Acculé dans ses derniers retranchements ? IBK l’est assurément. Ainsi, il livre l’Etat malien, pieds et mains liés, aux bandits armés qui continuent d’occuper Kidal, avec leurs complices terroristes et narcotrafiquants. Ceux-ci, depuis la signature de l’accord d’Alger, alignent les victoires sur l’Etat-nation du Mali, dont le premier responsable cède sur toute la ligne, aux prix de compromis et de compromissions. Loin derrière, le temps des discours va-en-guerre, les promesses électorales et la « fermeté » qui ont tout simplement laissé place à la capitulation. Alors qu’IBK, qui pourfendait l’ancien président ATT, avait pris l’engagement de sévir dans la question du nord avec la plus grande fermeté.
IBK s’est longtemps présenté comme l’homme qui peut « matraquer » la rébellion au nord du pays et rétablir l’honneur des Maliens. Ses premières déclarations confortèrent certains de nos compatriotes à croire à sa détermination de sauver le Mali. « Aucun bandit ne hissera à mon niveau » ; « Je ne négocierai pas avec des hommes armés » ; « je ne serai pas trimbalé… », sont, entre autres, discours guerriers adressés à la rébellion et aux adversaires politiques. Ces propos et beaucoup d’autres déclarations fracassantes ont été tenus dans l’euphorie de son élection en 2013.
Hélas ! La désillusion est désormais la règle ; l’espoir, l’exception.
Le président Ibrahim Boubacar Keïta est surtout rattrapé par ses paroles. Aujourd’hui, il ne devrait plus pouvoir supporter le regard de ses concitoyens qui n’hésitent plus à donner raison à l’ancien président, Amadou Toumani Touré. Celui-ci a été traité de tous les noms d’oiseaux, en 2006, quand il avait sollicité le médiateur algérien pour négocier un Accord de paix avec les insurgés de Kidal. La démarche de l’ancien président et le contenu du document intitulé “ACCORD D’ALGER POUR LA RESTAURATION DE LA PAIX, DE LA SECURITE ET DU DEVELOPPEMENT DANS LA REGION DE KIDAL” avaient séduit tous les Maliens. Tous ou presque, sauf IBK, hanté par des discours et des positions va-t-en guerre. Pourtant, il était le président de l’Assemblée nationale et son parti, le Rpm, participait au gouvernement. Pendant que les déclarations de soutien et les félicitations (à l’endroit du chef de l’Etat) pleuvaient pour la signature de cet accord du 04 juillet, IBK est monté sur ses grands chevaux pour dénoncer. Pour IBK, ATT n’agissait pas pour éviter la guerre, mais il a fui ses responsabilités. « Ne nous laissons pas abuser. Il y avait simplement des responsabilités à assumer et rien d’autre. Traiter les problèmes aux véritables niveaux où ils se posent. C’est tout ! Les rodomontades n’y changent rien ! », peut-on lire dans une déclaration issue d’une réunion du Rpm, tenue à Sébénicoro le 12 juillet 2006. Sans doute, IBK était loin d’imaginer qu’il pouvait venir un jour aux commandes de l’Etat. Le « va-t-en-guerre » qu’il fut, est aujourd’hui devenu doux comme un agneau, trimbalé par les rebelles et humilié par les évènements. Alors qu’il avait également affiché (en 2006) une hostilité vis-à-vis de la médiation algérienne. « Comment est-on passé de la gestion d’une mutinerie à une négociation sous l’égide d’un pays ami et frère, certes, mais nullement concerné par une affaire relevant exclusivement de la compétence militaire du Mali ? », s’interrogeait-il dans sa déclaration 12 juillet 2006. Depuis deux ans, il a certainement la réponse à sa question. Lui-même a choisi de remettre le « destin » du Mali entre les mains d’un voisin qui impose tout à l’Etat malien: l’Algérie. Et pourtant, la CEDEAO était bien partie pour trouver une issue heureuse à la crise politico-sécuritaire du Mali. L’accord de Ouagadougou en est une preuve. Il avait, entre autres, permis l’organisation des élections présidentielles et législatives sur l’ensemble du territoire national.
Ensuite, IBK a été contraint à la négociation avec les groupes armés, requinqués par leur victoire sur le Mali. IBK, qui ne voulait pas être « trimbalé », fut obligé de céder aux multiples caprices des bandits de Kidal.
Par ailleurs, des négociations se sont déroulées de façon monarchique à Alger. Elles ont finalement conduit à la capitulation de l’Etat avec la signature d’un accord qui consacre la partition du Mali.
Désormais l’Algérie est désigné comme un pays frère du Mali. Et IBK ne manque aucune occasion pour affirmer qu’il croit dans son âme que c’est seulement la « vertu du dialogue » qui permettra au pays de sortir de la crise. « Ma mission n’a jamais été la guerre, mais le dialogue et la paix… Depuis la signature de l’accord, les choses bougent, la mise en œuvre d’un accord n’est pas facile, mais nous sommes tous décidés à concrétiser ses engagements…», déclarait-il, lors du deuxième anniversaire de son accession au pouvoir, sur les antennes de la télévision nationale.
Les désirs des rebelles sont des ordres…
Aujourd’hui, les rebelles ont l’honneur, le prestige et une immense satisfaction sur toute la ligne. Tous les principes sacro-saints d’égalité, de justice et de solidarité sont malmenés au profit de bandits armés. Avant, pendant et après la signature de l’accord de paix des 15 mai et 20 juin 2015, les chefs rebelles ont toujours été aux petits soins du gouvernement malien, des partenaires et du lobby pro-touareg. Espèces sonnantes et trébuchantes, séjours payés dans des hôtels de luxe en Afrique et en Europe, des postes taillés sur mesure dans l’administration publique…, sont, entre autres, les avantages accordés aux chefs rebelles du nord du Mali.
Le gouvernement, dans sa quête irréfléchie de paix à tout prix, est soupçonné de « financer » de hauts responsables et des notabilités de Kidal. Des milliards de FCFA décaissés des fonds publics et bien d’autres avantages seraient offerts gracieusement aux responsables de la rébellion. On se souvient des milliards de FCFA interceptés à l’aéroport d’Abidjan avec un chef rebelle en provenance de Bamako.
Actuellement, tous les responsables du Mnla, de la Cma sont en train de se la couler douce à Bamako, Paris, Alger, Bruxelles et dans les capitales voisines. Ils sont pris en charge soit par l’Etat malien, les pays voisins ou de l’occident. Ils sont désormais les chouchous de la République. Ils sont même présentés à la communauté internationale comme des « hommes de paix ». Les Maliens ont allègrement découvert que la délégation présidentielle (lors de certains voyages d’IBK en France) comprenait des chefs rebelles. Comme à Bamako, le tapis rouge leur a été déroulé à Alger, comme si les crimes commis ont été tout simplement oubliés et pardonnés. Au même moment, l’on tente d’apaiser la colère du peuple, en distillant mensonges et faux messages…
Comme si cela ne suffisait, le gouvernement été contraint de leur offrir, entre autres, des postes sur un plateau d’argent. Il s’agit notamment de la première vice-présidence de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation.
Pour les beaux yeux des rebelles touaregs, les élections municipales ont été renvoyées aux calendes grecques. Certes, les conditions sont loin d’être réunies, mais le des observateurs estiment que le gouvernement a tout simplement cédé face aux menaces proférées par la Cma qui affichait son hostilité pour la tenue des élections municipales.
Aussi, les autorités maliennes, qui veulent toujours s’afficher aux côtés des rebelles, ont jeté l’argent par la fenêtre, en finançant un soi-disant forum de Kidal. Ce Forum qui devrait se tenir, le 27 mars dernier, n’a pas eu lieu. Il a été remplacé par une rencontre de la CMA qui a finalement décidé d’organiser un semblant de forum sans les autres acteurs, notamment le gouvernement et la Plateforme. On se rappelle, le discours des rebelles avait changé quand la cagnotte (400 millions de FCFA) est tombée dans les caisses de la CMA. « L’Etat n’est pas coorganisateur du forum, mais un invité », a précisé un responsable de la CMA. C’est une façon pour ce mouvement rebelle de recadrer certains médias qui sont allés vite en besogne, en faisant le lien entre la participation du gouvernement au forum de Kidal et le retour de l’administration à Kidal.
Comble d’humiliation pour les Maliens !
Il y a de cela quelques semaines, la Coordination des mouvements de l’Azawad et la Plateforme avaient suspendu sa participation au Comité de suivi de l’Accord et conditionné son retour à la table du dialogue à la mise en place diligente des autorités intérimaires. Les représentants du gouvernement au CSA ne trouvaient pas cet aspect prioritaire, ni urgent. Les deux parties se déportent alors chez le Médiateur, l’Algérie, qui a exigé la reprise des travaux du CSA avec, à l’ordre du jour, l’examen de deux points essentiels à savoir la mise en place des autorités intérimaires et l’opérationnalisation des mécanismes sécuritaires, en particulier les patrouilles mixtes. Le CSA tient sa neuvième session ordinaire au Centre International de Conférence de Bamako, les 13 et 14 juin 2015, sous la présidence de l’Algérie. Un communiqué de capitulation du gouvernement sanctionne la fin des travaux.
En effet, les parties adoptent une sorte de protocole d’« ENTENTE sur les modalités pratiques de mise en place des autorités intérimaires, des chefs de circonscriptions administratives, le redéploiement des services déconcentrés de l’Etat et sur le mécanisme opérationnel de coordination ». « Cette ENTENTE constitue une avancée significative dans le processus de paix », selon le Comité. Qui exhorte les parties au respect de leurs engagements et d’en assurer une mise en œuvre diligente dès sa signature.
En outre, « le Comité s’est félicité de l’esprit de collaboration, de dialogue et d’engagement renouvelé à la mise en œuvre diligente et intégrale de l’Accord, manifesté par les Parties lors des différentes discussions ».
Voilà comment le gouvernement malien a encore mordu la poussière sous la pression des rebelles, de l’Algérie et de la France.
Pourtant, c’est le même gouvernement qui a initié et défendu vaillamment l’idée des autorités intérimaires contre l’avis de l’opposition et d’une frange importante de la population.
Pour clore le tableau, l’Assemblée nationale vient de voter le budget (rectificatif) de l’année 2016. Ainsi, l’Etat va octroyer des primes d’un montant de 139 millions de francs CFA à sept députés. Il s’agit des honorables Algabass Ag Intalla, Mohamed Ag Intalla, Ibrahim Ag Assaleh, Deity Ag Sidimou, Sala Ag Albekaye, Mohamed Ag Bibi.
Mais les Maliens désabusés et humiliés par ces nombreux actes posés par le régime en place, gardent l’espoir que leur pays pourra, un jour, retrouver les ressources nécessaires pour rebondir et réécrire une belle page de son histoire.
Issa B Dembélé