Le Général El Hadj Gamou, chef du Gatia (Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés), est foncièrement attaché au Mali et à la République. Il a maintes fois prouvé qu’il est prêt à verser son sang et à aller au sacrifice suprême pour la patrie. Cet officier, sociable et ouvert, mais surtout très humble, a participé à toutes les opérations militaires au nord du Mali de 2006 à 2012, et, au-delà, en 2015, à des opérations spontanées de reconquête de villes illégalement occupées par des rebelles et djihadistes avec son mouvement armé.
De la même manière, en tant que natif bon teint de Kidal, il n’est pas prêt à céder un centimètre carré de la terre de ses ancêtres à des groupes d’individus qui ont pris le contrôle de cette ville. La preuve en a été administrée au peuple malien et à l’opinion en janvier dernier quand Gatia entra en toute tranquillité et sans la moindre opposition (de la part des combattants de la CMA) dans la capitale de l’Adrar des Iforas. Un vrai leader.
Lors de son dernier séjour à Bamako, au mois de février dernier, nous avions rencontré Gamou. L’officier, adulé et très apprécié par ses concitoyens, nous a fait des confidences. Croustillant !
Jeudi 18 février 2016, vers 8 heures du matin, notre téléphone sonne. Cet appel matinal qui nous a tirés du lit, venait du Général El Hadj Gamou. Entre l’officier et nous, c’est une relation ancienne qui a débuté au milieu de la décennie 2000, plus précisément en 2006, au moment où le nord du Mali était secoué par l’insurrection d’Ibrahim Ag Bahanga.
Depuis, nous avons gardé des contacts réguliers avec Gamou à Kidal, à Bamako et même quand il s’était replié au Niger à partir de mars 2012 à la tête de son contingent…, puis après.
Ce 18 février-là, il nous convia à un échange sur un certain nombre de sujets dont l’entrée du Gatia à Kidal, la situation d’ensemble dans cette localité, la position des Imghads et surtout sa situation à lui, Gamou. Des échanges très fructueux.
Au cours de cette partie, qui a duré deux heures d’horloge (9 heures-11 heures), le Général Gamou s’est longuement expliqué sur la situation qui prévaut aujourd’hui au nord du Mali. Il est même allé au-delà, en nous faisant des confidences, notamment sur ses rapports difficiles avec le président Ibrahim Boubacar Keïta. Morceaux choisis !
Le Mali : « C’est ma patrie »
Pour le Général Gamou, le Mali est et restera sa patrie. « J’ai tout donné à ce pays. Et je vais continuer à le faire. Mon engagement pour le Mali ne date pas d’aujourd’hui. Et pourtant, je n’en tire aucun profit personnel. Mais, je continuerai à me battre pour le pays. Personne ne peut mettre en doute ma loyauté et mon patriotisme », affirme-t-il.
Kidal : « On va mourir pour notre terre »
L’attachement de Gamou à Kidal ne fait l’objet d’aucun doute : « Tout ce que nous faisons pour Kidal, nous le faisons pour nous-mêmes. Kidal, c’est notre terre ! Nous y avons nos parents et nos enfants. Nous n’allons pas les abandonner… Lors de l’occupation, ma maison et les maisons d’autres responsables de la ville ont été confisquées et vendues par les occupants, mais cela ne nous a pas empêché de revenir…».
Gatia : « C’est la première force militaire… »
Le Général Gamou est fière de ses troupes. Et il le dit haut et fort : « Gatia est aujourd’hui la première force militaire sur le terrain au nord. C’est cette puissance qui nous a permis de conquérir Ménaka, Anéfis et d’autres localités du nord ».
Aussi, l’officier estime que l’entrée de son Groupe à Kidal s’explique par les rapports de force actuels sur le terrain.
Mais pour des raisons inavouables, les autorités maliennes ont toujours exigé le retrait du Gatia des villes qu’il conquiert à l’image de Ménaka, Anéfis et Kidal (cf. notre deuxième article).
ATT : « Il m’a toujours fait confiance… »
A en croire Gamou, il est aujourd’hui victime de ses rapports avec l’ancien président de la République, Amadou Toumani Touré, dont il était le chef d’Etat-major adjoint au moment du coup d’Etat, en mars 2012.
ATT avait, en effet, une confiance absolue en cet officier touareg qui a intégré l’armée malienne après la signature du pacte national en 1992.
«Je n’ai obtenu aucune faveur du président Touré. Mais, il m’a toujours fait confiance. Il m’a confié des missions et des postes de responsabilité que j’ai assumés en tant qu’officier de l’armée…», déclare El Hadj Gamou.
Et l’officier nous confie : « Lorsqu’en 2012, les contingents de soldats sont arrivés de Libye, ATT m’a demandé d’aller les rencontrer dans les montagnes. Avec d’autres responsables, on devait les raisonner pour qu’ils n’engagent aucune action de déstabilisation contre le Mali. A Kidal, j’ai rencontré Iyad Ag Ghaly. Je lui ai dit clairement que les Imghads ne mèneront aucun acte contre le Mali. Au contraire, nous allons faire en sorte de combattre tous ceux qui déclareront les hostilités. En réponse, Iyad m’a dit ceci « écoute, tu perds ton temps avec ces bambaras là (ndlr : entendez les Maliens). Ils (les bambaras là) sont comme des chameaux. Pour obtenir suffisamment de lait avec les chameaux, il faut pincer ses mamelles… ».
En clair pour obtenir quelque chose du pouvoir en place à Bamako, il faut toujours monter la pression…
IBK : « Il ne veut pas me voir »
Entre Gamou et le président Ibrahim Boubacar Keïta, les rapports ont toujours été distants, évoluant de la méfiance (de la part d’IBK) à la rupture (décrétée par Gamou), intervenue à partir du mois de février dernier. C’est en ce moment que l’officier (promu leader de la communauté Imghad et alliés) a décidé de rejoindre son fief situé à Tabankort, à une trentaine de kilomètres de Kidal.
Pourquoi la rupture entre Bamako et ce soldat, si fidèle à la République ? Il faut chercher la réponse du côté des autorités maliennes. Mais, Gamou estime que le président IBK a toujours refusé de le rencontrer. Il a aussi repoussé la communauté Imghad et ses alliés, depuis qu’il a accédé au pouvoir.
Au même moment, le chef de l’Etat déroule le tapis rouge pour les Ifoghas et les membres de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) qui ont les armes toujours braquées sur le Mali et les Maliens. Ce sont ces rebelles qui ont voix au chapitre et qui sont aux petits soins de Koulouba.
Question : Pourquoi IBK repousse-t-il Gamou au profit des rebelles de Kidal ? Comment le pouvoir peut-il se passer des services d’officiers compétents et aguerris au moment où le nord du pays est encore occupé ? IBK subit-il des pressions au sujet de Gamou ?
En attendant, le cas Gamou devient le principal sujet de causerie dans les salons et grins de Bamako. Les Maliens sont nombreux à garder leur confiance et leur estime en cet officier qui a participé à toutes les opérations militaires au nord de 2006 à 2012. Et sur les réseaux sociaux des témoignages de soutien et de gratitude ne cessent d’émaner à l’adresse du Général El Hadj Gamou. Tout un symbole !
CH Sylla