Le mardi 12 juillet 2016, le président du parti « ADP-Maliba », Amadou Thiam, député de la commune 5 de Bamako, a, lors d’un point de presse, annoncé le départ de sa formation de la majorité présidentielle. Thiam justifie ce départ par la « léthargie de la majorité présidentielle et du président de la République à faire face aux problèmes du pays ». Mais selon nos sources, les vraies raisons se situent ailleurs.
Contours d’un soutien
Créé le 18 mars 2013, le parti a activement soutenu, en 2013, le candidat IBK. Ainsi, le 19 juillet 2013, à Nioro, le Chérif de Nioro, vrai mentor du parti, offre 100 millions de FCFA pour la campagne du candidat IBK. Ces 100 millions sont, en réalité, un don d’Aliou Boubacar Diallo, PDG de la société Wassoul’or et fondateur d’ADP MALIBA. Le chérif de Nioro demande même à son neveu, Aliou Boubacar Diallo, de renoncer à sa candidature à la présidentielle présidentielles pour se rallier à celle d’IBK : en contrepartie, le cherif promet à Diallo d’intercéder auprès d’IBK, une fois élu, pour qu’il lui soit consenti quelques faveurs, notamment en termes d’appui son entreprise. Le Chérif fait également miroiter à Diallo la perspective d’alliances fructueuses aux législatives entre ADP-Maliba et le RPM, le parti d’IBK.Diallo accepte les propositions du Chérif et débourse 100 millions de FCFA et des véhicules 4X4 pour la campagne d’IBK. Cependant, il prie le Chérif de le laisser dans l’anonymat pour ne pas susciter des jalousies. Le vendredi 19 juillet 2013, le Chérif, remet solennellement la somme à un comité de gestion dirigé par son propre fils avec, pour mandat, de débloquer les fonds au fur et à mesure des besoins exprimés par l’état-major de campagne d’IBK. L’événement a lieu à Nioro, en présence de militants hamallistes (le Chérif est le chef des musulmans hamallistes du Mali) et de SABATI 2012, une association politico-islamique dirigée par un poulain du Chérif: Moussa Boubacar Bah.
Entre-temps, le Chérif pèse de tout son poids pour que SABATI 2012 apporte son soutien au candidat IBK. Ledit soutien produit sans doute de l’effet puisqu’à l’instigation de SABATI, on appelle, dans toutes les mosquées, à voter IBK. Lequel, perçu comme candidat des musulmans, réalise des exploits au 1er tour de la présidentielle (près de 40% des suffrages!). Au second tour, IBK est élu avec 77% des voix.
Couacs à répétition
Les relations commencent très tôt à se gâter entre le président élu, IBK, et le Chérif de Nioro, mentor d’ADP-MALIBA. La première brouille voit le jour au moment de la confection des listes de candidatures aux élections législatives. Le tout puissant Secrétaire Général du RPM, Bocary Téréta, refuse d’allier le RPM à ADP dans plusieurs circonscriptions stratégiques. Téréta, comptant surfer sur la vague de l’élection d’IBK, juge inutile de s’encombrer des candidats d’ADP et de devoir partager avec eux les sièges de députés.IBK laisse faire, occupé à faire revenir le Mali dans le concert des nations après l’ostracisme qui frappe le pays depuis le putsch du 22 mars 2012. Si certaines sections du RPM (Ségou, communes 5, 3 et 2 de Bamako, Kayes, Koutiala et Nioro) acceptent les sollicitations du Chérif, d’autres (Sikasso, Yorosso, Nara, Kita, Kolokani, Niono) refusent toute alliance avec ADP.Dépité, le Chérif décide de soutenir lui-même les candidats rejetés par le RPM. Il appelle les Hamallistes à voter pour eux.
La colère du Chérif monte bientôt d’un cran. Les candidats d’ADP-MALIBA, qui ont gagné à Nara et Niono, sont recalés par la Cour Constitutionnelle. Le lundi 20 janvier 2014, le Chérif rassemble ses troupes à Nioro et demande, tout haut, « comment IBK a pu laisser les juges de la Cour Constitutionnelle annuler à leur guise les suffrages des Maliens et proclamer des résultats qui ne reflètent pas la vérité des urnes ». Il s’insurge contre le fait que les Arrêts de la Cour aient été pris en faveur du RPM: « Ce n’est pas parce qu’un parti est au pouvoir qu’il doit bénéficier de toutes les faveurs au détriment des autres Maliens. Si le RPM n’arrête pas d’être injuste envers les Maliens, je le combattrai plus fermement que je n’ai combattu l’ancien régime ! Je n’a pas combattu ATT par détestation personnelle mais parce qu’il se montrait injuste envers le peuple! « . Le leader religieux conclut: « Nous n’avons pas eu droit au changement que nous attendions. Rien n’a changé depuis l’élection présidentielle. Au contraire, les ténors de l’ordre ancien restent en place ou refont surface alors que les partisans du changement sont jetés en prison ou exclus des affaires publiques! ». L’allusion au général Sanogo, emprisonné contre les vœux du Chérif, saute aux yeux…
La goutte d’eau qui fera déborder le vase a trait aux différents remaniements ministériels. Bien qu’IBK ait changé 5 fois de gouvernement et 3 fois de Premier ministre, ADP n’obtient aucun ministère. Pourtant, le parti compte 4 députés, plus que certains partis qui figurent en bonne place au gouvernement. ADP MALIBA perd enfin tout espoir quand, lors du remaniement du 7 juillet 2016, il ne bénéficie d’aucun maroquin alors que d’anciens opposants issus de la mouvance ATT sont conviés au banquet. Les leaders du parti, le Chérif en tête, en tirent la conclusion que le président IBK ne compte plus sur eux et que de nouveaux amis ont pris eux leur place dans le cœur de l’hôte de Koulouba. « Pourquoi perdre notre temps à soutenir un homme qui ne compte pas sur nous », nous confie un responsable du parti. Le départ d’ADP de la majorité traduit donc la colère du Chérif. IBK parviendra-t-il à apaiser le vieil homme qui, malgré les apparences, garde la haute main sur le Haut Conseil Islamique ?
Abdoulaye Guindo