Près d’un mois après le début de l’intervention militaire française, la guerre au Mali apparaît comme un conflit "sans morts" faute d’images, tant les mesures sont strictes côté français avec un bilan vague de "plusieurs centaines" de tués chez les islamistes, et une opacité sur des dégâts collatéraux.
Pour la première fois depuis le 11 janvier, le ministre de la Défense a évoqué mardi soir officiellement "plusieurs centaines, un nombre significatif" de combattants islamistes tués. Mais pas de bilan précis. Pas question de se lancer dans un "décompte macabre", insiste-t-on au ministère de la Défense.
Ces islamistes tués l’ont été lors "des frappes aériennes" françaises sur des pick-up transportant des hommes ou du matériel de guerre et durant "des combats directs et frontaux à Konna et Gao", a-t-on ajouté.
Les risques sont énormes. Dès les premières heures de l’opération, un pilote français est tué le 11 janvier aux commandes de son hélicoptère alors qu’il lance l’assaut contre les colonnes jihadistes dans le centre du Mali.
Mais depuis, l’armée française n’a officiellement déploré que "deux ou trois blessés sans gravité". Ce qu’a confirmé M. Le Drian mardi soir.
Première explication : les soldats français n’ont jusqu’à présent été que très rarement au contact des combattants islamistes.
"Des précautions extrêmes sont prises pour que les hommes soient exposés le moins possible. On n’évite pas le combat, mais on a des méthodes d’action à distance qui évitent finalement le contact direct", analyse Pascal Le Pautremat, spécialiste des questions de défense.
Des méthodes au premier rang desquelles les frappes aériennes massives des avions de chasse Rafale et Mirage 2000, qui ont permis d’affaiblir les islamistes et de détruire leurs infrastructures.
Les Forces spéciales - sur lesquelles la défense refuse de communiquer - sont également en première ligne. Dotées d’une puissance de feu considérable, elles opèrent le plus souvent de nuit avec un maximum d’efficacité.
Conscients qu’ils n’ont pas intérêt à rechercher l’affrontement, les jihadistes ont préféré se replier vers le nord-est du Mali.
Eviter au maximum les pertes sur le terrain est impératif pour conserver le soutien de l’opinion, souvent chancelante dès que la situation se complique.
"On a tendance à oublier que quand il y a une guerre, il y a toujours des blessés et des morts, souligne Pascal Le Pautremat. Même si la cause est noble et les résultats tangibles, dès qu’il y a quelques morts et blessés, beaucoup de gens disent : Mais, qu’est-ce qu’on est allé faire là-bas ?"
"Mali: où sont les morts ?", s’interrogent les internautes sur le site du quotidien Les Echos.
Pas d’évaluations précises côté Défense, et pas d’images non plus des jihadistes tués.
"Nous ne voulions pas qu’il y ait une sorte de comptabilité des tués", confie un haut responsable du ministère de la Défense, sans cacher la volonté des Français d’éliminer un maximum de combattants et de casser l’infrastructure des groupes islamistes jusque dans leurs fiefs du nord-est.
Sur le terrain, les barrages de l’armée malienne limitent l’accès des journalistes aux zones de conflit et quasiment aucune image de cadavres de jihadistes n’a été diffusée depuis le début du l’opération.
Très inquiet des risques de représailles à l’encontre des populations civiles, l’état-major français a par ailleurs donné des consignes strictes à ses troupes pour qu’elles s’opposent à toute exaction de la part des soldats maliens dans les zones dont ont été chassés les islamistes.
Des organisations comme Human Rights Watch (HRW) ont affirmé mi-janvier que des civils avaient été tués lors des combats à Konna (centre) et l’ONU a évoqué "de graves violations des droits de l’homme". Mais là encore, quasiment aucune image n’est venue confirmer ces accusations.