Une marche pacifique a réuni aujourd'hui plusieurs centaines de jeunes à Gao. Les manifestants dénoncent la mise en place des autorités intérimaires et ce qu'ils qualifient d' « injustice » dans le processus de cantonnement. La manifestation qui a dégénéré aurait fait « trois morts et une trentaine de blessés », selon plusieurs sources locales. Joint par notre rédaction, le gouverneur ne confirme pas ce bilan.
Organisée par les mouvements de résistance civile et les organisations et associations de la société civile de la région, cette manifestation avait pour objectif de « protester contre la mise en place des autorités intérimaires et la non-implication des mouvements de résistance civile dans le processus de cantonnement et de réinsertion ». Réunis devant « le Tombeau des Askia », les manifestants devaient se diriger vers la gouvernorat. La marche a été dispersée par les forces de sécurité, et alors que certaines sources annoncent des morts. Sur place les autorités régionales ne confirment pas ce bilan, mais indiquent qu'il y a des blessés en soin à l'hôpital de Gao. Les manifestants dénoncent également plusieurs arrestations.
Moussa B. Yoro est le président des Mouvements de résistance civile. Il est au micro de notre correspondant à Gao Aly Maïga :
« Nous sommes venus aujourd'hui parce que nous avons promis aux autorités maliennes que si elles ne répondent pas à notre lettre de la marche du 23 mai 2016, nous allons revenir. Nous avons déposé une demande de marche à la mairie qui a été carrément refusée, nous avons aussi écrit à la police et à la gendarmerie pour encadrer la marche. La mairie a rejetée cette demande aussi. Voilà donc que depuis hier l’État malien procède à la provocation en pénétrant dans nos maisons pour arrêter 21 personnes. Et ils sont passés porte par porte pour prendre les gens. Vous pensez vraiment que cela est démocratique ? Dans un pays de droit, est-ce qu'on a le droit de pénétrer dans la maison des gens sans mandat pour les arrêter. Mais c'est ce que l’État malien est en train de faire. Nous sommes donc devenus les esclaves de l’État malien et nous disons que nous ne serons pas d'accord. Il faut que nous soyons cantonnés, et nous serons cantonnés avec la manière. Pour les autorités intérimaires, nous ne serons pas d'accord ».
A la mi-journée la situation était toujours tendue dans la ville, les bâtiments administratifs étaient quadrillés par les forces de sécurité. Selon des sources locales, on dénombre des morts parmi les manifestants et les forces de sécurité, mais difficile d'avoir à cette heure un bilan précis.
Kader Touré est journaliste à la Radio « Annia » de Gao. Il est joint au téléphone par Issa Fakaba Sissoko :
« Ce matin depuis 7 h et 30 minutes, plusieurs centaines de jeunes, filles et garçons, se sont donnés rendez-vous au « Tombeau des Askia » pour prendre la route vers le gouvernorat. Et c'est là que la sécurité est intervenue, les forces de l'ordre ont empêché le mouvement des manifestants. La situation a dégénéré ensuite. On a entendu des coups de feu, des tirs en l'air, des tirs à balles réelles. Après on a entendu un grand bruit, les jeunes se sont dispersés à travers la ville. Selon les informations que nous avons reçues, on déplore malheureusement des morts et des blessés, parmi lesquels des agents des forces de l'ordre. Présentement , à l'heure où je vous parle, c'est la grande confusion dans la ville de Gao. Les forces de sécurité et les jeunes de Gao se regardent en chien de faïence . A tout moment ça peut dégénérer et personne ne peut imaginer ce qui va se passer dans les heures qui vont suivre. Au moment où je vous parle, les jeunes sont dans la rues et les forces de sécurité sont en position pour défendre les bâtiments administratifs et empêcher le mouvement de se tenir ».
Face à la situation tendue dans la ville, les autorités régionales appellent au calme et invitent les manifestants au dialogue. Le gouverneur de la région dénonce « des événements malheureux », et regrette que « les tentatives pacifiques n'ont pas pu empêcher la marche ».
Seydou Traoré est gouverneur de la région de Gao. Il est joint au téléphone par Issa Fakaba Sissoko :
« Nous avions les informations depuis le jeudi, et nous avons mis tout le monde en concours pour pouvoir trouver un compromis, poser le problème sans effectuer la marche au regard même de la situation précaire qui prévaut dans la région Gao. Nous n'avons jamais souhaité nous opposer à la marche, mais nous n'avons pas voulu aussi aller à la marche. Nous disons que quand il y a un problème, les portes sont ouvertes et il faut venir les poser calmement. Si c'est du ressort de la région on les règle, si ce n'est pas du ressort de la région, on envoie alors à qui de droit. Pour parvenir à un compromis, nous avions mis à contribution la CMA, la Plate-forme, les chefs religieux, toutes personnes que vous pourrez imaginer afin de pouvoir amener les jeunes à la raison. Malheureusement, ce qui s'est passé est regrettable.
Certaines sources annoncent des pertes en vies humaines. Vous confirmez cette information ?
Pour le moment la situation est assez confuse. Les premières informations que nous avons font état d'un policier et d'un garde blessés. Des blessés aussi ont été enregistrés parmi les manifestants. Ils ont été transportés à l’hôpital».