Le gouvernement a débloqué 1,4 milliard de Fcfa pour dédommager les 10 000 petits épargnants qui attendaient de rentrer dans leurs fonds depuis 6 ans
Le soulagement est partiel chez les sociétaires du réseau des caisses d’épargne et de crédit Jemeni. A défaut de récupérer toutes leurs économies, ils recouvrent au moins 80 à 35% de leurs dus après 6 ans d’attente selon la quantité de l’argent épargné. C’est ce que certains sociétaires nous ont confié au cours d’une rencontre au cabinet de Me Cheick Oumar Konaré, à Yirimadio. Cet avocat a été désigné par la justice pour exécuter la grosse de la procédure de liquidation de la société. Dans son cabinet, ce sont les délégués mandatés par les victimes (les sociétaires) qui sont en tain d’accueillir et orienter leurs camarades à propos des pièces à fournir pour pouvoir rentrer en possession de leur argent.
L’opération a été annoncée, il y a un peu plus d’un moins, par un communiqué radiodiffusé et publié dans la presse, pour appeler les épargnants de Jemeni à se faire connaître au cabinet de Me Konaré, munis des pièces justifiant leurs dépôts.
Selon nos interlocuteurs, le gouvernement a débloqué 1,4 milliard de Fcfa pour désintéresser les petits épargnants. Les autres créanciers, notamment les banques, devront patienter en attendant la liquidation du patrimoine de la société de microfinance. Jemeni doit plusieurs milliards aux banques partenaires.
Pour ce qui concerne les épargnants, ceux dont les dépôts sont compris entre 0 et 100 000 Fcfa, ils seront remboursés à hauteur de 80%. Les épargnants, dont les dépôts vont de 100 000 à 500 000, seront désintéressés à concurrence de 60%. Concernant les montants compris entre 500 000 et 1 million, le remboursement sera de 45%. Pour les placements inférieurs ou égaux à 5 millions, le remboursement sera de 40%. Au-delà de ce montant, jusqu’à 100 millions, l’Etat se propose de payer 35%.
Selon nos sources, ce sont 10 000 sociétaires, qui sont intéressés par cette opération de remboursement partiel. Qui s’étend sur un délai de 6 mois, à compter de la date de publication de l’avis dans les médias.
Signalons que cette initiative salutaire du gouvernement couronne de longues années de lutte des sociétaires de Jemeni. Qui ont plusieurs fois battu le pavé pour non seulement alerter l’opinion sur la mauvaise gestion de Jemeni, mais aussi pour réclamer une intervention des autorités. Dans un premier temps, le gouvernement, à travers le ministère en charge des Finances, avait pris des initiatives de relance du réseau par la nomination d’une administration provisoire, qui avait pour mandat de faire le nécessaire pour redresser la situation financière afin de désintéresser les sociétaires. Mais la situation de Jemeni était si mauvaise que les solutions de redressement se sont avérées inopérantes. Le ministère en charge des Finances a donc été amené à déclencher la procédure de liquidation de la société de microfinance.
Chiffres réels masqués. Mais comment Jemeni en est arrivé à l’effondrement ? Selon Samba Sissoko, le directeur de la Cellule de contrôle et de surveillance des structures financières décentralisées (CCS/SFD), rien de tout cela ne serait arrivé si les responsables de Jemeni ne masquaient pas les chiffres réels. Il a reconnu que sa Cellule a effectivement pour mission de contrôler et d’encadrer le secteur de la microfinance, mais les structures à contrôler sont très nombreuses. Surtout les missions de contrôle sont trop limitées dans le temps pour des raisons budgétaires. C’est pourquoi, les contrôleurs sont obligés de faire foi au rapport des inspections internes, ainsi qu’à ceux produits par les comptables agréés (les bureaux d’audits externe). La loi fait obligation aux établissements financiers de faire valider leurs comptes par les auditeurs indépendants. C’est pourquoi, lorsque les contrôleurs de la Cellule arrivent dans un établissement, ils se réfèrent aux différents rapports établis en amont avant de procéder à la vérification des documents qui leur sont soumis et procéder à la confrontation des chiffres. Car, faute de temps, ils ne peuvent rentrer dans des détails non évoqués dans les précédents rapports. A moins qu’il y ait dénonciation expresse sur des faits constatés par un tiers.
Malgré la modestie des moyens de contrôle, la Cellule a tout fait pour empêcher cette situation de Jemeni qui n’est pas un cas isolé dans le secteur de la microfinance. D’autres structures ont les mêmes problèmes. Le CANEF (Centre d’appui nutritionnel et économique aux femmes) a mis la clé sous la porte ; Kondo Jigima est à l’agonie. Certes les raisons de leur faillite sont diverses, mais fondamentalement, toutes ces caisses s’étaient lancées dans des opérations dépassant leur domaine de compétence.
La faillite de ces quelques structures n’a-t-elle pas entamé la confiance des usagers ? Samba Sissoko estime que non car de nouveaux acteurs non maliens sont en train de s’installer. Il a cité à ce propos le cas de Microcred, tenu par des Français et de AMIFA (Atlantic microfinance du Maroc).
Pour éviter, à l’avenir, des banqueroutes du genre de celle de Jemeni, le gouvernement a pris une batterie de mesures pour assainir le secteur. Il est prévu ainsi de retirer l’agrément à toutes les structures défaillantes pour permettre, au plan institutionnel et organisationnel, une restructuration du secteur en vue d’aider les plus performantes d’émerger afin de lutter efficacement contre la pauvreté.
Faut-il le rappeler, l’un des objectifs de la microfinance est d’accompagner les petites et moyennes entreprises dans leur ascension afin de minimiser l’impact de la pauvreté sur la population, à défaut de l’éradiquer complètement.
A O. DIALLO