«Tu voles, je vole, on surfacture…on ment, on triche, on fraude et la vie continue !». Tel semble être le credo de nos dirigeants actuels. Mais, comme le dirait l’autre, «Dieu ne dort pas» et «tous les jours pour le voleur, un jour pour le propriétaire».
C’est du moins ce que l’on peut dire dans les affaires de surfacturation relatives à l’achat de l’avion présidentiel et aux contrats d’armements qui font aujourd’hui couler beaucoup d’encre et de salive tant au plan national qu’international. Sommes-nous au pays d’Ali Baba et des quarante voleurs ? Question importante.
Pour commencer, amusons-nous un peu avec ce résumé du récit d’Ali Baba et des quarante voleurs. Ali Baba est un bûcheron pauvre. Un jour, alors qu'il coupe du bois dans la forêt, il entend des voix : il se cache dans un arbre où il entend le chef d'une bande de quarante voleurs prononcer la formule magique qui permet d'ouvrir une porte dans la roche : «Sésame, ouvre-toi !» et la formule magique pour la fermer : «Sésame, ferme-toi !». Après le départ des bandits, Ali Baba prononce la formule et entre dans la grotte, découvre des trésors accumulés et emporte une partie de l'or. Son frère Cassim, qui est un riche marchand, est surpris par la fortune soudaine d'Ali Baba qui lui raconte son aventure.
Cassim va à la caverne, mais troublé par la vue de tant de richesses, ne retrouve plus la formule qui lui permettrait de sortir de la grotte. Les bandits le surprennent dans la grotte, le tuent et découpent son corps en morceaux. Ali Baba, inquiet de l'absence de son frère, va à la grotte et découvre les restes de celui-ci, qu'il ramène chez lui. Avec l'aide de Morgiane, son esclave très habile, il réussit à enterrer son frère sans attirer l'attention de ses connaissances.
Les bandits, ne retrouvant plus le cadavre, comprennent qu'une autre personne connaît leur secret. Ils finissent par repérer la maison d'Ali Baba. Leur chef se fait passer pour un marchand d'huile et demande l'hospitalité à Ali Baba. Il est accompagné par un convoi de mules portant trente-huit jarres. Une d'elle est remplie d'huile et chacune des trente-sept autres cache un des bandits (deux bandits ayant été précédemment exécutés pour avoir échoué à retrouver Ali Baba). Ils projettent de tuer Ali Baba pendant son sommeil. Morgiane découvre leur plan et tue les bandits cachés dans les jarres en versant de l'huile bouillante dans chacune d'elles. Quand le chef va chercher ses complices, il découvre les cadavres de ses hommes et fuit.
Pour se venger, quelque temps après, le chef des bandits s'établit comme commerçant et se lie d'amitié avec le fils d'Ali Baba, désormais chargé des affaires de feu Cassim. Le chef des bandits est invité à dîner chez Ali Baba, où Morgiane le reconnaît. Celle-ci effectue alors une danse munie d'une dague, qu'elle plonge dans le cœur du bandit. Dans un premier temps, Ali Baba est furieux de voir son hôte exécuté, mais lorsqu'il découvre que le bandit a tenté de l'assassiner, il rend sa liberté à Morgiane et la donne en mariage à son fils. Ali Baba est ainsi la seule personne à connaître le secret du trésor dans la grotte et le moyen d'y accéder. L'histoire finit bien pour tous, à l'exception de Cassim et des quarante voleurs.
Si cette histoire qui peut paraître drôle et amusante, finit bien pour Ali Baba et Morgiane, tel n’est pas le cas pour le président IBK. En effet, tout commence mal pour lui en son début de quinquennat. Sur le plan politique, rien ne semble lui sourire. «L’inconscience des héritiers politiques du système ATT, le jeu stupide auquel ils se livrent, la légèreté et l’insouciance avec lesquelles la crise malienne est abordée au plus sommet de l’Etat malien sous la dictée de la Cédéao et des puissances extérieures, effraient à plus d’un titre. On a le sentiment angoissant que nulle part, on a pris la véritable mesure de la catastrophe dans laquelle le pays est plongé. Au lieu d’affronter la réalité, on la contourne, on biaise pour prolonger une situation de confusion généralisée propice à toutes les combines politiciennes en vue de perpétuer la position de rente que procure l’occupation de certains postes politiques tant convoités au niveau de l’Etat», écrivait si bien Pr. Issac N’Diaye.
On a l’impression que le président IBK est assailli de toutes parts par une montagne de problèmes. Crise au Nord du Mali, notamment l’équation redoutable de Kidal avec son corollaire de pourparlers d’Alger entre le gouvernement et les bandits armés ; descente aux enfers de l’école malienne ; grogne sociale ; affaire Tomi ; affaires de surfacturations dans l’achat de l’avion présidentiel et des contrats d’armements avec à la clé la suspension de l’aide du Fmi au Mali… Non, trop déjà pour un président qui n’a fait seulement qu’un an, alors qu’il en a cinq !
Ce qui retient surtout l’attention ces derniers temps, c’est le rapport accablant du Vérificateur général qui met à nu les tares et les incohérences du régime actuel. En effet, dans son Rapport définitif sur l’acquisition de l’aéronef présidentiel et l’achat de matériels et d’équipements militaires, le Vérificateur général fait état de 25,48 milliards Fcfa d’actes de mauvaise gestion et 12,42 milliards Fcfa de fraude. Et la fraude se décompose comme suit: 9,35 milliards Fcfa de transactions frauduleuses sur la fourniture de matériels HCCA, de véhicules et de pièces de rechange ; 2,63 milliards Fcfa de fraude fiscale ; 438,85 millions Fcfa de fraude fiscale…
Les situations auditées sont édifiantes comme le cas d’une société privée, une Sarl au capital de 3 millions Fcfa, qui se voit attribuer, sans avoir même demandé, un contrat de 69 milliards Fcfa, exonéré de tous droits d’enregistrement et à la clé une garantie de l’acheteur-Etat, sans laquelle la banque n’aurait jamais financé une telle opération au profit de cette société. Peut-on indiquer le moindre risque qu’a pris cette entreprise dans le cadre de ce contrat, pour bénéficier in fine d’une marge bénéficiaire de plus de 25 milliards Fcfa ? Faut-il rappeler que dans le cadre de la Loi de Finances 2014, les budgets du ministère de la Justice (8,4 milliards Fcfa), du ministère de la Culture (3,1 milliards Fcfa), du ministère de la Fonction publique (1,8 milliard Fcfa), du ministère de la Réconciliation nationale, Développement des régions Nord (2 milliards Fcfa) et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (10 milliards Fcfa). Tous réunis font 25,3 milliards Fcfa. Comment peut-on ainsi voler, frauder, détourner dans un pays qui se dit aussi pauvre que le Mali et qui dépend en grande partie de l’aide extérieure ? Pendant que la grande majorité de la population «trime» et «galère», comme le faisait Ali Baba (bûcheron), en espérant des lendemains meilleurs, une bourgeoisie moderne est cultivée et entretenue au sommet de l’Etat. Tout simplement incompréhensible !