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Mali: à Douentza, une vie en état de siège, entre chars, mines et pénurie
Publié le mercredi 6 fevrier 2013  |  AFP


© Reuters par Joe Penney
Les forces françaises et maliennes ont repris lundi matin le contrôle des villes de Diabali et de Douentza
Militaires français près d"un pick-up détruit, à Diabali. Les forces françaises et maliennes ont repris lundi matin le contrôle des villes de Diabali et de Douentza, dans le centre du Mali, d"où les combattants islamistes ont disparu. /Photo prise le 21 janvier 2013


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"Nous vivons sous embargo, nous ne pouvons pas circuler", se plaint un habitant de Douentza au Mali. La vie s’y déroule en état de siège: la pénurie règne, la ville est cernée de chars et de pick-up maliens, et ses accès seraient minés.

Située en Pays Dogon, dominée par de superbes petites montagnes quasi verticales (la "Falaise de Bandiagara") qui attiraient autrefois les touristes, Douentza (800 km au nord-est de Bamako) comptait quelque 25.000 habitants avant le conflit, dont 10.000 environ ont fui l’occupation depuis septembre 2012 de la ville par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), un groupe islamiste armé.

Selon des habitants, les islamistes ont quitté la ville après plusieurs frappes aériennes françaises mi-janvier. Les bâtiments où ils étaient basés, le lycée, l’académie d’enseignement et l’hôtel N’Douldi, ont été éventrés par les missiles et sont parsemés de munitions qui ont explosé à cause de la chaleur.

D’après Boureima Cissé, comptable de 28 ans, les islamistes ont tué ici un homme, un milicien gouvernemental Gandakoye (anti-islamiste) qui refusait de les soutenir. "Il possédait des armes, quelqu’un l’a dénoncé. On a formé un comité pour plaider sa cause, mais ils l’ont tué à coups de pierre et de bâton", explique-t-il.
Pas d’amputations, ce que confirment d’autres habitants, mais comme ailleurs la "chicotte" (fouet) publique et les viols étaient fréquents.

Les extrémistes partis, les militaires sont arrivés le 21 janvier.
Reste aujourd’hui une forte présence malienne: d’antiques chars T55 rouillés de conception soviétique et des pick-up de combats camouflés sont positionnés aux sorties de la ville, leurs canons et mitrailleuses lourdes orientés vers la brousse sèche où rôdent "des éléments" islamistes, selon un officier malien.

Requérant l’anonymat, ce dernier assure que des mines auraient été posées sur la route reliant Douentza à Tombouctou (250 km au nord), et sur celle menant à Gao (400 km au nord-est), stratégique pour accéder à la région de Kidal (1.500 km au nord-est de Bamako), où de nombreux islamistes se seraient retranchés avec les sept otages français.
"Nous vivons sous embargo"

Deux soldats maliens ont péri jeudi sur une mine près de Douentza, et deux mines artisanales ont été découvertes dimanche sur l’axe Douentza-Gao, selon des sources militaires.
La circulation est possible sur cette voie et vers Tombouctou, mais la route du Sud, vers Bamako, essentielle pour l’approvisionnement, reste fermée pour limiter les mouvement des islamistes.

Du coup, les habitants se plaignent: "Nous vivons sous embargo, nous ne pouvons pas circuler", grogne Ousmane Koïta, propriétaire de l’hôtel La Falaise, fermé depuis 10 mois.
"La vie commence à reprendre son cours normal, mais l’électricité fait grand défaut depuis l’envahissement (sic) par les hommes du Mujao", explique-t-il.
"Pour le moment, il y a assez à manger, mais le commerce est presque paralysé. On peut sortir mais pas entrer" dans la ville, souligne-t-il.
Sur le marché où fruits et légumes sont rares, des hommes traînent, désoeuvrés sur la place sablonneuse - le chômage est massif.

Amadou Traoré, 25 ans, vend des patates dans son échoppe, quatre troncs d’arbres maigres et tordus surmontés d’un toit de paille. "On ne trouve pas de pommes de terre car la route est coupée. Ca fait presqu’un mois qu’on ne gagne rien", depuis le début de l’intervention militaire française le 11 janvier, déplore-t-il.
Devant lui trône son maigre stock: 4 à 5 kg de patates, dont le prix a bondi de 450 à 700 francs CFA (0,69 à 1,07 euro) le kg.

A côté, dans un container métallique transformé en station-service, Ousmane Omgoïba arrive toujours à fournir ses clients. La pénurie totale menaçant, l’armée malienne a fait venir une citerne il y a quelques jours.

"La citerne nous a sauvés un peu", commence le quadragénaire avant de s’interrompre: le corbillard de Douentza vient faire le plein. Sur son flanc est inscrit en lettres blanches: "Toute âme connaîtra la mort".

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