L’installation des autorités intérimaires dans les régions nord du Mali est prévue pour le 15 de ce mois, soit dans trois jours. Et cela, conformément à l’entente signée, en juin dernier, entre le gouvernement malien et les groupes armés dans le cadre de l’application de l’accord de paix issu des pourparlers d’Alger. L’installation de ces autorités intérimaires est décriée par l’opposition qui y voit « un pas de plus vers la participation du Mali » et la société civile malienne. A Kidal, la question divise les groupes armés (la CMA et la Plateforme). La population de Gao, la cité des Askia, à l’appel des mouvements de résistance de la ville (les « Jeunes patrouilleurs de Gao», « Nous pas bouger »…) s’insurge, aussi, contre la mesure qu’elle qualifie de trahison. Et c’est dans ce sens qu’une grande marche de protestation est attendue aujourd’hui dans la ville.
Gao, la cité des Askia, est en effervescence depuis hier. Un message d’appel à la mobilisation générale contre l’installation des autorités intérimaires circule dans la ville. «Le sens du patriotisme nous interpelle. Tous à la marche du mardi 12 juillet. Ensemble sauvons notre territoire. L’Etat malien a trahi la population de Gao. Non aux autorités intérimaires sur notre sol. Main dans la main nous y arriverons. Vive Gao, vive la jeunesse », c’est la teneur du message qui fait le tour de la ville. Les jeunes de Gao, conscients de leur rôle, vont, une fois de plus, braver le soleil ardent. « Ici on s’organise pour la grande marche de demain. Des consignes ont d’ailleurs été donné pour fermer le marché le temps de la marche », explique un habitant de la ville joint au téléphone à la veille de la marche. Nos efforts pour joindre Sadou Diallo, le maire de la ville et non moins président par intérim du PDES, sont restés vains.
Division des groupes armés sur les autorités intérimaires
Sous le titre évocateur : Kidal : à quoi joue le général El Hadj Ag Gamou ? Le magazine Jeune Afrique lève le lièvre sur la division des groupes armés sur les autorités intérimaires et la tension qui couve à Kidal sur le sujet. Selon notre confrère, la CMA et le Gatia, un mouvement de la Plateforme, sont opposés sur ce point essentiel de l’accord de paix. Le chef du Gatia, le général El Hadj Ag Gamou, explique Jeune Afrique, aurait des vues sur le poste de président du Conseil régional de la future administration intérimaire. «Le 19 juin dernier, la tension est montée d’un cran à Kidal, fief des rebellions du Nord du Mali – en particulier du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Ce jour-là, des combattants du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) du général El Hadj Ag Gamou érigent deux check-points à Kidal, aux entrées nord et sud de la ville. En guise de protestation, les combattants du HCUA répliquent par des tirs de sommation avant de menacer de démanteler par la force les nouvelles positions du Gatia… Le Gatia accepte alors de lever le check-point sud, mais garde celui de l’entrée nord de la ville.
Cela ne permet pas de faire baisser la tension car le fond de problème est politique : pour le Gatia, il faut coûte que coûte avoir une présence militaire à Kidal afin de peser de tout son poids dans le règlement de la crise. Son chef, le général El Hadj Ag Gamou, qui est retranché avec quelques-uns de ses combattants à Takalote, à 30 km au sud-est de Kidal, vise en fait le poste de président du conseil régional de la future administration intérimaire, prévue par l’accord de paix. », précise le journal. Et pour décanter la situation, le Niger a été mis à contribution. Les responsables des groupes armés en présence de Mahamadou Diagouraga, le Haut représentant du président de la République pour les pourparlers inclusifs inter-maliens, étaient attendue à une réunion de « sortie de crise » hier, lundi 12 juillet 2016, à Niamey.
Un pas de plus vers la partition, selon l’opposition
L’opposition malienne, des élus des régions nord du pays, la société civile malienne et des observateurs estiment que la mise en place des autorités intérimaires dans les régions nord du Mali est « un pas de plus » vers la partition du Mali. Lors de l’adoption du projet de loi, en mars dernier à l’Assemblée nationale, certains députés ont failli, d’ailleurs, en venir aux mains et la loi fut adoptée en l’absence de l’opposition parlementaire qui a tout simplement quitté la salle au moment du vote. Selon l’opposition, la mise en place des autorités intérimaires comporte les germes de la « partition du pays ». « La loi consacrerait non seulement une violation flagrante de la Constitution malienne mais aussi serait un pas de plus vers la partition du pays ». Juste après le vote de la loi, une plainte a été déposée par l’opposition au niveau de la Cour constitutionnelle afin de l’annuler. La requête de l’opposition sera rejetée par les sages de la Cour. Néanmoins, les travaux du Comité de suivi de l’accord d’Alger ont été fortement perturbés par cette requête. Des élus du Nord, aussi, ont contesté cette loi sur les autorités transitoires. Selon eux, cela « donne des pleins pouvoirs aux groupes armés de désigner des autorités transitoires ».
Des observateurs s’interrogent pourquoi l’Etat malien a privilégié l’installation d’autorités intérimaires au détriment d’une large concertation nationale stipulée dans l’accord. Un choix qui, de leurs avis, consacre de facto la partition du pays. « Cette entente sur la mise en place des autorités intérimaires est une vraie bombe à retardement. Il n’y a absolument rien d’intérimaire dans la création de ces autorités. Le gouvernement récoltera ce qu’il est en train de semer », analysait M. Diagayété tout en ajoutant : «la partition plane sur le pays. C’est une prime aux rebelles, les membres des autorités intérimaires, qui auront un pouvoir d’influence énorme, car au nord tout est devenu tribaliste. L’injustice et la sous-représentassions de la minorité contre la majorité des populations restent intactes. Conséquences imprévisibles !!! ». L’analyste proactif sur le forum Malilink s’interroge pourquoi on « favorise la mainmise des groupes rebelles illégaux et armés au détriment d’une Conférence nationale d’entente pourtant prévue dans le même accord.».
Madiassa Kaba Diakité