décidé de ne pas tenir compte de ces conseils, souligne-t-elle.
Josette Soubie est attachée au Mali parce que, explique-t-elle, les gens sont accueillants et chaleureux. Elle demande aux touristes de ne pas écouter les média européens et conseille au département en charge du tourisme de produire des messages de promotion comme le font l’Espagne et le Portugal pour montrer aux touristes qu’il est bien possible de séjourner au Mali.
Ce citoyen américain a lui aussi choisi de rester. Marié à une Malienne et promoteur d’une auberge à Badalabougou, il explique que sa clientèle était constituée de beaucoup d’expatriés avant l’éclatement de la crise. Ceux-ci venaient se rafraîchir et parfois se restaurer dans son établissement. Ces expatriés pour la plupart sont rentrés dans leurs pays. Notre interlocuteur explique que ses propres parents lui ont conseillé de quitter le Mali. Mais l’homme estime qu’il ne pouvait pas abandonner sa femme et ses affaires. Il a donc choisi de rester.
Le marasme dans le secteur touristique frappe aussi de plein fouet le promoteur du restaurant Bafing, Ibrahim Souleymane Tounkara. Sis au quartier du fleuve, ce restaurant recevait beaucoup de touristes à travers les agences de voyage tels que Kanaga, Azimit et le réseau Slow Food. « Grâce aux produits locaux que je cuisine, le restaurant est reconnu par le réseau Basing (le salon international du goût).
Par jour, j’accueillais trois à quatre groupes de 10 à 30 de touristes qui venant du Japon, de France, de Chine et même de Russie », se souvient Tounkara. Avant la crise, son restaurant mettait par jour jusqu’à 80 couverts, parfois plus. Aujourd’hui, le soir les clients sont rares. Seuls les amateurs de la cuisine africaine et de l’ambiante festive, frappent à la porte du restaurant Bafing. Généralement, ce sont des clients des hôtels Onomo et Mirabo.
Retour des investisseurs. Aujourd’hui, le secteur hôtelier n’est pas le seul à pâtir de la situation sécuritaire. Par exemple au marché de Ngolonina en Commune II de Bamako, nombre de vendeurs d’objets artisanaux ont fermé boutique. « Parce qu’il n’y a plus de touristes », souligne Mamadou Tounkara qui est guide depuis les années 1981. L’homme se souvient que le secteur du tourisme a connu des années véritablement fastes dans ce pays. Il reconnaît qu’il gagnait très bien sa vie et avait les moyens de s’acheter des objets de valeur. Mamadou Tounkara possédait deux véhicules 4×4 avec lesquels il organisait des voyages touristiques. Il a perdu ses deux voitures au cours d’une mésaventure qu’il conte avec beaucoup d’amertume.
De retour d’un voyage, sur la route de Douentza, les islamistes l’ont attaqué puis enlevé ses deux véhicules. Ce qui a précipité la chute de ses affaires. De temps à autre, il fait des affaires avec des touristes qui viennent pour vendre des véhicules. « Pour encourager les touristes à venir au Mali, il faut réduire les tarifs des hôtels, des transports, des billets d’avion », propose Mamadou Tounkara.
Des estimations faites par la BCEAO en 2010 et 2011 établissaient la part du tourisme dans la formation du PIB entre 2% à 3%. Aujourd’hui, le tourisme participe à hauteur de 1%.
Le Directeur national du tourisme et de l’hôtellerie, Sidy Keita, rappelle que le secteur est constitué de deux segments. Le premier : le voyage d’agrément ou de loisir qui est en panne. Il y a aussi le segment affaires qui concerne tous les étrangers qui arrivent dans notre pays pour des réunions ou des conférences. « Aujourd’hui ce second segment est en plein essor. Seulement, ceux qui viennent pour des affaires, font des séjours très limités tandis que ceux qui font des voyages d’agrément séjournent plus longtemps », explique le spécialiste qui précise qu’en terme de retombées économiques, il y a donc une très grande différence entre le segment loisir et le segment affaires.
M. Kidy Keita révèle que le département en charge du tourisme envisage d’organiser des concertations nationales sur le secteur. « Ces rencontres vont mobiliser les acteurs du secteur privé que sont les promoteurs des agences de voyage, de l’hôtellerie. Elles mobiliseront aussi les élus, la société civile et surtout l’administration chargée du tourisme », détaille-t-il. Le directeur national du tourisme et de l’hôtellerie annonce à cet effet que sa structure est en train de travailler à donner des orientations pour la relance de l’activité touristique de notre pays pour les dix prochaines années. A cette fin, elle propose trois projets : les concertations nationales du tourisme, des mesures d’atténuation des méfaits de la crise sur le secteur et le développement d’un marché domestique.
Notre interlocuteur se veut optimiste car il remarque une reprise timide du secteur notamment grâce au retour des investisseurs. Le rythme des investissements a été perturbé à cause de la crise sécuritaire et l’instabilité politique. « A partir de l’année 2014, nous assistons de plus en plus à des nouveaux projets dans le domaine du tourisme en termes de création d’hôtels, d’agences de voyage », souligne Sidy Keita qui cite à ce propos, parmi les projets les plus représentatifs, le chantier de l’hôtel Sheraton, de nombreux chantiers et des travaux d’extension au niveau de certaines unités notamment l’hôtel Salam, les Colibris. « Il y a à Bamako une vingtaine de structures hôtelières qui sont en travaux d’extension ou d’innovations. Ce qui veut dire que la confiance est là », souligne le directeur national du tourisme et de l’hôtellerie.
A. TOURÉ
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