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Mahamoud Dicko au sujet des autorités intérimaires: . «Nous n’avons pas à remettre en cause leur mise en place» . «Vous ne pouvez pas perdre une guerre et vouloir vous imposer...»
Publié le jeudi 21 juillet 2016  |  Le Prétoire
Atelier
© aBamako.com par FS
Atelier de validation du rapport sur l`employabilité des diplômés et formés en langue arabe
Le CICB a abrité le Jeudi 27 Août 2015, l`Atelier de validation du rapport sur l`employabilité des diplômés et formés en langue arabe. Photo: Mahamoud Dicko




Pendant que le processus de mise en place des autorités intérimaires peine à démarrer et que le débat sur cette question divise l’opinion publique nationale, l’Imam Mahamoud Dicko, Président du Haut conseil islamique du Mali, donne son point de vue dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder. Pour lui, il faut accepter des compromis pour aller de l’avant. Lisez plutôt !
Le Prétoire: Monsieur le Président, beaucoup de couches de la société civile estiment qu’elles n’ont pas été consultées pour la mise en place des autorités intérimaires. Est-ce votre cas ?
Mahamoud Dicko: Je n’ai pas connaissance que nous avons été consultés par rapport à la mise en place des autorités intérimaires. Je me demande pourquoi on nous aurait consulté, du moment où c’est une disposition de l’Accord.

Que pensez-vous de leur mise en place ?
Mais, nous n’avons pas à remettre en cause leur mise en place. Ce n’est pas le moment de remettre en cause les autoritaires intérimaires. Ce n’est pas le moment de demander l’avis des gens par rapport à ça. On ne peut pas aller en guerre, perdre cette guerre, aller en négociation et chercher à ce que tout soit comme on le veut. Ce n’est pas possible ! Il faut accepter de faire des compromis pour qu’on puisse avancer. Je ne comprends pas les Maliens sur ce sujet. La mauvaise gestion de notre pays nous a conduits vers une guerre qu’on a perdue. Vous ne pouvez pas aller en guerre, perdre et souhaiter que les choses soient comme vous le voulez. Il faut obligatoirement des compromis. Il faut être naïf pour ne pas le comprendre.

Quelle est votre analyse des événements de Gao ?
Le problème de Gao c’est autre chose. Les gens peuvent le gérer selon leur vision. C’est leur droit aussi de revendiquer ce qu’ils veulent revendiquer. Je pense sincèrement que ce débat n’a pas lieu d’être ce n’est pas le moment. Cela reviendrait à remuer le couteau dans la plaie et remettre tous les acquis de l’Accord en cause. C’est un éternel recommencement. Cela veut dire aussi que nous ne savons même pas ce que nous voulons. Nous sommes dans un pays où les gens sont responsables quand même. Il faut donc y aller. Un adage bambara dit : «au lieu d’accuser là où tu es tombé, il faut accuser là où tu as trébuché». Aujourd’hui, on veut gérer les choses en se basant sur les conséquences mais on oublie les causes. Parce que tout cela, c’est la conséquence d’une mauvaise gestion qui a mis notre pays en confiture et qui nous a conduits dans cette guerre que nous avons perdue.

Et les gens veulent qu’en négociation, nous gagnions ce que nous n’avons pas gagné sur le terrain. C’est ça la vérité. Je n’aime pas les complaisances, le dilatoire. Je suis franc dans mes prises de position même si je suis mal compris. Vous ne pouvez pas perdre une guerre et vouloir vous imposer dans les négociations. Il faut accepter un compromis maintenant, aller à la paix et avancer. En ce moment on doit tirer les leçons de nos erreurs et faire en sorte que nous ne tombions plus dans certaines erreurs. Voilà ce que nous devons faire.

Pensez-vous qu’il y a une tentative de récupération politique de ces événements ?
On ne peut plus revenir en arrière chaque fois pour dire qu’on est d’accord ou pas. C’est fini ça. Maintenant il faut conscientiser le peuple pour que ce qui nous est arrivé n’arrive plus. Au lieu de cela, le gouvernement est de son côté, l’opposition tire la couverture sur elle, les journalistes peignent presque tout en noir. Mais la plupart du temps, c’est l’opinion qui manipule la presse. L’histoire de Gao dont on parle, on n’a même pas attendu que l’opinion soit édifiée. On ne sait même pas de quoi il s’agit. Mais ce sont des gens qui viennent de la France et d’ailleurs pour inciter les populations.

Ce sont des gens qui ont des intentions politiques, tout le monde le sait. On essaie de brouiller les pistes dans cette affaire. Il faut qu’on aille doucement et qu’on essaie de comprendre ce qui s’est passé. Chacun essaie d’en faire une récupération politique de ce malheur. C’est dommage !
Il n’y a pas de vérité dans ce pays, car chaque fois que nous parlons, on nous fait des procès d’intention. Or, les gens refusent de se remettre en cause. C’est le grand problème de ce pays. Je me souviens en 2010, j’ai dit au Président de la République, lors de la cérémonie de présentation de vœux, que les festivités du cinquantenaire ne doivent pas se limiter au folklore. Que c’était l’occasion de faire l’état de la nation pour voir là où on a trébuché, voir ce qui ne va pas pour réorienter le pays. Bon ! Il m’a répondu à la limite avec de l’ironie. Voilà aujourd’hui, on est en train de vivre les conséquences. Le problème dans ce pays, c’est que tout le monde pense qu’il a bien fait et que l’enfer c’est l’autre.

D’après vous, quelle est la part de responsabilité de la classe politique dans la situation qui nous arrive ?
Le mouvement démocratique qui est dans le système depuis des années, même après le coup d’Etat de 2012, a été incapable de se mettre ensemble pour voir ce qui a marché ou non et de dégager la voie à suivre. Au lieu de cela, les partis politiques sont restés là à demander le rétablissement de l’ordre constitutionnel et autres choses. Et on continue. Leur souci, c’est comment trouver un moyen pour arriver au pouvoir. Ce n’est pas comme ça qu’on construit un pays. Chacun cherche en l’autre un bouc émissaire. Tantôt c’est le Haut conseil islamique : «ils sont des islamistes, ils sont complices de X ou Y». Ils trouvent toujours des explications pour camoufler leurs échecs. Cela ne marche pas. Et on va continuer et ce sont les mêmes problèmes qui vont produire les mêmes effets. Revenir sur nos erreurs n’est pas dans notre fort. Chacun pense que c’est l’opposition qui a fait ceci, c’est la majorité qui a fait cela. Mais quelle opposition et quelle majorité reste-t-il de cette politique malienne ? On fait semblant, mais rien n’existe. On est dans le dilatoire. Certains commettent des péchés historiques, quand ils prennent la responsabilité de mettre ce pays dans l’incertitude. Il n’y a pas d’acquis et tout est remis en cause. Il n’y a pas de débat. On saute sur toutes les occasions pour se faire voir. Il n’y a aucune vérité. Celui qui parle, on te vilipende, on t’insulte.

Donc, on est obligé de la boucler.
Ce pays est à terre, il y a un problème de leadership. Nous prions, et devons continuer à prier pour qu’il se relève. La situation du Nord du pays est dans une spirale très compliquée. Le malheur dans tout cela est que le Nord n’a même plus de dirigeants. Et les gens se comportent comme si on est dans un Etat normal. Il faut qu’on comprenne que le pays est en crise, en guerre. Etre en guerre ne signifie pas seulement se tirer dessus avec des armes. Dans ce pays, même les incompréhensions entre nous sont une forme de guerre, mais une guerre froide.
Nous les religieux, quand on parle, on pense qu’on a des ambitions. On n’a aucune ambition. On ne veut seulement pas être complice d’un chaos organisé par notre silence. Nous prions pour que le pays sorte de cette crise Inch’Allah.

Propos recueillis par Harber MAIGA
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