Comme le disait Royer-Collard, «les constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil». Ainsi, elles doivent faire l’objet de révision ou encore de changement. La Commission chargée de réfléchir sur la révision constitutionnelle a débuté ses travaux. Ils sont dix experts et deux rapporteurs en charge de ce chantier. Pendant six mois, cette commission doit travailler à adapter la Constitution du Mali aux exigences du moment, notamment faciliter la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
Adoptée en février 1992, la Constitution du Mali comporte «d’énormes insuffisances», selon certains spécialistes du droit. Le chantier de la révision qui s’engage va permettre d’adapter le texte fondamental aux réalités du moment. La révision de la Constitution malienne alimente continuellement les débats et ne cesse de susciter diverses réactions des hommes politiques et intellectuels maliens.
L’opposition malienne qui est très attendue sur ce sujet ne semble pas aborder dans le même sens que le pouvoir actuel. Selon un député de l’opposition, élu à Diré, au micro de nos confrères de Studio Tamani, «cette révision intervient alors que le drapeau malien ne flotte toujours pas sur Kidal.» Aux dires d’Alkaïdy Touré, «dans tous les cas, la révision constitutionnelle s’impose, parce qu’il y a des insuffisances qu’il faut absolument corriger. Il y a des améliorations qu’il va falloir apporter. Donc, de ce point de vue, il n’y a pas de problèmes. Mais est-ce qu’encore on n’est pas en train de violer la Constitution ? Parce que celle-ci dit que quand le pays est divisé ou quand il est en guerre, il ne peut pas avoir de révision constitutionnelle. Vu l’état actuel de ce pays, il est divisé, tout le monde le sait».
D’autres leaders de l’opposition ont émis le vœu de voir le chef de l’Etat reconsidérer sa position vis-à-vis du processus de réforme constitutionnelle. Soucieux d’associer toutes les composantes de l’échiquier sociopolitique malien à son désir de modifier la constitution, le président Kéita a donc mis une commission en place. Le nouveau document qui sortira de cette révision «doit renforcer les libertés et répondre aux attentes des Maliens», explique le président de la Commission de révision. Selon Me Mamadou Ismaël Konaté alors Président du Comité d’Experts chargé de reflechir au question, les experts n’ont pas le droit de décevoir. La relecture de la Constitution doit prendre en compte l’Accord issu du processus d’Alger signé en mai et juin 2015. Selon Me Konaté, la Commission doit donc passer en revue les dispositions qui peuvent avoir un impact constitutionnel. L’objectif, selon lui, est de « faciliter la mise en œuvre de l’accord».
Une révision sans l’opposition ? Les partis politiques ont l’intention de boycotter le référendum constitutionnel qui aura lieu après la fin des travaux de la commission. De ce fait, on en déduit que le consensus tant recherché par le président malien autour de son projet ne sera pas effectif, ce qui ne devrait probablement pas l’empêcher de changer la constitution malienne. Faut-il s’attendre à une révision des textes sans l’accord des partis politiques maliens ? Une chose est sûre, chaque jour qui passe nous rapproche à petits pas de cette réforme. Tout porte donc à croire que le chef de l’Etat ne va pas y renoncer, comme le souhaite l’opposition. Cependant, jusqu’où ira-t-il pour instaurer la 4ème République au Mali ? La question reste posée.
Ce qu’il faut savoir !
Premièrement, la révision de la Constitution consiste à apporter une modification à une ou plusieurs dispositions (articles) de la Constitution en vigueur. Cela ne consiste pas en effet à changer de Constitution, mais plutôt à modifier la Constitution en supprimant des articles jugés conflictuels ou caducs. En deuxième lieu, le changement de la Constitution au sens de l’élaboration est le fait de remplacer une Constitution existante au truchement d’une nouvelle Constitution. Dans les Etats démocratiques ou existent une République, le changement de la Constitution consisterait à passer d’une République à une autre. Mais pour changer une Constitution (rigide) ou pour réviser des dispositions essentielles de la Constitution existante dans un Etat démocratique, il faut au préalable recourir à un référendum.
Selon le lexique des termes juridiques, le référendum est ‘‘le procédé de la démocratie semi-directe par lequel le peuple collabore à l’élaboration de la loi, qui ne devient parfaite qu’avec son consentement ’’.
Le référendum constituant est donc un vote auquel le peuple exerce son pouvoir en donnant son accord ou son désaccord à une loi qui lui est soumise. Ainsi, le Président de la République n’entend pas réviser un ou plusieurs articles de la Constitution de février 1992, mais il désire la changer complètement avec l’accord du peuple par la voix référendaire. A entendre le Président de la République, la nouvelle Constitution apportera des innovations qui vont tenir compte de l’esprit de l’accord issu du processus d’Alger. Mais l’organe appelé à rédiger la nouvelle Constitution devrait avoir une composition plurielle. Son élaboration doit rassembler toutes les couches de la société afin qu’elle reflète la volonté générale et ne soit contestée par personne.
Paul N’GUESSAN