Aujourd’hui, il est impertinent d’imaginer le Mali sans l’accord. Mettre de côté cet accord issu du processus d’Alger, c’est appeler le chaos qui viendrait au galop, et qu’à Dieu ne plaise, achèverait tout espoir sur un Mali debout et robuste. Dieu nous en garde, l’accord demeure la seule alternative.
L’Etat malien a déjà survolé le Rubicon avec sous les ailes un accord miné et dans lequel des partis politiques et des organisations de la société civile malienne refusent de se reconnaître, lui reprochant un caractère peu inclusif, alors qu’il est supposé être issu d’un « dialogue inclusif inter-malien ». Les évènements de Gao donnent déjà raison à ceux qui pensent que le terrain de la mise en œuvre de l’accord est miné. Ça explose à Gao, l’Etat utilise la force publique pour réprimer dans le sang, et imposer par les armes, ce qu’il devrait pouvoir obtenir à travers un dialogue politique inclusif, certes difficile mais pas impossible. C’est la question de la nécessaire « appropriation de l’accord par l’ensemble des couches de notre pays », comme le reconnait le président IBK dans son adresse d’hier soir à la télévision nationale.
Maliens, nous ne sommes pas incapables de trouver la solution à nos questions nationales, tout en bénéficiant des inestimables ressources humaines et matérielles, mises à disposition par nos amis des quatre coins du monde, la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations-Unies, et spécifiquement la France, les Etats-Unis, les Pays-Bas, la Chine… les voisins du Mali (pays du champ), et j’en passe.
La classe politique malienne, au lieu de faire un effort de solidarité pour le Mali, refuse de se parler, de se concerter afin de sortir une orientation claire et acceptable servant de boussole pour sortir du pilotage à vue actuel, et voguer le navire Mali vers un rivage certain, car de la discussion doit jaillir la lumière. Mais le message qu’on lit est que la classe politique semble tout mettre en œuvre pour éviter de se retrouver dans des concertations nationales. Toutes les échéances prévoyant des concertations, même celles prévues dans l’accord, nous échappent et fuient, nous mettant dans la posture de celui qui repousse indéfiniment les problèmes et refuse de taper le fer quand il est chaud. C’est la posture de l’autruche qui se voile la face. Alors que notre pays regorge de compétences pour sortir de la crise. Il suffit de se faire confiance. Aussi longtemps que la classe politique restera divisée sur le fondamental, nous n’aurons que la paix des autres, à l’aune des intérêts divergents, et qui ne nous soudera pas.
L’accord est fait, il faut la mettre en œuvre, mais en tirant tous les enseignements et les leçons des erreurs et des errements du gouvernement, dont l’une des conséquences est la situation qui prévaut à Gao et qui est un indicateur du fait qu’ils ne se sont pas approprié l’accord, dans lequel ils ne se reconnaissent pas.
Des erreurs de casting ont conduit à un accord non conforme à la norme suprême, avec comme conséquence, le renversement de l’ordre des normes juridiques, obligeant l’adaptation de la constitution à un accord interne à travers une révision constitutionnelle. Autres errements, la mise à l’écart de la loi sur les autorités intérimaires et son décret d’application (qui émane pourtant des institutions comme le président de la République et le Parlement) au profit d’une entente, qui vient en appendice à l’accord.
Le reproche fondamental, le mal congénital de l’accord et de sa mise en œuvre, qui refait toujours surface comme un dragon de mer pour tanguer le navire Mali, est l’absence de concertations, le déficit d’implication des Maliens à travers sa classe politique, sa société civile, les groupes armés, et la jeunesse à l’image de celle de Gao. Cette absence de concertations a été évoquée à juste titre, lors de la mise en place de la Commission Justice, Vérité et Réconciliation, celle des organes du Comité de Suivi de l’accord (CSA) et récemment lors de la prise en compte des groupes armés dans le gouvernement. Quel mal y a-t-il à faire des concertations ?
B. Daou