Où va le Mali ? C’est sans doute la question que se pose plus d’un observateur lorsque le 25 juin dernier, des habitants de deux villages se sont violemment affrontés. Bilan : 14 morts et de nombreux blessés ! Les faits se sont déroulés dans le Centre du pays, dans la région administrative de Mopti dont dépendent Mougna et Koursouma, les deux villages en conflit. Le Centre du Mali qui connaissait jusque-là un calme apparent, est-il aussi en train de se transformer en chaudron comme l’est le Nord depuis plus de trois ans ? La question vaut son pesant d’intérêt, quand on sait que peu avant ce conflit foncier qui a dégénéré en une scène de violences, ladite région avait déjà enregistré des affrontements intercommunautaires entre les Peuls et les Bambara. C’était le 3 mai dernier où au moins trente civils avaient été massacrés. Et comme signe de la tension toujours palpable, des localités ont été interdites aux uns, alors que les autres n’ont plus le simple droit d’enterrer leurs morts. En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec ces affrontements meurtriers tous azimuts d’un côté entre différentes communautés et de l’autre entre agriculteurs et éleveurs, l’équation malienne se complique davantage. Il faut donc vite désamorcer la bombe pendant qu’il est encore temps. Car les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut craindre un effet domino, surtout que dans le cas d’espèce du Mali, la démission de l’Etat a poussé chaque communauté à mettre en place une milice d’autodéfense armée pour assurer sa protection ; la nature ayant toujours horreur du vide. Le dernier exemple en date est la naissance d’un nouveau mouvement armé d’obédience peule appelé « l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice » qui dit avoir l’armée malienne comme ennemie numéro un.
Même devenus structurels, les problèmes fonciers semblent ne pas préoccuper au plus haut point l’autorité
C’est dire qu’au Mali, quand on fait aujourd’hui un pas vers la paix, on en fait deux fois plus vers l’inconnu. Puisque pour un rien, les amalgames sont vite faits et le pire est arrivé, et cela à cause du laxisme et de l’impéritie d’une administration corrompue qui essaie de tirer profit de chaque situation. A preuve, ce litige foncier à l’origine des événements dramatiques du 25 juin dernier au Mali, remonte, à ce qu’on dit, à plusieurs années. C’est à se demander si l’autorité n’avait pas minimisé le problème jusqu’à ce que l’irréparable se produise. Et cela n’est pas propre seulement au Mali. Il en est ainsi pour la plupart des pays africains où les conflits fonciers sont légion pour ne pas dire la chose la mieux partagée. C’est le cas par exemple, chez nous, au Burkina Faso, où le début de chaque saison des pluies constitue une période à hauts risques. Mais même devenus structurels, les problèmes fonciers semblent ne pas préoccuper au plus haut point l’autorité, d’où l’absence remarquée d’un mécanisme de règlement de ces conflits. Pire, c’est à se demander si, ici comme ailleurs, les autorités elles-mêmes ne sont pas à l’origine de certains litiges dans les villages. En effet, les faits parlent d’eux-mêmes puisqu’on a vu des coutumiers s’affronter par hommes politiques interposés, au grand dam de la cohésion sociale. C’est ce qui explique que certains problèmes, mineurs au départ, finissent par prendre des proportions tragiques insoupçonnées.
Boundi OUOBA