A quand des actes judiciaires en faveur des victimes des violences sexuelles en temps de conflit? Voilà la question que se pose la Coalition malienne pour l’accès à la justice et la protection des victimes des violences sexuelles. Celle-ci est dirigée par Me Moctar Mariko, président de l’Association malienne des droits de l’homme (Amdh).
Les organisations de défense des droits humains du Mali, regroupées au sein d’une Coalition, viennent de commémorer la journée mondiale pour l’élimination des violences sexuelles liées aux conflits, célébrée le 19 juin 2016 à travers le monde. Pour la circonstance, le président de l’Amdh et les siens sont montés au créneau pour attirer l’attention des décideurs sur les défis liés à la lutte contre l’impunité des crimes sexuels au Mali. C’était à la faveur d’une conférence de presse organisée le jeudi 23 juin 2016 au siège de l’Amdh.
Dans sa déclaration liminaire, Me Moctar Mariko dira qu’entre 2012 et 2013, de nombreux crimes sexuels ont été perpétrés pendant l’occupation des régions du Nord du pays par les groupés armés, notamment des viols et autres formes de violence basées sur le genre. A en croire Me Mariko, les organisations membres de la Coalition malienne pour l’accès à la justice et la protection des victimes des violences sexuelles attendent des autorités maliennes des actes concrets en faveur de la lutte contre l’impunité des crimes sexuels.
Le fervent défenseur des droits de l’homme regrette que les victimes de ces violences sexuelles continuent de vivre une situation extrêmement difficile et parfois insoutenable: perte des moyens de subsistance, isolement, abandon d’enfants, rejet du conjoint sans compter les séquelles psychologiques et physiques. Pour la circonstance, Me Moctar Mariko a pointé du doigt l’Etat du Mali qui, de son point de vue, semble ignorer ces victimes. Selon lui, les enquêtes judiciaires n’ont connu aucune avancée significative et certains suspects ont même été libérés.
«Le 12 novembre 2014, nos organisations ont déposé auprès du Tribunal de grande instance de la commune III de Bamako, une plainte avec constitution de partie civile pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre au nom de 80 femmes et filles victimes de viols et d’autres formes de violence. Le 6 mars 2015, une autre plainte avec constitution de partie civile pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre a été déposée au nom de 33 victimes de crimes internationaux commis lors de l’occupation de la région de Tombouctou auprès de la même juridiction. Le triste constat en est qu’à ce jour le dossier avance très timidement», déplore Me Mariko.
Pour le retour à une paix durable et à l’Etat de droit, la Coalition exhorte les autorités politiques et judiciaires à allouer des ressources suffisantes pour assurer la prise en charge médicale, sociale, psychologique, judiciaire et la fourniture de moyens de subsistance aux survivantes; garantir que les personnes libérées au nom des négociations de paix ne échapperont pas à la justice, en procédant aux inculpations et interpellations des suspects identifiés; diligenter des procédures contre les militaires maliens suspectés d’avoir commis des violences sexuelles; renforcer les capacités des acteurs judiciaires pour la poursuite des crimes internationaux et particulièrement les crimes sexuels à travers notamment la création d’une chambre spécialisée, y compris les violences sexuelles, commises au nord du Mali. S’y ajoute le renforcement des capacités techniques et matérielles des magistrats traitant les dossiers relatifs à ces crimes. En outre, la Coalition recommande de prendre, à travers des réformes législatives, des mesures permettant de garantir la protection des victimes et témoins, notamment celles et ceux des violences sexuelles dans le cadre des procédures judiciaires, mais aussi les défenseurs des droits humains.
Notons que la Coalition malienne est composée, entre autres, de: la Fidh, l’Amdh, Wildaf, Deme-SO, le collectif Cri de Cœur, l’AJM et 2R-Aven.
Ibrahim M.GUEYE