La situation sécuritaire se dégrade au Mali. Au nord comme au sud, des Maliens meurent comme des mouches. A Nampala, ce sont des terroristes qui ont défait l’armée dans son camp avec un bilan de 17 morts et une trentaine de blessés, le mardi 19 juillet.
Au moment où le peuple malien leur rendait hommage à Ségou, le jeudi 21 juillet, à travers des funérailles nationales, qui se sont déroulées en présence du chef de l’Etat, du Premier ministre et de plusieurs membres du gouvernement et autres personnalités importantes de la République, les armes crépitaient dans la région de Kidal.
Les frères ennemis s’entretuaient : les Ifoghas et les Imghads. Ils sont tous des Touaregs. Les premiers sont considérés comme des féodaux et les seconds des vassaux. Ces derniers comptent beaucoup de cadres et intellectuels dans la haute administration malienne, mais aussi des sous-officiers et officiers au sein de l’armée malienne. Ils sont également majoritaires dans la région de Kidal. Ils sont, il faut le dire, plus riches que les autres.
Avec le contexte démocratique, ils raflent de plus en plus les postes politiques, notamment les postes de maires et de députés. Ce qui a fini par provoquer une certaine jalousie dans les rangs des Ifoghas qui ont vu des privilèges d’hier leur échapper. C’est une des raisons fondamentales du déclenchement de la rébellion de 2012.
Une des conséquences demeure la création du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), dirigé par un jeune très engagé, Fadh Ag Mahmoud. La branche armée de ce mouvement est conduit par le Général Elhadh Gamou, bête noire des Ifoghas. La suite est connue de tous.
Avec l’Accord issu du processus d’Alger, les deux frères ennemis, parties prenantes de ce document, ont essayé de se parler, de s’entendre, de travailler ensemble et souvent même de se liguer contre l’Etat du Mali. C’était une union de façade à Anefif. Les arrangements communautaires à travers l’évocation à l’appartenance à la même histoire, à la même géographie, à la même culture, n’étaient que pour faire peur à Bamako. En réalité, les deux communautés ne peuvent pas s’entendre aujourd’hui, en tout cas, à travers la génération actuelle. Il y a assez d’histoires entre les différents leaders des deux communautés, des vengeances, des comptes à solder, des dettes de sang à payer et que sais-je encore.
Le même Accord de paix et de réconciliation prévoit des autorités intérimaires qui devront être gérées à la fois par la CMA (dirigé par les Ifoghas), la Plateforme dont l’aile militaire est incarnée par les Imghads à travers Elhad Gamou et l’Etat du Mali.
Comment mettre en place des autorités intérimaires dans un contexte tendu, où ceux qui devraient y coexister se regardent en chiens de faïence ?
Les Ifoghas et les Imghads ne s’aiment pas au plus profond d’eux-mêmes parce que les féodaux (les premiers) voient de très haut les seconds, ne les considèrent pas et pensent qu’ils sont moins que rien. C’est bien cette attitude haineuse que Gamou et ses parents n’acceptent pas et entendent défendre leur communauté jusqu’au bout. Ils sont des hommes libres à tout point de vue et n’admettent pas que les Imghads soient exclus de quoi que ce soit.
A Kidal, par exemple, il y a une commission de distribution des céréales, composée exclusivement des Ifoghas, lesquels partagent les dons en faveur des membres de leur communauté, en ignorant les autres. Il existe beaucoup de cas similaires qui frustrent les Imghads. Ceux-ci ont tout fait pour gérer la situation à l’amiable. En vain. L’Accord d’Anefif et celui plus récent de Niamey n’ont servi à rien.
Comme si cela ne suffisait pas, les Ifoghas ouvrent le feu sur des Imghads en provenance de Tinzawatten pour Kidal, les empêchant ainsi de rentrer chez eux. La réplique s’est fait vite sentir. Les communiqués de deux parties fusent de partout pour accuser l’autre d’avoir ouvert le feu. Le bilan est inconnu même si sur les réseaux sociaux certains s’amusent à donner des chiffres fantaisistes. Ce qui est sûr, ce qu’il y a eu des dégâts, des pertes en vies humaines et des blessés. En tout cas, c’est le Mali qui perd car ce sont ses enfants qui s’entretuent. A suivre.
Chahana Takiou