Les femmes sont de plus en plus visibles dans l’espace médiatique malien. D’un constat général, la gent féminine a une préférence pour l’audiovisuel au détriment de la presse écrite. Pourquoi les femmes préfèrent-elles la télé ou la radio à la presse écrite ? Fuient-elles l’anonymat derrière les signatures des articles ? Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé quelques femmes journalistes et un doyen de l’ORTM.
Au Mali, les amazones de la plume peuvent se compter sur le bout des doigts. On ne compte aucune journaliste au sein de certaines rédactions de journaux. Il y a moins de directrice de publication ou de rédactrice en chef. Par contre, elles sont nombreuses à se bousculer sur le plateau TV ou au micro. Pourquoi les femmes préfèrent-elles la télé ou la radio à la presse écrite ? Les femmes journalistes fuient-elles l’anonymat derrière les signatures des articles ?
Nous avons interrogé quelques femmes journalistes. Mme Camara Fatoumata Mah Thiam Koné a opté pour la presse écrite. Depuis plus de dix (10) ans, cette diplômée de journalisme travaille au quotidien ‘’L’Indépendant’’ où elle assume les responsabilités de chef de desk des questions ‘’Genre et humanitaire’’.
La presse écrite est réservée à une élite
Pour la spécialiste des questions ‘’genre et humanitaire’’ au quotidien ‘’L’indépendant'', « la presse écrite est réservée à une élite ».Avec une dizaine d’années d’expérience, elle ne regrette pas d’exercer ce métier de journaliste dans la presse écrite. Mme Camara Fatoumata Mah Thiam Koné reconnaît que ses consœurs de l’audiovisuel sont « considérées la plupart du temps comme des vedettes. Cela est dû à un auditoire plus large de ces media alors que la presse écrite est réservée à une élite ».
Après ses débuts au quotidien national ‘’L’Essor’’, Mme Nianian Aliou Traoré a posé ses valises à l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Mali (ORTM). Aujourd’hui, elle est l’une des présentatrices du journal télévisé. Pour Mme Nianian Aliou Traoré, « l’audiovisuel n’est pas facile, contrairement à ce que certains pensent ». Cette jeune journaliste présentatrice s’est rendu compte qu’on peut signer plusieurs articles sans être connu à la presse écrite. « Je me suis rendu compte qu’à la presse écrite, on peut signer plusieurs articles sans être connu. Par contre à la télé et à la radio, c’est tout à fait le contraire. Je me suis posé la question pourquoi je suis venue dans ce métier, c’est pour véhiculer un message, être à l’écoute de ma population, c’est aussi pour le changement des comportements des gens. C’est ce qui m’a poussé à venir à la télé pour mieux faire passer mon message », a-t-elle ajouté. « Contrairement à ce que d’autres pensent, la télé n’est pas facile. On ne fait pas que de la présentation télé, on fait aussi des reportages et on rencontre des difficultés ».
Ce n’est pas une paresse intellectuelle
Selon Mme Ramata Konaté, journaliste à la radio Chaine 2, le constat selon lequel les femmes préfèrent l’audiovisuel est une réalité. Elle justifie cette préférence par une sorte de passion qui justifie ce penchant pour l’audiovisuel. « La raison est simple, elles veulent être vues. Elles aiment encore plus la télé que la radio », a ajouté notre consœur de la radio Chaine 2. Elle n’est pas d’accord avec ceux qui pensent que c’est une paresse intellectuelle. « Je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent que c’est une paresse intellectuelle, je dirais juste un choix. Vous savez, c’est presque le même travail de réflexion que ce soit la presse orale ou écrite, il vous faut la véracité d’une information avant sa publication», a expliqué Mme Ramata Konaté.
Le doyen Niaza Coulibaly, chef de la division des informations à l’ORTM ne partage pas cet avis de Ramata Konaté. Selon lui, la facilité est à la base du choix des femmes. « Je dirais que la facilité est la raison qui pousse les femmes vers l’audiovisuel. La presse écrite exige un travail difficile qui demande beaucoup d’effort et de courage alors que la femme de nature n’aime pas la difficulté ni la contrainte. Elle préfère la facilité. Je crois qu’elles ont plus de facilité à l’oral qu’à l’écrit », a-t-il précisé. Si la presse écrite demande un bon niveau intellectuel, le chef de la division des informations à l’ORTM estime qu’au Mali, rares sont les femmes qui ont fait des études supérieures. « Donc naturellement, elles choisissent aussi la télé pour être vues et connues, mais je dirais tout simplement que c’est de la facilité », a-t-il conclu.
Une question d’environnement
Cet argument diffère de celui développé par Mme Nabou Touré, la directrice de l’information de la chaîne privée de télévision Liberté TV. « Parler de paresse intellectuelle, je pense que c’est mal comprendre l’audiovisuel », a affirmé celle qui a mis ses talents de présentatrice au service d’Africable Télévision. « Je n’ai pas forcément été attirée par l’audiovisuel ou l’écrit, mais s’il faut faire un choix, je choisirais l’audiovisuel. Je pense que c’est juste une question d’environnement parce qu'on a tendance à voir beaucoup d'hommes dans la presse écrite. Cela semble un peu hostile pour certaines. Mais aussi à la presse écrite, il y a des journalistes qui se limitent juste à faire leur papier sans faire l'effort d’aller sur le terrain. Or, à la télé, on ne peut pas faire de reportages sans les images, donc parler de paresse intellectuelle, je pense que c’est mal comprendre l’audiovisuel », a-t-elle détaillé.
Que les femmes soient majoritairement représentées dans l’audiovisuel ou dans la presse écrite, tout cela se résume par le fait qu’elles commencent à s’intéresser davantage aux media. Et d’ailleurs, elles comptent se battre dans les jours à venir pour rivaliser avec leurs confrères sur le terrain. Pourquoi ne pas occuper les postes de responsabilité ?
Encadré :
L’Annonceur : un hebdo 100% féminin !
Créé en mars 2009, ‘’L’Annonceur’’ est un hebdomadaire qui a fait son petit bonhomme de chemin dans le microcosme médiatique malien. Sa spécificité : animé uniquement par les femmes, donc un hebdo 100% féminin. Après plusieurs années au service des quotidiens, « Le Soir de Bamako » et « Nouvel Horizon » du regretté Chaoudou Traoré (paix à son âme), Dado Camara parvient à convaincre un certain nombre de ses sœurs dont principalement Mariétou Konaté, à mettre sur pied « L’Annonceur ». Sept ans après, on peut sans risque de se tromper que le challenge a été relevé par Dado Camara et son équipe. Les deux têtes dirigeantes en l’occurrence Dado et Mariétou, ont su élargir leur horizon à travers un autre mensuel dénommé ‘’L’Africaine’’.
Le duo s’impose aussi dans le mouvement associatif. En plus d’être le secrétaire à la communication de l’Association des éditeurs de la Presse privée (ASEP) et de la trésorière générale du bureau de la Maison de la Presse, Mme Dado Camara est la présidente de l’alliance des patronnes de presse qui récompense chaque année des femmes modèles dans leurs domaines respectifs. Quant à Mariétou Konaté, elle dirige depuis quelques années, avec brio l’association des Professionnelles Africaines de la Communication (APAC-Mali). Sans doute, les fondatrices de ‘’L’annonceur’’ sont des exemples à travers leur engagement dans la presse écrite.
Bintou Diarra et Daouda Barry