Suite à des informations faisant état d’arnaques dont feraient l’objet les détenus de la Maison d’arrêt de Kati, nous nous sommes rendus dans cette prison. Dans le couloir qui conduit à la salle de visite et en face du bureau du régisseur de la prison, un tableau noir renseigne sur « l’effectif journalier » des détenus. Le jour de notre passage, le mardi 21 juin 2016, nous apprenons ainsi que la prison de Kati accueille 261 détenus. Comme toutes les prisons du Mali, à Kati, on ne franchit aucun portique électronique avant de pénétrer dans l’enceinte de l’édifice. Il n’y a pas non plus de détecteurs de métaux auxquels se soumettraient d’éventuels visiteurs. On présente sa pièce d’identité et le permis de visite délivré par un juge pour avoir accès à la prison. S’ensuit une légère fouille au corps pour s’assurer que le visiteur ne porte pas sur lui un téléphone ou tout autre objet suspect.
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100.000 FCFA pour sortir de l’enfer
Selon des détenus que nous avons interrogés sous couvert de l’anonymat, lorsqu’un détenu est admis à la Maison d’arrêt de Kati, il est délibérément placé dans une grille fort insalubre et très surpeuplée. La chaleur y est étouffante. Les corps en sueur sont allongés à même le sol ou sur des matelas crasseux qui s’en vont en lambeaux. Ces souffrances conditionnent le détenu à accepter un marché: payer la somme de 100. 000 FCFA pour bénéficier de conditions de détention plus souples. Lorsqu’il verse cette somme, il est immédiatement transféré dans une cellule propre, bien aérée et dotée de 17 lits. Dans cette pièce dotée de toilettes intérieures, chaque détenu a son lit. La dîme de 100.000 couvre le « loyer » pour toute la durée de la détention, à moins que celle-ci ne soit exceptionnellement longue et ne conduise à une petite rallonge.
L’arnaque ne s’arrête pas là. Selon les détenus, l’accès à la grande cour de la Maison d’arrêt nécessite le paiement de la somme de 15.000 FCFA. Moyennant quoi, pendant tout son séjour, le détenu peut se dégourdir les jambes aux heures d’insomnie ou d’ennui. Pis: tout visiteur à la prison doit payer 2000 FCFA aux gardes de service pour avoir le droit de communiquer avec les détenus. Les 2000 FCFA remplacent, au besoin, l’exigence d’un permis de visite. Cependant, nos interlocuteurs reconnaissent que l’alimentation est d’une qualité acceptable. Ils affirment aussi recevoir régulièrement des soins de la Croix Rouge malienne. Les détenus musulmans déplorent, pour leur part, l’absence de mosquée dans la prison, alors qu’une église y est bâtie. De quoi faire douter des statistiques qui font croire que le Mali abrite 99% de musulmans! L’église en cause est l’œuvre d’une association chrétienne qui procède à des distributions régulières d’évangiles dans l’édifice carcéral. Les détenus estiment avoir des droits et souhaitent que le département de tutelle veille à leurs conditions de vie. Et ce n’est pas les pièces adéquates qui manquent à la Maison d’arrêt ! Interrogé par nos soins, un garde pénitentiaire rit à gorge déployée. « Vous parlez de Kati, mais les mêmes pratiques sont observées dans toutes les prisons, à commencer par celle de Bamako-Coura! ».
Abdoulaye Guindo