La crise actuelle du Nord est devenue récurrente par des facteurs historiques et géopolitiques qui se distinguent des causes raciales et ethniques. De l’indépendance à nos jours, le Mali a toujours souffert de la barbarie de la rébellion du Nord. La crise en cours a détruit nos mausolées, manuscrits et tout ce qui caractérise le mythe et la valeur culturelle de Tombouctou et tous les monuments classés «patrimoine mondial de l’UNESCO».
Les conditions d’accession de notre pays à l’indépendance sont pour beaucoup dans la récurrence de la crise qui a secoué le Nord depuis plus de cinquante ans. Le Mali a pris son indépendance au moment où la « guerre froide » (entre les Etats Unis et l’URSS) battait son plein. Or, en cette période, tout le monde occidental était dressé comme un seul homme contre l’ennemi : le monde communiste. Le Mali avait donc porté son choix sur le socialisme et pour la liberté. Ce comportement avait ignoré la dynamique qui avait tendance à étouffer toute velléité communiste venant de la puissance colonisatrice. Dès lors, bien que matée dans le sang, la première rébellion touarègue de 1963 n’avait cependant pas été condamnée et les rebelles n’avaient pas été découragés par la France capitaliste face à un Mali non aligné et communiste.
A cette époque, tous les pays communistes, grands ou petits, faisaient l’objet d’un traitement spécial. Mais le Mali n’avait pas reçu d’aide de la France pour «étouffer le poussin dans l’œuf». Les causes historiques de la récurrence de la crise du Nord ont existé malgré qu’au sein des empires et royaumes, les peuples avaient vécu dans une certaine symbiose sans qu’aucune fracture ethnique ou raciale n’ait occasionnée aucune rébellion. Mais voilà qu’une indépendance sur fond de choix communiste vient inaugurer une rébellion qui va durer cinquante ans. Dès lors, le Soudan français (actuel Mali) devait payer cher son option socialiste au lendemain des indépendances. Quant à la seconde option, elle est relative à la violation d’un Pacte national dit «de bon sens». Le Mali a bel et bien raté le pari du brassage qu’il devait cultiver entre les races et les ethnies parce que c’est un pays multiracial et pluriethnique profondément ancré dans ses origines et ses fondements. De façon systématique, les fonctionnaires originaires du Sud et du Centre du pays devaient aller servir au Nord pour favoriser ce brassage nécessaire et utile pour la cohésion sociale des différentes populations maliennes.
Mais il y a près d’une décennie, cette «règle d’or» initiée par les pères de l’indépendance du pays a été abandonnée à la « poubelle » par les autorités maliennes. Toute chose qui est à l’origine de la crise sécuritaire qui s’est manifestée par une rébellion qui a occupé tout le Nord depuis janvier 2012. «Le Nord a été laissé aux seuls nordistes parce que c’est eux qui connaissent leur sable », disait-on. Quel mépris envers l’unité, la cohésion, la solidarité et la fraternité dans un pays pourtant laïc, un et indivisible ! C’est toute la culture de Tombouctou qui a ainsi fait les frais de cette incurie : les biens matériels et immatériels, les patrimoines moraux, bref, toutes nos valeurs jalousement gardées depuis des millénaires à Gao à travers les mosquées et tombeaux des Askia, et surtout, les manuscrits du centre «Ahmed Baba».