Les leaders des partis membres de l’opposition malienne étaient face à la presse, samedi dernier. Lors de cette rencontre avec la presse, Soumaila Cissé, chef de file de l’Opposition n’est pas allé avec le dos de la cuiller en parlant de la répression par les forces de l’ordre de la marche pacifique des jeunes de Gao de mardi dernier. Pour lui, le gouvernement malien est seul responsable de cette situation. Les partis membres de l’opposition demandent la tenue de concertations nationales.
Pour Soumaila Cissé, les incidents malheureux de Gao ne sont que la conséquence directe de l’intransigeance du gouvernement du Mali sur la mise en place des autorités intérimaires en particulier et sur l’accord issu pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger en général. « Nous l’avons toujours décrié : l’accord contient des germes de partition du pays. Nous avons dit toujours que la signature de l’accord ne doit pas occulter la situation chaotique du pays. Pourquoi un accord vendu comme un remède au peuple tarde-t-il à produire ses effets ? », s’interroge Soumaila Cissé, pour qui, « l’instauration des autorités intérimaires est impertinente et inopportune. Il s’agit d’une dangereuse manipulation du code des collectivités territoriales et cela constitue une entrave à la libre administration des collectivités territoriales. », regrette-t-il.
Pour Soumaila Cissé, « la loi a été violée dans le processus qui a abouti à l’adoption de la loi sur la mise en place des autorités intérimaires. Le gouvernement devrait saisir le Haut Conseil des Collectivités Territoriales ; il ne l’a jamais fait. La Cour constitutionnelle (que l’opposition a saisie pour son caractère inconstitutionnel, ndlr) a suivi le gouvernement ».
Le Président de l’URD a rappelé aussi qu’en mai dernier, « lors de la marche, ses leaders ont dit non aux autorités intérimaires. Mais, l’Etat, en catimini, a signé un document dit « de l’Entente » en juin, qui parle des modalités de mise en place des autorités intérimaires dans les cinq régions du nord (Ménaka, Taoudéni, Gao, Kidal et Tombouctou. Quid alors des autres régions (où des autorités intérimaires devraient être mises en place, ndlr) ? », se demande-t-il.
Se disant solidaire de la démarche patriotique des jeunes de Gao, le député élu à Niafunké pense que c’est « parce qu’ils se sentaient marginalisés qu’ils ont marché. Il fallait écouter l’opposition. » Soumaila Cissé qu’aujourd’hui, il faut aller vers ce qu’il appelle « une malianisation du processus de paix par la tenue de concertations nationales.»
Président du PDES et surtout Maire de la Commune urbaine de Gao, Sadou Harouna Diallo a d’abord rappelé que « 3000 armes individuelles et 40 armes collectives ont été remises par les jeunes de Gao aux responsables de l’Opération Serval grâce à mon implication. C’était en présence de l’actuel chef d’Etat Major Général des Armées, Didier Dakouo.» Puis clamera-t-il, « je n’ai jamais été contre l’accord…Mais dans sa forme, je ne le comprends pas. Il fallait se concerter avec les élus locaux. » En tant qu’élu, Sadou H. Diallo croit que de larges concertations avec les élus et le peuple auraient pu permettre d’éviter ces incidents de Gao. « Le Malien a besoin d’être respecté de Kayes à Kidal en passant par Gao. »
Absent du pays au moment des faits, Sadou Diallo regrette les morts et les blessés de la marche et jure la main sur le cœur que s’il avait été là, cette manifestation n’allait pas dégénérer : « si j’étais à Gao, j’allais marcher avec les jeunes car il faut respecter ceux qui ont défendu l’Etat en son absence. J’ai interdit la marche en tant qu’administrateur conformément à l’état d’urgence. Mais je l’aurais encadrée. » Sadou Diallo regrette également l’attitude d’un de ses adjoints ayant conduit les jeunes à vandaliser son domicile : « mon adjoint n’a pas pris ses responsabilités comme son maire a l’habitude de le faire. Il est un administrateur et il n’a pas les mains libres comme son maire…», ironise-t-il en substance.
Modibo Sidibé du parti Fare et Tiébilé Dramé du Parena, tous membres de l’opposition ont également décrié la démarche solitaire du gouvernement et appelé à un dialogue national refondateur pour aborder certaines questions fondamentales occultées par l’accord «comme le narcotrafic, les questions socioculturelles, la question du centre du pays. L’approche doit être globale, conclut Modibo Sidibé.
Sadou Harouna Diallo lance des piques à son petit frère Abdoulaye Idrissa Maiga
L’on sait déjà qu’entre le Maire de Gao, Sadou Harouna Diallo et le ministre de l’Administration du Territoire, Abdoulaye Idrissa Maiga, tous deux originaires de Gao, le courant ne passe pas. Le ministre de l’Administration Territoriale avait suspendu le Maire de Gao, il y a un an environ. Celui-ci a, grâce à la Justice, réussi à s’extirper des griffes de son cadet. Aujourd’hui, même si Sadou Diallo jure qu’il n’a rien contre son « petit frère » de ministre, Abdoulaye, il n’a pas manqué de lui lancer des piques lors de la conférence de presse que les partis membres de l’opposition ont animée, à la Maison de la presse, sur les incidents de Gao, de mardi et mercredi derniers.
« Je suis même mieux informé que les quatre ministres qui sont allés à Gao. », indique Sadou Diallo, qui révèle que la délégation de l’Etat, conduite par Abdoulaye Idrissa Maiga, « a remis 1 million 50.000 F à l’hôpital pour les soins des blessés et, Abdoulaye Idrissa Maiga a remis la MODIQUE SOMME de 400.000 F CFA aux représentants des jeunes pour les familles des 3 personnes décédées. Quand le représentant des jeunes m’en a informé, je lui ai dit de retourner au Gouverneur les 100.000 F restants pour qu’il les remette à son ministre parce qu’ils ignorent le nombre de victimes. Il y a eu en effet trois morts, pas quatre. »
Interrogé par nos soins, Sadou Harouna Diallo dit ne rien avoir contre le ministre Maiga : « Abdoulaye est mon petit frère. Je n’ai pas de compte à régler avec qui que ce soit…» nuance-t-il.
MINUSMA ?
Le Maire de Gao n’y voit que dalle !
Très en verve lors de la conférence de presse des leaders de l’opposition malienne, le Maire de Gao, Sadou Harouna Diallo regrette que le mandat de la Minusma ne lui permette pas de protéger les populations civiles et d’aider le Mali à lutter contre le terrorisme et le narcotrafic. Pour lui, si le rôle de la mission onusienne doit se limiter à celui qu’elle a jusqu’ici fait, il n’en voit pas l’utilité et ce, en dépit du renforcement de son mandat par la résolution 2295 adoptée il y a quelques semaines à l’unanimité des membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies à New-York.
« Je ne vois pas l’utilité de la Minusma. » indique-t-il. « Dès qu’un coup de feu résonne, ils prennent leurs talkies-walkies et se cachent dans leur bunker. Depuis qu’il y a eu cette marche à Gao, la Minusma se cache dans son bunker. Je suis tellement contre eux que je ne rentre plus dans leur avion. Je fais mes déplacements chaque 15 jours en véhicule malgré le mauvais état de la route Gao-Bamako.»
Soumaila Cissé enchaîne des lapsus linguae
Le chef de file de l’opposition malienne n’était pas vraiment dans son assiette lors de la conférence de presse que les partis membres de l’opposition ont animée, samedi dernier, à la Maison de la Presse. Soumaila Cissé, qui a fustigé l’attitude du gouvernement et du chef de l’Etat depuis le début de « son mandat », a présenté Sadou Harouna Diallo comme le « Maire de Bamako ». Le Maire de Gao, non moins Président intérimaire du PDES (proche de l’ancien président de la République, Amadou Toumani Touré), s’abritant habilement derrière son statut d’élu et d’autodidacte, a quant à lui, dit tout haut ce que tout le monde pense bas. Ce qui a permis de passer l’éponge sur les lapsus linguae du chef de file de l’opposition, qui ne semblait pas vraiment au meilleur de sa forme.
Amadou Salif Guindo