Longtemps annoncé dans les rumeurs comme imminent, le remaniement ministériel a finalement eu lieu le jeudi 7 juillet dernier. Il s’agit du 5ème gouvernement de l’ère IBK et le 3ème avec le Premier ministre Modibo Keita. Sans perte de temps, il a tenu son 1er Conseil des ministres sous la direction du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita. C’était au lendemain de sa formation au Palais de Koulouba. Cette première prise de contact a un double sens : permettre à l’équipe de se découvrir les visages et prendre les consignes et les directives dans la mise en œuvre du programme présidentiel destiné à satisfaire les besoins essentiels des Maliens, qui l’ont plébiscité avec plus de 77% des voix à l’issue des élections présidentielles de juin et juillet 2013.
Ce nouveau gouvernement a été formé seulement trois jours après la fête de ramadan. Ce qui est une sorte de ‘’récidive’’ de la part de la 1ère Autorité du pays. C’est donc désormais une tradition qui s’instaure ainsi. Désormais au lendemain des fêtes de Ramadan, les Maliens peuvent s’attendre à un changement du gouvernement. Et à ce rythme, les ministres risquent de fêter désormais dans les vestibules ou case de leurs marabouts ou féticheurs. Car, c’est la deuxième fois qu’IBK coupe le délice de la fête à certains de ses ministres. Mais, à la différence de la fête de ramadan 2015, cette année, l’addition a été particulièrement salée pour le gouvernement. Au lieu d’un seul ministre comme ce fut le cas en 2015, cette année, ils sont au nombre de sept (7) à laisser leurs fauteuils. Rappelons que l’année dernière, c’est le ministre Mahamadou Diarra de la Justice et des Droits de l’Homme qui avait été demis de ses fonctions dans la matinée même de la fête, quand bien même qu’il a accompagné le président de la République à la prière de la grande mosquée de Bamako.
Il fut remplacé par Mme Sanogo Aminata Mallé. L’ex-candidat de l’ADEMA-PASJ à l’élection présidentielle de juin 2013, Dramane Dembélé qui avait succédé Mahamadou Diarra est à son tour est tombé en disgrâce avec 6 autres collègues. Qu’est-ce que le locataire du Palais de Koulouba reproche à ces désormais ex-collaborateurs ? Pour l’instant, rien n’a filtré dans ce sens. Mais, les raisons ne tarderont pas à parcourir les rues de la capitale. D’ores et déjà, l’on peut déduire qu’à l’approche de la fin de son 1er quinquennat, IBK est tenté de mettre en place un gouvernement de combat dont le but est de le faire gagner aux élections présidentielles de 2018. En tout cas, une lecture minutieuse de la composition de la liste, présage cette démarche. Le choix des postes en dit long sur les intentions présidentielles. La preuve, il remplace le candidat des Abeilles par un baron du parti présidentiel, Ousmane Koné, qui quitte son poste de ministre de l’Environnement et l’Assainissement à celui de l’Urbanisme et de l’Habitat. Cette démarche, selon certains observateurs avertis de la scène politique vise à réconcilier le président avec ses mandants et réhabiliter l’image du régime dans ce secteur. Notons qu’elle avait été très sérieusement écornée pendant la précédente campagne d’attribution des logements. La presse a fait de l’acquisition des maisons par la famille du Premier ministre un scandale pendant des semaines entières. Il a fallu que le président de la République monte au créneau pour mettre fin à la polémique qui s’amplifiait jour après jour. Au point que très gêné par la situation, le sexagénaire s’était résolu à rendre le tablier. Il a fallu qu’IBK lui-même supplie ‘’le vieux’’ pour qu’il renonce à cette décision. L’ex-ministre Dramane Dembélé en savait-il quelque chose ? Difficile d’établir une opinion là-dessus. Mais, ce qui est plausible, c’est que des situations de cette nature doivent être évitées quelque soit la manière. C’est probablement pour anticiper sur ces genres de surprises que le président a pris le devant en démettant de ses fonctions en vue de garder un profil honorable auprès de l’opinion avant le dernier virage de la précampagne de 2017. Car, ce département a en charge, la mise en œuvre d’un volet essentiel du programme présidentiel d’amélioration des conditions de vie des Maliens. C’est dire donc que le programme des logements sociaux tient particulièrement à cœur à IBK. Qui entend en faire un tremplin pour sa réélection en 2018. C’est pourquoi, Dramane Dembélé ne pouvait rester encore longtemps à ce poste stratégique.
En outre, le départ de Dramane Dembélé est motivé par le changement de casting que le président envisagerait dans ses relations avec l’ADEMA-PASJ selon des informations dignes de foi. Nos sources nous renseignent qu’IBK veut s’affranchir de la tutelle du président Dioncounda Traoré dans ses approches avec l’ADEMA. Il veut lui-même établir le pont à sa façon pour éviter d’être surpris. Car avec des Abeilles solitaires, il vaut mieux être sur ses gardes pour anticiper sur certains reflexes de vieux militants. IBK coupe donc l’herbe sous les pieds de certains éléments du PASJ qui caressaient le rêve de l’isoler dans sa formation politique pour mieux l’apprivoiser. Le choix du Professeur Tiémoko Sangaré comme ministre des Mines au nom de l’ADEMA en remplacement de Dramane Dembélé procède de cette volonté de liberté de manœuvre en sa qualité du premier décideur du pays. Par ailleurs, ce choix semble répondre à un autre critère : celui du clivage politique du nouveau promu. Tiémoko Sangaré, pour ceux ou celles qui le connaissent, incarne l’aile gauche des PASJ. Cet ancien compagnon de route de feu Professeur Mamadou Lamine Traoré est connu dans le marigot politique malien pour son franc-parler et son humanisme. Ce natif de Manankoro dans le Cercle de Bougouni, n’a peut-être pas beaucoup d’argent comme celui qu’il a remplacé au gouvernement au nom de son parti, mais il est très écouté chez lui à Manankoro pour avoir été le premier député de cette localité post-dictature (législature 1992-1997). Or, IBK est dans une dynamique de stabilisation de son pouvoir en vue des prochaines échéances électorales.
C’est dans cette dynamique qu’IBK ne s’est pas empêché de faire appel au président du parti PS-Yeleen Kura Amadou Koïta, l’ancien leader de la Jeunesse du Mouvement Citoyen. Ce proche de l’ex-président de la République Amadou Toumani Touré, s’est battu pour obtenir la réhabilitation de l’héritage d’ATT, comme le MPR l’a fait avec celui de Moussa Traoré dans les années 90. Le recul aidant, IBK a fini par adhérer à son projet. Dès lors que les malentendus se sont dissipés, il n’y avait plus d’objection pour la retrouvaille entre les deux hommes dans l’intérêt du Mali. Ce qui fut le cas avec la formation de ce gouvernement robuste que dirige encore le sexagénaire Modibo Kéita.
L’arrivée de l’une des filles du regretté Amenokal Intalla Ag Attaher de Kidal, Nina Walett Intallou dans le gouvernement témoigne de son changement de position puisque désormais, elle va parler et agir au nom du Mali. Certes, les points de vue divergent sur l’entrée de cette figure emblématique de la rébellion touareg au gouvernement, mais cela est motivée par la paix et la réconciliation entre Maliens. Est-il besoin de rappeler que le MNLA qu’elle incarne dans le gouvernement est à l’origine de la crise politico-sécuritaire que le Mali connait depuis 2012 ?
En sa qualité de progéniture du puissant regretté Amenokal, Intalla Ag Attaher, il n’y a aucun doute qu’elle aille prendre des consignes en famille. La ‘’soi-disante déclaration’’ d’opposition d’une partie de la Coordination des Mouvements Armés (CMA) n’est que de façade. Qui peut s’opposer à l’entrée au gouvernement de Nina Walett Intallou dans ce mouvement ? Il n’y en a pas un seul, même pas son grand frère Algabass Ag Intalla qui est le leader et fondateur du HCUA.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’IBK est en passe de gagner son pari de pacifier le pays. La tenue prochaine du sommet France-Afrique sur les berges du Djoliba au Centre International de Conférences de Bamako(CICB) finira par ouvrir définitivement les portes de notre pays sur l’international.
M. A. Diakité