Prendre en otage l’activité parlementaire pour régler son compte à Issaka Sidibé, président de l’Assemblée nationale. Voilà la pratique à laquelle nous avons assisté la semaine dernière par une bande de députés frondeurs. Pour mieux comprendre les causes réelles de la crise, nous avons contacté certains députés dont Yacouba Traoré.
Les députés frondeurs accusent le titulaire du perchoir de mener une gestion solitaire des ressources de l’hémicycle.
Une énième humiliation orchestrée par les élus du peuple contre la République et ses institutions en oubliant leur mission et foulant aux pieds le statut «honorable.»
Pourquoi mettre sur la place publique un problème interne alors que l’Assemblée nationale dispose d’autres canaux pour la gestion d’une telle situation? Seuls les députés frondeurs peuvent répondre à cette question. En tout cas, la façon dont cette crise est gérée montre l’immaturité des uns et des autres et surtout l’incohérence de ceux-là qui crient sur tous les toits leur soutien au président de la République.
Cette crise de l’institution parlementaire, en plus d’écorner son image, ne va pas sans conséquences sur le fonctionnement de l’institution. En effet, cette rébellion contre le président de l’Assemblée nationale a littéralement bloqué l’activité parlementaire et même gouvernementale. Il a fallu toute une journée de tractations dans les couloirs et autres bureaux de l’hémicycle pour qu’on assiste, le mardi dernier, à la tenue d’une séance plénière présidée par le président Issaka Sidibé.
Pour mieux comprendre le principe de l’octroi des avantages au président de l’Assemblée et ses vice-présidents, nous avons approché un ancien cadre de l’administration parlementaire ayant requis l’anonymat. Selon ce dernier, cette crise d’une bande de députés n’est que de la poudre aux yeux. Les frondeurs veulent forcer la main, puisque les avantages accordés aux députés sont consacrés soit par une loi organique soit par une simple décision du président. «La nature des avantages dont il est question dans ce cas précis nécessite que soit prise une loi organique qui doit bénéficier de l’avis favorable de la Cour constitutionnelle après vérification. C’est cette procédure que les frondeurs veulent contourner en demandant au président de leur octroyer par décision, toute chose qui pourrait se retourner contre lui au moment des comptes. Moi je pense que les députés doivent savoir raison gardée.
En effet, le président de l’Assemblée nationale est élu pour un mandat de cinq ans et notre constitution n’a rien prévu pour pouvoir le destituer. Qu’ils attendent donc dans deux ans pour pouvoir élire un autre président à la tête de cette haute institution de notre pays… », a- t –il expliqué. En tout cas, le ton a été donné par le ministre des Finances lors de l’examen du collectif budgétaire la semaine dernière.
Dans cette incohérence politique de certains députés de la majorité parlementaire, une tendance se dégage pour se mettre au dessus de la mêlée et invite les frondeurs et autres indécis au sens de la responsabilité et à l’union sacrée au tour du président de la République qui à besoin d’une majorité politique, surtout parlementaire pour relever les défis auxquels la nation malienne fait face depuis 2012.
C’est le cas du député élu à Ségou, honorable Yacouba Traoré. Pour lui, l’Assemblée nationale n’a pas besoin d’un tel décor surtout venant des députés de la majoritaire présidentielle. «J’ai pas peur de donner ma position sur cette crise pour la simple raison que mon action en tant que député s’inscrit dans une logique de soutien au président de la République. Donc c’est pour dire que le Mali n’a pas besoin d’une crise politique. Il s’agit plutôt de soutenir IBK par tous les moyens dont dispose la majorité présidentielle. Il appartient aux uns et aux autres d’arrêter le dilatoire pour soutenir IBK. Je suis loin d’être pour ou contre quelqu’un, mais le sens de la responsabilité doit être le maitre mot de chaque cadre politique pour mettre au devant l’intérêt du Mali au détriment de l’intérêt personnel».
Même son de cloche chez le député Zoumana N’tji Doumbia qui met en doute la sincérité de ce combat. Selon lui, la crise n’est autre chose qu’un combat entre le président de l’institution et ses vice-présidents pour des divergences sur l’octroi de certains avantages. «Je n’ai pas pris part à cette histoire, car je pense que nos problèmes internes ne doivent pas impacter le travail parlementaire pour lequel nous sommes élus.
On a tout le temps de gérer nos problèmes en interne et il existe d’autres canaux pour la gestion de nos différends au lieu de prendre la plénière en otage. Ça ne nous grandit pas. Ils ont pris conscience comme tu as pu le constater le mardi dernier avec la reprise des travaux et hier vers 15 heures un huis clos devrait se tenir. Est-ce qu’il y avait réellement contestation ? Si tout s’était bien passé entre eux, personne ne serait au courant. Des questions d’avantages demandés par les vice-présidents, tout est parti de là, car le président aurait refusé de les octroyer. Ils ont profité de la naïveté de certains pour les embarquer dans un combat qui n’était pas le leur. C’est après qu’est intervenue la question de gouvernance. Vu la gronde du peuple, chacun a semble-t-il, mis de l’eau dans son vin.»
Sans risque de se tromper, on peut dire que nous sommes en face d’une majorité en manque d’inspiration pour jouer pleinement sa mission de soutien et d’accompagnement du président de la République dans la mise en œuvre de son programme de société. Pour certains observateurs politiques, les députés du parti présidentiel ont transporté la crise qui secoue le RPM depuis un certain temps à l’Assemblée nationale. En tout cas, ni le député Mahamadou Lamine Wagué ni Korotoumou Diané, une assistante parlementaire du groupe parlementaire RPM, ne diront le contraire. Les deux cadres du parti présidentiel ont failli en venir aux mains le vendredi 24 juin 2016 à l’Assemblée nationale.
Les députés doivent trouver la bonne formule de sortie de crise pour se remettre au travail. Déjà le nombre des dossiers sur la table est important, alors que la session en cours sera clôturée le 2 juillet 2016.
Parmi ces dossiers, il faut citer l’examen et l’adoption de la loi électorale qui doit consacrer l’organisation des élections communales. L’une des priorités du président de la République dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.
Nouhoum DICKO