Constamment secouée par les rapports tendus du président avec ses collègues, l’Assemblée nationale n’a pu s’épargner une crise inédite longtemps latente sur fond de présomptions et d’accusations de mauvaise gouvernance, de protestations contre une gestion institutionnelle que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de patrimoniale. La semaine dernière, en effet, les desideratas se sont cristallisés avec l’émergence d’une puissante vague de fronde parlementaire très remontée contre Issaka Sidibé. Et dont la colère a atteint son paroxysme au point de se manifester par un boycott des travaux parlementaires.
Au moment où nous mettions sous presse, un dénouement semble se dessiner sur la base d’un compromis arraché de justesse au N°1 de la représentation nationale. Isaak Sidibé, confie-t-on, a finalement accepté qu’un faisceau de lumière soit braqué sur la gestion de l’institution parlementaire. Quelques jours auparavant, l’atmosphère s’était dégradée au point de déboucher sur situation inédite. Une conférence des présidents annoncée pour mercredi dernier en a fait les frais de même qu’une plénière prévue le jour suivant. Les différentes sensibilités politiques de l’hémicycle, à l’unanimité, juraient de ne prendre part aux instances de l’Assemblée nationale (réunions du bureau, conférence des présidents et plénières) tant qu’elles seront conduites par Issaka Sidibé.
En cause, selon nos confidences, une séance à huis-clos sollicitée par les députés, toutes tendances confondues, en vue de tirer au clair certains aspects financiers et administratifs du fonctionnement de l’institution, laquelle venait juste d’être dotée d’un crédit budgétaire supplémentaire de 1,7 milliards dans le cadre d’un collectif soumis par l’Exécutif au vote de parlementaires, quelques jours auparavant. La manne aurait dû déclencher une joie collective si les parlementaires – principalement les membres du bureau et de la conférence des présidents – ne s’offusquaient de n’avoir jamais été associés ni à l’expression du besoin budgétaire ni à sa répartition de l’allocation additive. Celle-ci, selon le ministre des Finances, est principalement destinée à redorer le blason de l’institution parlementaire en soldant ses arriérés auprès des banques et des fournisseurs. Mais l’explication ne guère suffisante pour calmer les ardeurs de députés, et pour cause. Le bruit a couru dans le coulisses qu’une partie des fonds a été unilatéralement affectée aux travaux de réhabilitation de la résidence du président Issaka Sidibé. Qui plus est, au cours de la même séance de délibération sur le budget corrigé de 2016, un dépassement de 700 millions a été évoquée parmi les motifs d’augmentation des crédits de l’Assemblée nationale.
De quoi conforter les députés dans leurs exigences de clarification sur l’utilisation des fonds parlementaires qui, à leurs yeux, devrait normalement être avalisée par les instances parlementaires, au nom de l’horizontalité devant caractériser les rapports entre composantes d’une institution élective. «Isaak est certes le président mais nous sommes tous élus de la même manière; certains le sont même mieux que lui», a fulminé à ce sujet un député dans les couloirs de l’hémicycle.
Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les mouvements d’humeurs qui feront plier un président qui avait surmonté des tribulations quasi-similaire au dernier renouvellement des instances parlementaires et même une menace de destitution par motion de défiance. En conséquence, ni l’Honorable Issaka Sidibé ne s’est plié à l’exigence de ses collègues, ni ceux-ci n’ont renoncé à mettre à exécution leurs menaces de prendre en otage les travaux parlementaires dirigés par lui. C’est ainsi qu’un mot d’ordre de la chaise vide a eu raison du fonctionnement de l’institution où les réunions improvisées, les manœuvres de coulisses et concertations interminables ont littéralement ont littéralement supplanté la conférence des présidents et la plénière respectivement annoncées pour le mercredi et le jeudi derniers.
Dans le même temps, les démarches de conciliation avaient également cours et le collège des présidents de groupe parlementaire, à pied d’œuvre depuis le début de la crise, semble avoir tracé le chemin vers la fin du bras-de-fer intra-institutionnel. Aux dernières nouvelles, en tout cas, leur médiation a pu aboutir au spectre d’une sortie de crise car le président Sidibé, explique-t-on de même source, a fini par lâcher du lest sur une clarification à huis clos posée comme condition sine qua non de la poursuite des travaux parlementaires.
De sources concordantes, ladite séance extraordinaire va se dérouler aujourd’hui avec comme ordre du jour les pratiques contre lesquelles s’insurgent les députés : la gestion peu collégiale de l’institution puis les équivoques qui entourent les dépassements et l’affectation de ses ressources budgétaires. Il faut dire que certaines desdites question tiennent d’une simple incompréhension. A l’instar des dépassements qui, selon nos confidences, découlent essentiellement d’augmentations que les parlementaires se sont octroyés en termes de frais de monture, soit de charges imputables aux multiples commissions ad hoc pour la plupart suscitées par l’Exécutif (Commissions David Sagara, Moussa Mara, ATT, etc.).
La bourrasque du congrès est aussi passée par là (ENCADRÉ)
Les assises du Rassemblement Pour le Mali, annoncées pour le mois prochain, ne sont pas étrangères à la crise ayant traversé l’hémicycle la semaine dernière. Elles n’en sont certes pas l’élément déclencheur mais, pour sûr, le congrès en est pour beaucoup dans son exacerbation ainsi que dans ses tournures spectaculaires, au regard notamment de l’atmosphère d’hostilité et de susceptibilités occasionnées par les positionnements ou présomptions de positionnement claniques. Un avant-gout de ces divergences inter-Rpm avait d’ailleurs été servi, en octobre dernier, lorsqu’une fronde similaire avait affecté la mise en place du bureau. L’épisode, on s’en souvient, avait donné lieu à un tout premier accrochage direct entre le président Issaka Sidibé et le Secrétaire général du BPN, Bocari Tréta. C’était aussi la première manifestation du syndrome des positionnements inter-Rpm sur le fonctionnement d’un hémicycle où la suprématie parlementaire du parti présidentiel est indéniablement un enjeu dans la bataille successorale qui agite les structures de cette formation. En atteste par ailleurs la récente épreuve pugilistique ayant mis aux prise, lors d’une réunion du BPN, le Directeur de Cabinet du président de l’Assemblée nationale et une tendance proche du Secrétaire général du parti. L’épisode n’est qu’une manifestation du choc par procuration entre Issaka Sidibé et Bocari Tréta, deux prétendants plus que présomptifs au fauteuil laissé vacant par IBK.
Le hic est que le premier, tout président de l’Assemblée qu’il est, est dépourvu de toute influence réelle des rangs parlementaires de son parti comme l’atteste les frondes répétitives contre sa personne. Il n’est point exclu que celle de la semaine ait été perçue, du côté du président de l’hémicycle, comme une manœuvre destinée à contrarier ses ambitions à quelques encablures de l’échéance annoncée pour la tenue du congrès. Une posture somme toute naturelle quand la collégialité ne se traduit pas par le soutien et l’accompagnement espérés. Comme on le voit, en définitive, l’avant-scène du spectacle des assises se statutaires du Rpm se joue aussi à l’Assemblée nationale après l’épisode du renouvellement des structures de base.
A KEITA