Un nouveau mouvement politico-militaire Peul est né. Il s’appelle l’Alliance pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ASIPRJ). Dirigé par un jeune enseignant de 27 ans, connu sous le nom d’Oumar Al-Janah, le mouvement disposerait, sur le plan militaire, d’un bataillon de 700 hommes entrainés, aguerris et prêts à tout. Et sur le plan politique, des sources évoquent le soutien financier et politique de personnalités, d’intellectuels et hauts cadres Peuls ayant servi dans l’administration à un haut niveau de responsabilité.
Les ingrédients étaient-ils réunis pour la naissance de ce mouvement ? Quelles stratégies pour l’Etat pour y faire face ? Ce mouvement est-il sur les traces de Ganda Koï et de Ganda Izo ? Les justifications de sa création sont-elles fondées ? Faut-il négocier ou combattre ce mouvement politico-militaire ? Les questionnements ne manquent pas depuis le lancement de l’Alliance pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ASIPRJ).
Au Mali, comme toujours, au lieu de combattre le mal on attend les conséquences pour lever le petit doigt. Un mouvement Peul, demain un mouvement Dogon, après demain un mouvement Soninké puis Sénoufo ainsi de suite. Tout ça n’était-il pas prévisible ? Avait-on besoin d’être un Prophète de l’Apocalypse ou une nouvelle Jérémie pour prédire ce qui se passe aujourd’hui ? Rien qu’un certain nombre d’alertes devraient suffire à amener n’importe quel État sérieux à anticiper.
D’abord, on se rappelle, il y a peu de temps, des civils peuls ont été tués par les Donsos probablement, selon certains, armés par le gouvernement du Mali. Rares sont ceux qui sont montés aux créneaux pour dénoncer une situation qui pourrait être à la base de la montée de l’adrénaline au sein de la communauté Peule.
Ensuite, en 2012 des bergers Peuls venus du burkinabè installés au Mali ont été tués par les dogons. Aucune disposition n’a été prise pour rendre justice.
« Nous réclamons d’abord la fin des exactions contre les Peuls, et aussi contre leur bétail. Nous réclamons aussi la justice. En 2013, l’armée a tué trente Peuls à
Léré, qu’elle a balancés dans des puits. Il n’y a eu aucune enquête. Le mois dernier, 90 Peuls ont été tués près de Tenenkou. Des hommes ont été arrêtés, puis ils ont été libérés. C’est inadmissible. Enfin, nous réclamons notre droit à vivre sur la terre de nos ancêtres. », confiait Oumar Al Janah à un journaliste de JA qui lui demandait ce qu’il dénonce au juste.
Sur un autre plan, le rôle de l’Etat c’est de faire en sorte que les militaires maliens soient des républicains. L’Etat doit éviter d’armer une partie de la population contre une autre. C’est ce qui se dit au sein de la communauté Peule. Si non, Oumar Al Janah aura beaucoup d’adeptes et d’adhérents. Ils seront parmi les frustrés, parmi les citoyens qui demandent justice suite aux différentes agressions, parmi les citoyens qui exigent réparation suite à la destruction de leurs biens.
Les maliens ignorent-ils les raisons pour lesquelles les frères du nord ont créé le Ganda Koï et le Ganda Izo. Cela s’est fait au nez et à la barbe des plus hautes autorités du pays. Donc ceux-ci, ont le droit de s’organiser et de se défendre alors que les peuls n’en ont pas. Pourquoi? D’ailleurs, ce n’est un secret pour personne que c’est le Coren et certains cadres Songoï ou Sonrhaï qui sont derrière cette alliance qui risque d’avoir de nombreux membres et sympathisants. Puisque tous les ingrédients sont réunis. Sans que les autorités ne disent un mot. C’est donc un silence coupable qui est observé au niveau des plus hautes autorités maliennes.
Contrairement aux autres mouvements communautaires d’auto-défense, à savoir le Ganda Koï et le Ganda Izo qui protégeaient leur communauté face aux agressions des rebelles Touareg, le nouveau mouvement politico-militaire Peul dénommé l’Alliance pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ASIPRJ) veut défendre la communauté Peule contre les exactions de l’armée malienne. Ils veulent s’organiser pour pallier à l’absence de l’Etat ainsi qu’à l’incapacité de ce dernier d’assurer la sécurité des Peuls et de leurs biens.
Abandon par l’Etat central, impossibilité d’une saine distribution de la justice, des populations livrées à leurs bourreaux sans moyens de défense sont entre autres les raisons de la colère des Peuls dont une partie a décidé de dire non.
L’Etat ne saurait les combattre mais les appeler à la raison. Puisqu’il y a eu des précédents fâcheux. Les tapis rouges sont déroulés pour des assassins de grand chemin, des bandits armés, des trafiquants de drogue, des violeurs, des coupeurs de mains. Personne ne peut combattre ce groupe pendant que les envoyés et les protégés d’Iyad Ag Aly, un terroriste inné, dirigent les prières à Koulouba et sont reçus avec tous les honneurs.
Les plus hautes autorités font de la politique de deux poids deux mesures. En ce sens qu’elles adoubent les voleurs, les assassins, les trafiquants de drogues du MNLA, du HCUA, du MAA et autres. Et maintenant, comme le souhaite certains, si l’Etat envisage de combattre le mouvement politico-militaire Peul ça serait injuste et suicidaire.
A titre de rappel, à propos de la faiblesse de l’Etat central, il faut noter que : « Presque tous les mouvements armés ont été créés depuis Bamako avec des dignitaires militaires et parfois avec les moyens matériels et humains de l’armée malienne. La suite, il n’y a pas eu de sanctions. Quelles furent les sanctions ? S’il n’y a jamais eu sanction et que la trahison a ouvert la voie du succès, si d’autres ont récidivé plus d’une fois pour être à chaque fois honorés et gratifiés, il va de soi que d’autres empruntent le même chemin pour sortir de la misère. C’est tout à fait légitime comme droit. », a dit un internaute.
De toutes les façons, on ne doit pas minimiser ce mouvement. On ne doit pas incriminer ce mouvement. Ce mouvement veut seulement que la communauté Peule, exposée à toutes sortes d’exactions, assure sa propre sécurité. D’autres communautés ont créé des mouvements d’auto-défense. A-t-on combattu le MNLA, ANCAR DINE, MIA, HCUA, Ganda Izo, Ganda Koï et autres ? Si oui quel combat. La suite, on la connaît : l’échec. La débâcle successive de l’armée malienne depuis des années a amené les différents régimes à négocier avec eux souvent au détriment de l’intérêt supérieur de la Nation. En acceptant des compromis qui révoltent le commun des maliens. Mais pour sauvegarder leur fauteuil tous les moyens sont bons même ceux qui sont en contradiction avec les intérêts du pays.
Tant que cette manière de penser injustement et de traiter les bandits comme des rois, même les Bwa, les Bambara, les Senoufo, les Sarakolé etc finiront par prendre les armes. Tout simplement parce que dans un Etat irresponsable comme le nôtre seuls les vagabonds, les bandits armés, les ennemis de l’unité sont respectés.
Nous ne soutenons pas la création tout azimut des regroupements identitaires mais les raisons qui ont présidé à la création de ce mouvement Peul sont justifiées. Contrairement aux partisans de la chimérique Etat de l’Azawad, les Peuls veulent s’organiser pour assurer leur sécurité (le terroir, les populations, les biens et autres.) dans un Mali unifié. Ils ne sont pas animés par des idées sécessionnistes, des idées indépendantistes. Or c’était le cas des rebelles Touareg. Les contingences ont fait que ça n’a pas marché. D’où la volte-face, le retour à un Mali unique.
Moussa Mamadou Bagayoko