La protection du consommateur a désormais un cadre légal au Mali. Mais il a fallu presque une bonne année pour voir nos autorités publiques se décider enfin à se pencher sur le décret d’application de la loi n° n°2015-036 du 16 juillet 2015 portant protection du consommateur. En effet, cette loi, votée par l’Assemblée nationale depuis le mois de juillet de l’année dernière, attendait encore ledit décret, finalement adopté lors du Conseil des ministres du mercredi 15 juin 2016.
C’est comme si le cri de détresse poussé par les populations, notamment en ce qui concerne la spéculation sur les prix et l’offre de produits non-conformes qui taraudent le quotidien des populations en ce mois béni de Ramadan, a trouvé un écho favorable au niveau du gouvernement. Le pas décisif a été donc effectué. Et tant mieux ! Tard vaut mieux que jamais, a-t-on coutume de dire. Djandjo au ministre Abdoulkarim Konaté dit Empé et son équipe. Ils ont tenu bon.
En effet, l’on se rappelle qu’un intense lobbying a été déployé par des milieux des affaires qui ne veulent pas de cette loi. La ténacité des services du ministère du Commerce a été déterminante pour éviter que des grains de sable ne puissent entrer dans l’engrenage. En effet, le projet de loi, avant d’atterrir sur la table de l’Assemblée nationale, a fait l’objet d’une vaste concertation. Les associations de consommateurs se sont hâtées de donner leur quitus, tout en assurant de leur soutien à ce projet de loi qui leur règle quand même un problème fondamental, à travers une disposition qui prévoit de subventionner toute association de consommateurs reconnue d’utilité publique. On voit déjà se réveiller de leur “Coma” prolongé tout ce fatras d’associations de consommateurs dont beaucoup ne brillent que par la quête de jetons de présence dans des conseils d’administration et autres rencontres juteuses où la présence des représentants des consommateurs est souhaitée à défaut d’être exigée.
Il y a, dès lors, le risque de voir se multiplier les associations du genre et la vigilance devrait, dès à présent, être de mise pour éviter la profusion de ces organisations, voire leur prolifération. Pourtant, pendant que ces associations jubilent, il se trouve d’autres, notamment des organisations professionnelles de commerçants, d’artisans et autres regroupements des milieux d’affaires comme celui des agents immobiliers, qui avaient formulé des réserves dont la finalité, à y voir de près, consistait à tout simplement bloquer ce texte qu’ils jugent difficile à appliquer.
Parmi les raisons avancées, on évoquait le niveau d’instruction de beaucoup de professionnels du commerce qui auront du mal à s’adapter aux nouvelles exigences de cette loi qui est, selon eux, très contraignante dans certaines de ses dispositions : garantir la protection et la défense des intérêts du consommateur quant aux clauses contenues dans les contrats de consommation ; assurer l’information appropriée et claire du consommateur sur les biens et services qu’il acquiert ou utilise ; assurer la conformité des biens et services et la sécurité du consommateur par rapport aux normes requises ; fixer les conditions et les procédures relatives à la réparation des dommages ou préjudices subis par le consommateur.
Des députés de l’Assemblée nationale ont été approchés pour un rejet de ce texte. Mais peine perdue ! Non seulement le texte passera, mais l’initiative d’une loi pour protéger le consommateur sera saluée par tous les intervenants au sein de l’Hémicycle.
A présent, la loi a été votée et le décret d’application adopté au Conseil des ministres de la semaine dernière, les autorités se trouvent maintenant face au plus grand défi : celui de son application.
Le décret d’application, comme le précise le communiqué du Conseil des ministres, fixe les règles relatives à l’information du consommateur, aux contrats et clauses abusives, aux pratiques commerciales, à l’endettement, au bail et aux moyens de recherche et de constatation des infractions en matière de protection du consommateur.
L’adoption du présent projet de décret permettra de préciser davantage, dans le cadre de la lutte contre les abus au détriment du consommateur, les rapports entre le fournisseur de biens et services et le consommateur en matière de transactions commerciales.
Les locataires qui sont harcelés jour et nuit par des marchands de sommeil et des intermédiaires véreux qui réclament à tort et à travers des cautions et des avances n’ont qu’à bien se tenir car tout se trouve maintenant réglementé par cette loi n° n°2015-036 du 16 juillet 2015. Laquelle, à vrai dire, vient mettre de l’ordre dans le bazar. De grandes entreprises de la place habituées à de la publicité mensongère qui frise l’arnaque sont aussi averties que rien ne sera plus comme avant avec l’application de cette loi qui donne plus de possibilités de recours aux consommateurs, à condition aussi qu’ils soient bien informés. D’où la nécessité de mener une campagne d’information et de sensibilisation.
Tout changement, si minime soit-il, rencontre de la résistance à plus forte raison si le changement met en jeu des intérêts colossaux. C’est une lapalissade de rappeler que les textes sont une chose et les rendre effectifs dans la pratique en est une autre.
A.B.N.