Bamako - Des rassemblements ont été organisés jeudi au Mali, à Bamako et Tombouctou (nord), en soutien aux protestataires de Gao (nord) dont quatre ont péri mardi lors d’une manifestation émaillée de violences qualifiées d’"incidents regrettables" par le président malien dans un message à la Nation.
Le président Ibrahim Boubacar Keïta, qui s’exprimait publiquement sur les événements à Gao depuis mardi, a dit son "profond regret" et salué "la mémoire des jeunes gens fauchés dans la fleur de l’âge" sur la télévision publique malienne ORTM jeudi soir.
"Ces incidents sont regrettables et auraient pu être évités", a déclaré M. Keïta, "ils sont une illustration manifeste d’une méconnaissance des aspects féconds du contenu de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale" signé en mai-juin 2015 par Bamako et les groupes armés (loyalistes et ex-rebelles).
Mardi à Gao, des jeunes étaient descendus dans les rues, dénonçant notamment la mise en place d’autorités intérimaires dans les régions administratives du nord du Mali. Une disposition prévue par l’accord de paix de 2015 dans un pays peinant à retrouver stabilité et sécurité depuis plus de quatre ans.
La manifestation, interdite selon les autorités locales, a été violemment dispersée par les forces de sécurité. Quatre civils ont été tués, et une trentaine de personnes blessées.
Des manifestations ont mobilisé plusieurs centaines de personnes à Bamako et à Tombouctou (nord-ouest), avec entre autres slogans "Je suis Gao", "Jeunesse de Gao, on est ensemble", selon des organisateurs et des témoins.
"Non à la tuerie de Gao. Trop, c’est trop!", pouvait-on notamment lire sur des banderoles brandies par les manifestants ayant défilé sur quelques kilomètres dans la capitale, sans incidents, d’après témoins.
A Tombouctou, un demi-millier de manifestants, selon les organisateurs, ont marché et ont été reçus par le gouverneur de la région.
"Nous lui avons remis un mémorandum" demandant notamment le recrutement des
jeunes dans les forces de défense, la sécurisation des routes nationales, a raconté Oumar Ibrahim Cissé, un des manifestants.
Les jeunes ont aussi affirmé être "contre les autorités intérimaires. (...) Ce ne sont pas seulement les (ex-)rebelles ou ceux qui ont pris les armes qu’on doit recruter", a de son côté dit Hamady Haïdara, un de leurs responsables.
Mi-juin, le gouvernement malien et les groupes armés signataires de l’accord de paix s’étaient entendus sur la création de ces autorités intérimaires, dont le déploiement est prévu à partir de vendredi - selon des modalités non précisées -, en remplacement des collectivités territoriales.
Le président de chaque autorité intérimaire sera "le chef de l’exécutif local" et leurs décisions seront exécutoires immédiatement, leur légalité n’étant contrôlée par le représentant de l’Etat qu’a posteriori.
Une disposition rejetée par plusieurs organisations politiques et de la société civile maliennes, qui arguent de la non-représentativité ou de la non-légitimité de ces dirigeants temporaires.
"Les inquiétudes suscitées par certaines dispositions de l’accord (de paix) découlent, de manière évidente, d’interprétations erronées", a estimé le président Keïta.
Il faudrait "oeuvrer encore davantage pour sa meilleure compréhension et son appropriation par l’ensemble des couches de notre peuple", a-t-il ajouté.
Il a invité à la sérénité, au dialogue et à la concertation. Des appels similaires se sont multipliés depuis les violences, y compris par une délégation gouvernementale dépêchée mercredi à Gao et qui a eu des échanges avec différents acteurs de la société civile locale, incluant des organisateurs de la manifestation.
Sur place, le ministre de la Justice, Mamadou Ismaël Konaté, a assuré avoir donné "des instructions claires et précises" au parquet de Gao pour l’ouverture d’une information judiciaire sur les violences.
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