Le Conseil de Sécurité a adopté le 29 juin 2016, à l’unanimité de ses membres, la résolution 2295 portant sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA. Nous avons partagé le texte avec vous hier.
Deux orientations majeures se dégagent de cette résolution adoptée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité de l’ONU.
La première porte sur le processus de paix. La résolution exhorte le gouvernement et les groupes armés signataires à accélérer la mise en œuvre de l'Accord de Paix, en particulier les aspects politiques et institutionnels et ceux portant sur la défense et la sécurité.
Elle fait de la restauration de l'autorité de l’Etat la finalité recherchée du processus de paix et le conseil met en évidence l'importance du redéploiement progressif des Forces de défense et de «sécurité maliennes reconstituées». Et cela pour, entre autres, dissuader la menace terroriste.
Il est aussi demandé au Comité de Suivi de l'Accord (CSA) et aux autres acteurs internationaux de maintenir leur soutien à la mise en œuvre de l'accord, y compris par la nomination d'un observateur indépendant comme prévu dans le document.
La seconde orientation porte sur le mandat de la Minusma renouvelé pour un an dans le cadre des recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général publié le 31 mai 2016.
La résolution adoptée le 29 juin dernier fait de l'Accord de paix «la pierre angulaire» du mandat de la Mission. Elle réaffirme le «rôle de bons offices» du Représentant spécial du Secrétaire général et établit le soutien à la mise en œuvre de l'Accord, notamment le «rétablissement de l'autorité étatique», comme la «priorité stratégique» de la mission.
Le Conseil de sécurité autorise la Minusma à soutenir le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes «reconstituées» (intégration des rebelles) compte tenu de la «détérioration de la situation sécuritaire» et en vue de «renforcer l'autorité de l'Etat». La nouvelle résolution renforce aussi les effectifs et la posture de la Mission en lui demandant de «prendre des mesures robustes et actives pour contrer les attaques asymétriques contre les civils ou le personnel des Nations unies».
Ainsi, la mission va compter 2 049 soldats supplémentaires pour un effectif total autorisé de 13 289 militaires. Elle comptera également 480 policiers supplémentaires pour un total de 1 920 policiers. Le Conseil de sécurité a approuvé la proposition du Secrétaire général de transférer la Force de réaction rapide et l'unité d'aviation associée de l'ONUCI à la Minusma, après leur retrait de la Côte d'Ivoire au plus tard le 31 Mars 2017.
Le gouvernement satisfait, les observateurs sceptiques
Le gouvernement malien se dit satisfait de ce nouveau mandat. S’adressant aux membres du Conseil de sécurité, par vidéoconférence juste après le renouvellement du mandat, le ministre malien des Affaires étrangères a souligné que la prolongation du mandat de la Minusma est un «acte historique» et une «avancée importante» vers la paix au Mali.
«Ce message est un signal fort à tous les ennemis de la paix», a déclaré M. Abdoulaye Diop aux membres du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Il leur a donné l'assurance que «le gouvernement du Mali joue et continuera à jouer pleinement sa partition et assumera toutes ses responsabilités pour ramener la paix et la stabilité au Mali…».
Il est vrai que le nouveau mandat, dans ses dispositions 17 et 18, autorise la Minusma à utiliser tous les «moyens nécessaires» pour accomplir son mandat, dans les limites de ses capacités et dans ses zones de déploiement ; d’adopter une position déterminée et ferme pour mener à bien son mandat.
Mais, les observateurs sont sceptiques quant à l’efficacité de ce nouveau mandat. Comme cet avocat malien, qui ne souhaite pas être nommé, ils sont nombreux les observateurs qui se demandent ce que cela va «bien changer sur le terrain» ?
«Nous allons voir ce que ce nouveau mandat va changer. Nous voulions d’un mandat robuste dotant la Minusma d’une brigade d’intervention rapide munie de drones, d’avions et capable de mener des attaques contre les groupes résiduels de terroristes qui continuent à nuire à la paix», souligne Mme Maïmouna Traoré, journaliste et ancienne Volontaire internationale des Nations unies.
Pour Fousseyni Camara, un intellectuel engagé dans la Diaspora malienne, «cette mission n'est plus adaptée au contexte malien. Le Mali devait entièrement renégocier le mandat de la Minusma. Malgré le renforcement de l’effectif, elle demeure une mission d’interposition qui n’est efficace qu'entre deux pays en guerre».
Il ajoute, «contre l'occupation d'un pays par des terroristes, la Minusma doit sortir de cette contrainte et engager une lutte implacable contre les réseaux terroristes aux côtés des FAMA. Est-ce que le nouveau mandat lui assure réellement un tel engagement ? Nous allons le voir dans la pratique».
Dans une tribune partagée sur les réseaux sociaux, l’honorable Yaya Sangaré, député ADEMA (majorité présidentielle), qualifie la Résolution 2295 prorogeant le mandat de la Minusma de «bouillabaisse chinoise» servie par les Nations unies.
«A la lecture de cette résolution, je suis très déçu et révolté. Il apparaît nettement que la communauté internationale joue avec les mots dans la gestion de la crise malienne», déplore M. Sangaré.
«Malgré les cris de cœur des millions de Maliens, malgré les pleurs et les larmes de nos plus hautes autorités, cette résolution reste très évasive et ambigüe sur les aspirations des Maliens à avoir une Minusma plus robuste tant dans ses actions que dans sa logistique à faire face aux menaces terroristes et des narcotrafiquants», analyse le député.
Comme Yaya Sangaré, beaucoup d’observateurs ne comprennent pas que le redéploiement progressif des Forces armées et de sécurité sur l'ensemble du pays, particulièrement dans le centre et le nord, soit conditionné à la mise en place d'une «armée reformée et reconstituée».
Pour le parlementaire, cela veut dire que les «FAMAs ne sont pas autorisées à réoccuper Kidal (mission régalienne) qu'après l'intégration effective des ex-combattants des groupes armés signataires».
Trop de zones d’ombre
Le Conseil de sécurité n’autorise la Minusma à recourir à «tous les moyens nécessaires pour accomplir son mandat, dans ses capacités et dans ses zones de déploiement» qu'en cas de «menaces graves et crédibles».
«Qui apprécie cette gravité et cette crédibilité pour qui connaît le processus de prise de décision au sein du conseil de sécurité, qui assure dans les faits le commandement en chef des opérations militaires sur le terrain», s’interroge un diplomate africain en poste à Bamako.
L’honorable Sangaré ainsi que d’autres experts interrogés se demandent si les menaces ne sont pas déjà «suffisamment graves et crédibles» au «regard du nombre des morts» dans les rangs de la Minusma comme dans ceux des FAMas et des autres forces étrangères pour confier une mission claire et nette comme en RDC où les Casques bleus engagent des poursuites contre les rebelles jusqu'à leur éradication totale ?
Tout cela n’est pas déterminant. Seul le terrain commande. Or, c’est là que la posture de la Minusma n’a pas donné satisfaction car très souvent obligée de réagir.
Le nouveau mandat permettra-t-il d’agir ? Comment lui permettra-t-il d’agir ? En attaque ou en légitime-défense ?
L’augmentation des troupes ne résoudra pas le problème d’autant plus que la Minusma elle-même est sous la protection du Mali, donc celle des forces de défense dont le redéploiement sur le terrain reste encore tributaire de leur réforme ou de leur reconstitution qui pourrait se traduire par «l’intégration rapide dans les Forces de défense et de sécurité maliennes des éléments des groupes armés signataires, ce qui constitue une mesure provisoire, dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, et sans préjudice des plans de la Commission nationale pour le désarmement, démobilisation, réintégration et réinsertion».
A quel rythme cette intégration sera-t-elle faite ? Quel est le nombre à intégrer dans l’armée et dans quel corps de l’armée ?
Imposer la paix pour sa crédibilité
De l’avis de Yaya Sangaré, «c'est la communauté internationale qui gagne en prolongeant sa présence sur notre sol avec du personnel grassement payé au dollar américain et un Mali qui se retrouve encore sous tutelle dont les ressources sont abusivement exploitées, et le territoire un laboratoire d'expérimentation de tous les modèles de gouvernance et de stratégie de guerre»
Le député élu à Yanfolila (Sikasso, sud du Mali) exhorte les Maliens à «être plus vigilants, plus patriotes et moins hypocrites et démagogues».
Comme Addourhamane Dicko, président de l’Association des ressortissants de Gabéro (Gao, nord du Mali), les observateurs attendent «un plus fort appui» de la Minusma à l’Etat malien afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle.
Pour M. Dicko, la mission doit réellement appuyer le déploiement des forces armées maliennes comme «seules forces autorisées sur toute l’étendue du pays serait un gros dividende de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali».
Pour que la MINUSMA soit réellement certaine d’être à mesure d’assurer son mandat, il lui fallait soutenir le redéploiement des forces de défense sur toute l’étendue du territoire tout en rendant le MOC simultanément opérationnel. Cela aurait permis de disposer d’assez de forces armées sur le terrain.
Ce redéploiement combiné avec une meilleure coordination des forces armées maliennes avec les troupes de la MINUSMA et BARKHANE aura permis de mieux encadrer le territoire et de faciliter le processus de cantonnement, de désarmement, de démobilisation et de réinsertion/réintégration. La mise en œuvre de l’Accord a déjà pris assez de retard, et le nouveau mandat ne semble pas lever les obstacles majeurs.
Nos interlocuteurs pensent que la Minusma doit donc «imposer» la paix dans le sens d’obliger les parties maliennes à assumer leurs responsabilités dans la mise en œuvre de leur accord.
«Cela passe par des sanctions qui ne sont jamais prises contre quelque acteur que ce soit», conclut Abdourhamane Dicko.
Moussa Bolly