Le processus de désignation et d’installation des autorités intérimaires au Nord-Mali vient de prendre du plomb dans l’aile et les accords d’Alger sont de nouveau piétinés. En effet, sur appel de plusieurs organisations de la société civile, des jeunes ont manifesté hier, 12 juillet 2016, à Gao dans le Nord du Mali, contre l’installation, ce mois-ci, des autorités intérimaires issues des accords d’Alger. Ils réclament leur intégration dans l’armée et demandent leur insertion socio-professionnelle. Toutes choses qui peuvent sembler légitimes. Mais comme il est de coutume sous nos tropiques, cette manifestation qui était interdite par la mairie, a été violemment réprimée par les forces de l’ordre. Le bilan fait état de deux morts et de plusieurs blessés. En attendant de connaître le fin mot de cette affaire, l’on peut, d’ores et déjà, dire que le Mali n’avait pas besoin de cela. Surtout pas en ce moment où la désignation des nouvelles autorités fait grand bruit au sein des mouvements armés à Kidal. Cette manifestation est la preuve supplémentaire que la question de la désignation des autorités intérimaires déchaîne les passions. Pendant que le Niger essaie d’amener le GATIA et le HCUA à accorder leurs violons sur le choix des hommes et femmes qui vont présider aux destinées de Kidal, voilà qu’un autre volcan s’est mis en ébullition cette fois à Gao. Mais ce malheureux évènement n’est guère surprenant. En effet, chaque couche sociale ou groupe ethnique veut sa part du gâteau. Autrement dit, personne ne veut être laissé en marge du processus. On assiste visiblement à un choc des ambitions et il faut souhaiter que la sagesse habite tous ceux qui veulent remuer ciel et terre pour parvenir à leurs fins. Les jeunes manifestants sont-ils instrumentalisés au point de s’ériger en obstacle à l’installation des autorités intérimaires issues, il faut le souligner, des accords d’Alger ? si c’est le cas, ils devraient se ressaisir. A moins que ce qu’ils dénoncent soit vrai, à savoir que ces autorités ne sont pas représentatives de la population de Gao, et auquel cas, Bamako devrait rectifier le tir.
Bamako gagnerait à privilégier le dialogue plutôt qu’à bander les muscles
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce processus d’installation des autorités est mal parti et Bamako devrait prendre toute la mesure du péril avant qu’il ne soit trop tard. D’autant que pour défendre leurs intérêts, certains hommes sur le terrain n’hésiteront pas à recourir à tous les moyens. Mais l’on peut se demander pourquoi les autorités ont opté pour la répression dans une localité où la moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres. Car, de toute apparence, la police a fait usage de balles réelles, si l’on en juge par le bilan de la répression. Ce n’est pas acceptable dans une république digne de ce nom. Ce faisant, les responsabilités doivent être situées. En tout les cas, Bamako gagnerait à privilégier le dialogue plutôt qu’à bander les muscles. Car, cette affaire peut réveiller les vieux démons qui, on le sait, ne dorment toujours que d’un œil. Déjà confronté au fléau du terrorisme, Ibrahim Boubacar Kéita devrait se garder d’ouvrir un autre front. Et le pouvoir malien a tout intérêt à calmer le jeu car les ennemis de la paix n’attendent que la moindre tambouille pour se remettre en action. L’installation des autorités intérimaires fait tellement de gorges chaudes qu’on a envie de se demander si Bamako n’a pas mis la charrue avant les bœufs. Peut-être la sensibilisation n’a-t-elle pas suffi avant la mise en branle de ce processus. Une meilleure sensibilisation aurait sans doute contribué à éviter les querelles de chiffonniers auxquelles on assiste. Si rien n’est fait dans le sens d’amener les populations concernées à trouver un consensus, le processus sera voué à l’échec. Comment ces autorités pourront-elles travailler dans un climat hostile? Bamako aurait dû emprunter la voie des élections pour permettre aux populations de choisir librement les hommes et femmes à qui elles veulent confier leur destin. Cela leur aurait donné plus de légitimité et de légalité. Si Bamako avait opté dès le départ pour une telle démarche, on n’en serait peut-être pas là. Mais comme le dit un adage, « il n’est jamais tard pour bien faire ». Au regard de la tension que suscite le mode de désignation des autorités intérimaires du Nord, Bamako peut encore faire un rétropédalage en optant pour la voie des urnes dans le but d’éviter d’autres drames.
Dabadi ZOUMBARA
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