Pour les beaux yeux des rebelles de Kidal, Ibrahim Boubacar Keïta a placé entre les mains sanguinolentes de Nina Wallet Intalou, les destinées de l’artisanat et du tourisme malien. Cette nomination- aussi impopulaire qu’incompréhensible - est perçue par les Maliens comme une prime aux armes. Mêmes au sein de la CMA, à laquelle appartient la dame Nina, la nouvelle a été accueillie froidement. Dès lors, des questions se posent : A quel titre ou au nom de quoi s’est-elle retrouvée au cœur de l’appareil d’Etat? Que lui vaut cette « reconnaissance » au sommet de l’Etat ? Un devoir d’explication s’impose...
Un énième gouvernement a été annoncé, le jeudi 7 juillet dernier. Parmi les arrivants : Nina Wallet Intalou, bouillante présidente des femmes du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) et membre influente de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA). Cette dame, depuis 2012, s’est illustrée par des sorties virulentes contre la République du Mali.
Son entrée dans le gouvernement a laissé plus d’un Malien pantois. Alors qu’on ergotait sur les mobiles réels de cette nomination, ce communiqué de la CMA est tombé, le 8 juillet : « La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) tient à couper court aux rumeurs et supputations véhiculées par les presses malienne et étrangère au sujet de sa participation dans le nouveau gouvernement de Modibo Keita, issu de la nomination du 7 juillet 2016.
La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale qu’elle n’a déposé aucune liste, ni proposé aucun de ses membres pour figurer dans le nouvel appareil d’Etat malien et n’en a aucunement l’intention en dehors des mécanismes de concertation, de gestion et de partage du pouvoir, prévus par l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger dans lequel elle s’inscrit parfaitement… ».
La capitulation !
Sur la même lancée, Almou Ag Mohamed, porte-parole de la CMA, renchérit (sur Rfi) : «La formation de ce gouvernement est un non-évènement… Ce nouveau gouvernement est comme le gouvernement sortant, parce qu'à aucun moment la CMA n'a été concertée officiellement pour son entrée au gouvernement. »
Voilà une mise au point- reconnue par la nouvelle ministre- qui brosse la thèse selon laquelle Mme Intalou a été proposée par la Coordination des mouvements de l'Azawad. Elle (la déclaration de la CMA) sonne comme un désaveu à Koulouba où IBK devrait se mordre les doigts. Vous avez dit humiliation ?
En tout cas, l’effet attendu de cette nomination auprès des rebelles est loin d’être obtenu. Et au-delà, le président Keïta vient (encore) de dilapider le peu de crédit et d’estime que quelques rares Maliens avaient encore pour lui.
La sortie de la CMA a fini par déboussoler l’opinion nationale. On se demande à quel titre ou au nom de quoi, cette dame, sans diplôme et inexpérimentée dans la gestion des affaires publiques, a été nommée ministre de la République.
En réalité, le chef d’Etat a fait montre (encore) de complaisance devant les rebelles qui trimbalent et manipulent, à souhait, l’Etat-nation du Mali. En effet, après avoir cédé face à tous les caprices de ces bandits, IBK est désormais dans une campagne de séduction. Là, toutes les actions sont permises, pourvu qu’elles enchantent ne se reste qu’un membre influent de la rébellion. A partir du moment où Nina Wallet Intalou ne représente pas la CMA, que reste-t-il encore à IBK pour justifier sa décision? S’interroge un observateur.
Par ailleurs, l’entrée de Nina Wallet Intalou dans le gouvernement vient enterrer définitivement le mythe « d’homme de rigueur et de fermeté» qu’IBK s’était forgé, au fil des ans, à coup de promesses et de discours populistes. Qui ne se souvient pas de ces messages guerriers : « Aucun bandit ne hissera à mon niveau » ; «
Je ne négocierai pas avec des hommes armés » ; « je ne serai pas trimbalé… »
Mais depuis la visite « ratée » de Moussa Mara à Kidal, IBK est devenu doux comme agneau. Ainsi, il a été contraint à la négociation avec les groupes armés, requinqués par leur victoire sur le Mali. Lui, qui ne voulait pas être « trimbalé », fut obligé de céder aux caprices des bandits de Kidal. Ceux-ci en imposent chaque fois à l’Etat malien.
De l’accord d’Alger aux autorités intérimaires
Aussi, pour les beaux yeux des rebelles touaregs, les élections municipales ont été renvoyées aux calendes grecques. Certes, les conditions sont loin d’être réunies, mais des observateurs estiment que le gouvernement a tout simplement cédé face aux menaces proférées par la Cma qui affichait son hostilité pour la tenue de ces municipales.
Que dire du bras fer qui a opposé le gouvernement aux rebelles concernant la mise en place des autorités maliennes, ou encore du forum de Kidal ? La CMA et la Plateforme, après avoir suspendu leur participation au Comité de suivi de l’Accord, avaient conditionné leur retour à la table du dialogue à la mise en place diligente des autorités intérimaires. La suite est connue : un communiqué de capitulation du gouvernement sanctionne la fin des travaux de la neuvième session ordinaire du CSA, tenue à Bamako les 13 et 14 juin 2015.
Autre preuve : l’Assemblée nationale à voter le budget (rectificatif) de l’année 2016, qui octroi des primes d’un montant de 139 millions de francs CFA à sept députés rebelles. Il s’agit des honorables Algabass Ag Intalla, Mohamed Ag Intalla, Ibrahim Ag Assaleh, Deity Ag Sidimou, Sala Ag Albekaye, Mohamed Ag Bibi.
C’est dire qu’IBK, depuis belle lurette, a changé de méthodes et d’objectifs. Désormais, ses priorités se résument en ceci : préserver son pouvoir et satisfaire les désidératas de la rébellion.
Ainsi, les rebelles ont l’honneur, le prestige et une immense satisfaction sur toute la ligne. Tous les principes sacro-saints d’égalité, de justice et de solidarité sont malmenés au profit de bandits armés.
Avant, pendant et après la signature de l’accord de paix des 15 mai et 20 juin 2015, les chefs rebelles ont toujours été aux petits soins du gouvernement malien, des partenaires et du lobby pro-touareg.
Espèces sonnantes et trébuchantes, séjours payés dans des hôtels de luxe en Afrique et en Europe, des postes taillés sur mesure dans l’administration publique…, sont, entre autres, les avantages accordés aux rebelles du nord du Mali.
L’histoire retiendra finalement que c’est sous le mandat du président Ibrahim Boubacar Keïta que le Mali a presque tout cédé face à une rébellion qui peut désormais clamer VICTOIRE.
I B Dembélé