Faut-il désespérer du Mali ? C’est la question que l’on pourrait se poser, au regard de la tragédie qui s’y joue, et qui n’est pas sans rappeler le mythe de l’éternel recommencement incarné par Sisyphe. En effet, depuis l’invasion djihadiste de janvier 2012 avec la suite que l’on sait, la paix semble introuvable au Pays de Soundiata Keïta, principalement dans sa partie septentrionale où les frictions et autres accrochages récurrents entre groupes armés, rythment le quotidien des populations. Si fait que sa ville symbole, Kidal, est en passe de devenir la capitale des tensions. Le dernier épisode en date est celui de la semaine dernière où le Gatia et le HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad), pourtant signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, étaient au bord de l’affrontement. Raison invoquée : la gestion des taxes de transport à l’entrée de Kidal. Quelques jours plus tard, la tension était encore montée de plusieurs crans entre les mêmes protagonistes que l’on dit pourtant tous proches du pouvoir, au sujet de l’installation des autorités intérimaires. Le Gatia accuse le HCUA de vouloir se tailler la part du lion, alors qu’il a déjà raflé le poste de gouverneur de la région de Kidal où un de ses proches a été récemment nommé par Bamako. Cette nouvelle poussée de fièvre entre groupes armés, vient remettre sur la table le problème de la bonne foi des différents acteurs du conflit malien. En tout cas, tout se passe comme si ce que les gens n’ont pas pu obtenir par les armes, ils essayent de l’obtenir par la négociation et vice-versa, sur fond de rouerie et de roublardise. Si fait qu’un accord signé le matin, peut voler en éclats le soir, au grand dam de ceux qui ont la faiblesse de croire en la possibilité d’un retour rapide à une paix définitive. Et à ce rythme, l’on court vers un enlisement certain.
Tant que Bamako ne mettra pas tout le monde au pas, il serait illusoire de penser voir de sitôt, le bout du tunnel
C’est à se demander si la notion de patriotisme a encore un sens au Mali, pour autant que les différents acteurs en aient le même entendement, tant les différents protagonistes donnent le sentiment de ne penser chacun qu’à soi. En tout cas, personne ne semble s’élever au-dessus de son ego pour faire les concessions nécessaires qui pourraient donner une chance à une cohabitation pacifique. A cette allure, demain ne semble pas la veille pour trouver une solution définitive de sortie de crise. Et la question que l’on pourrait se poser est celle de savoir si Bamako vaincra jamais le signe indien. On ne peut que le souhaiter vivement, même si la réalité sur le terrain pousse sérieusement au pessimisme. Une chose est cependant certaine : si l’on doit continuer à tourner en rond et donner le sentiment de retourner chaque fois à la case départ, cette crise malienne est promise à la lassitude de la communauté internationale qui risque, à la longue, de s’en détourner. Cela n’est pas souhaitable, car une guerre oubliée aurait pour conséquence de laisser le rapport de forces s’exprimer sur le terrain. Tant que Bamako ne mettra pas tout le monde au pas, il serait illusoire de penser voir de sitôt, le bout du tunnel. Et la paix restera pour longtemps encore, si proche, si loin. Mais comment y parvenir ? Question d’autant plus opportune que le Gatia, qui apparaît comme l’un des alliés les plus sûrs de Bamako, semble montrer de plus en plus des velléités d’émancipation. Et dans un Nord-Mali de tous les possibles sauf celui de la paix, un rapprochement du Gatia avec la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) n’est pas à exclure ; toute chose qui contribuerait à isoler davantage Bamako et qui ouvrirait des perspectives tragiques pour la République.
Outélé KEITA