L’aspiration des groupes ethniques du Mali à l’émergence est bien plus que d’actualité, c’est une menace dans certains cas. Tout le monde semble rejeter l’Etat central, représenté par de petits fonctionnaires véreux, alors que tous les efforts s’emploient à ne développer que Bamako, la capitale du pays. Du «printemps Soninké » dans le Gadiaga à la crispation des Peulh du Macina, en passant par le réveil un peu tardif de cadres sédentaires du nord, voici le tour d’horizon de faits récents soulignant le rejet de l’Etat central.
En mai 2016, Ousmane Issoufi Maïga, ancien Premier ministre, prend la tête d’un mouvement qui ne dit pas son nom : la réunion des cadres des communautés de culture songhaï. La rencontre tenue à Bamako ne faisait pas le procès de l’Etat central, mais elle était fortement inspirée par l’attachement à l’affirmation des Songhoï dont le rôle historique dans la vie politique du nord du Mali tend à être dissimulé.
Les réformes politiques en cours au nom de l’accord d’Alger aiguisent les appétits pour le pouvoir, ce qui explique en partie le réveil des cadres des communautés de culture songhaï. Les nouveaux pouvoirs octroyés par l’accord d’Alger constituent des enjeux politiques pour les différentes communautés du nord appelées à gouverner le même terroir.
D’une autre manière, les Soninké du Gadiaga( qui correspond à peu près au cercle de Yélimané) ont manifesté leur désir d’être maitres du développement local. Toujours en mai dernier, les dessous politiques de ce qui a été appelé «le printemps soninké », ne sont autres qu’une prise de conscience, bien que tardive, visant à placer les enfants du sol au cœur de la gestion des affaires d’un terroir à la merci d’une administration effrayante.
Depuis plus de deux ans, les Soninké de l’association Yélimané Dagakaané ont entrepris de mettre à profit l’importante diaspora repartie entre des pays aussi lointains que le Japon, la France, les Etats-Unis ou l’Australie. Objectif : financer le développement local à travers la formation professionnelle des jeunes qui ont payé un lourd tribut à la migration irrégulière entre l’Europe et la Méditerranée pendant les trois dernières années.
Mais c’est avec les nouveaux mouvements peulh que le problème de l’identité ethnique devient inquiétant. Un anonyme de cette communauté déclarait son adhésion à la cause d’un mouvement peulh en des termes graves, en s’opposant au Mali, à Bamako la capitale et à la centralité de la langue Bambara.
Ces expressions de rejet de l’Etat que certains appellent régionalismes ressemblent à des « nationalismes ». L’association de l’identité ethnique au terroir n’est pas à négliger, surtout que l’accord d’Alger ouvre grandes les portes de la libre administration, les collectivités pouvant même adopter l’appellation qu’elles veulent. Cela peut vite devenir de l’autodétermination dans certaines conditions.
Soumaila T. Diarra