Il y a quelques semaines encore, Hama Foune Diallo était un inconnu à Bamako. Aujourd’hui, ce fils de berger se pose en héraut de la cause peule, et l’État pourrait bien s’appuyer sur lui.
À l’évidence, la lumière l’indispose. Au téléphone, Hama Foune Diallo veut bien répondre, en peul, à quelques questions, mais, lorsque celles-ci portent sur son parcours, il coupe court à la conversation. Le 25 juin, il n’était qu’un inconnu pour la plupart des Maliens lorsqu’il a officialisé la création d’un énième groupe armé, le Mouvement pour la défense de la patrie (MDP), dont il prétend être le chef d’état-major.
Affublé d’un long boubou blanc, d’un imposant turban bordeaux et d’une grosse paire de lunettes noires ne laissant entrevoir de son visage qu’une épaisse moustache, il semblait ne pas être tout à fait certain de vouloir sortir de la clandestinité.
Mobiliser les Peuls autour d’un idéal
Le MDP, qui a rejoint la Plateforme, la coalition réunissant les mouvements longtemps considérés comme favorables à Bamako, revendique 300 combattants, lesquels seraient regroupés en divers endroits de la région de Mopti en vue d’une démobilisation. Il s’agit de Peuls pour la plupart, même si Foune prend soin de préciser qu’on y trouve aussi des Bozos, des Songhaïs ou encore des Bambaras. Son objectif, pourtant, est sans équivoque : si, à l’attention de la communauté nationale et internationale, il assure vouloir protéger « l’ensemble des populations » vivant dans sa région et ne pas considérer l’État comme un ennemi, aux Peuls, il dit tout autre chose.
Début juillet, il s’est rendu à Niamana Garbal, l’immense marché au bétail peuplé de bergers situé à l’entrée de Bamako. « Il leur a tenu un discours très nationaliste, indique un témoin. Il leur a dit qu’il voulait apprendre aux Peuls à manier les armes pour se défendre contre les exactions de l’armée et des Touaregs, et qu’il voulait aussi les dissuader de rejoindre les jihadistes. Il cherche à mobiliser les Peuls autour d’un idéal. » Et la mayonnaise pourrait prendre assez vite.
Enfant du Nord
C’est que l’homme jouit d’une certaine cote. Foune est un inconnu à Bamako, mais c’est une légende dans le delta intérieur. « Il a un temps été un voleur de bétail, mais ce passé est compensé par de hauts faits militaires », indique un bon connaisseur de la région. Sa biographie est floue, à l’image de sa date de naissance (certains disent qu’il a 46 ans, d’autres 50, d’autres 53).
Celui qui a grandi près de Sossobé, dans le cercle de Tenenkou, était destiné à garder les vaches, comme son père. Mais il a très vite fait du métier des armes sa vocation. On dit de lui qu’il a dirigé l’armée de Sossobé dans la bataille ayant opposé son village à celui de Salsalbé, en 1993. Il aurait ensuite été utilisé par l’État pour mettre sur pied une milice peule en 1994 pour contrer les rebelles touaregs. Puis il est allé se battre en Sierra Leone et au Liberia aux côtés du Front révolutionnaire uni (RUF).
Le MDP compterait 30 combattants dans la région de Mopti
Lorsqu’il revient dans le delta, sept ans plus tard, il retrouve d’abord sa condition de berger, puis gagne vite une réputation de voleur de bétail, avant de se draper dans les habits d’un Zorro local face aux abus de l’État.
Révolté par le racket dont sont victimes les bergers, certainement attiré aussi par la possibilité de renouer avec le mercenariat, il rejoint en 2012 le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). L’expérience tourne court. Rallie-t-il ensuite le Mujao, voire le groupe de Hamadoun Koufa dans le Macina ? C’est un bruit qui court à Bamako, même si ceux qui le connaissent assurent qu’il ne s’est jamais acoquiné avec les jihadistes.
Son nom refait surface en 2015. À cette époque, les exécutions de représentants de l’État connus pour racketter les bergers se multiplient dans le delta. Certains y voient la main de Koufa. D’autres soufflent le nom de Foune, que l’on dit à la tête d’un groupe de pasteurs se faisant vengeance. « Depuis trois ans, il les a formés à se battre contre l’État », admet un proche. Ces hommes constitueraient aujourd’hui le gros des troupes du MDP, où l’on trouverait également d’anciens combattants de groupes jihadistes.
... suite de l'article sur Jeune Afrique