À la lumière des dernières évolutions à Kidal et qui ont fait des dizaines de morts et de blessés, il y a lieu de croire que la ‘’gestion de Kidal’’ qui est brandie urbi et orbi comme le casus belli, s’entend en réalité non pas comme gestion administrative ; mais plutôt comme gestion commune du trafic lucratif de la drogue.
La semaine dernière, Kidal était en proie à de violents combats entre la Coordination des mouvements armés (CMA) et le GATIA qui y a effectué son entrée, le 2 février 2016. Cela, manifestement contre l’avis du chef du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad, Alghabass Ag INTALLA, qui a vite prétexté son suréquipement pour exiger son retrait. Puis, retournement de situation. Dans un communiqué daté du 6 février 2016, on pouvait lire : ‘’après de longs débats riches en sagesse et en objectivité, les deux parties sont convenues de ce qui suit : conformément aux dispositions déjà arrêtées, des éléments de la Plateforme intégreront les commissions chargées de la gestion de la ville de Kidal ; (…). la Plateforme allégera son dispositif militaire présent à Kidal ; partout où les deux parties sont conjointement présentes, elles travailleront collégialement pour renforcer davantage le processus de paix enclenché depuis la rencontre historique d’Anefis (…).’’
Des convoitises aiguës
Si cet accord contre nature a été unanimement salué, c’était sans compter sur les vieux démons qui ne faisaient que somnoler. D’ailleurs, tous les observateurs avisés ont toujours soutenu que ces deux mouvements armés, qui ont des visées identiques, pardon les mêmes convoitises sur la drogue, principale rente des deux côtés, ne pourraient jamais faire longtemps bon ménage. Ainsi, l’accord signé ce 6 février, n’était qu’un artifice, parce que ce qui devait arriver arriva. La médiation nigérienne n’y pouvait rien. Quand les intérêts stratégiques sont en jeu, il faut beaucoup plus que conter fleurette.
Le mystère caché (si c’est vraiment un mystère lorsqu’on sait qu’il faut une économie de guerre et que dans le cas du Nord, elle ne peut être fondée que sur le trafic de drogue) a éclaté au grand jour la semaine dernière. Officiellement, le casus belli était le non-respect par la CMA de ses engagements en ce qui est de l’intégration de la Plateforme dans la gestion de la ville et la violation par cette dernière des dispositions sécuritaires’’.
Officieusement, des sources bien informées soutiennent, sans coup férir, que cette version n’est qu’un pur dilatoire, un écran de fumée. Pour elles, en effet, ce qui a mis le feu aux poudres, c’est un convoi de drogue. Des éléments de la CMA, affirment-elles, ont frauduleusement subtilisé une partie de la cargaison appartenant à AQMI pour les besoins de leur mouvement. Les services de renseignement du GATIA, très alertes, ont eu vent de cette opération qui devait rapporter gros à la CMA, nous fait-on savoir.
Le voleur volé
Désormais informé, le GATIA a paré au plus pressé en allant intercepter la ‘’marchandise’’ qui devait revenir à la CMA. Comme pour narguer cette dernière, précise-t-on, le commando de récupération de la cargaison volée à AQMI, est entré à Kidal en passant par un check-point tenu par la CMA. L’on comprend dès lors que la violence de l’action de la CMA est un mélange de sentiment de vengeance et surtout de reprise d’un bien. Voilà pourquoi les combats étaient si âpres. D’autant plus que le GATIA, sous aucun prétexte, n’entendait se priver d’un trésor de guerre aussi important.
En ce qui est du bilan rendu public, sont formelles nos sources, il ne peut relever que de la seule propagande militaire. En effet, selon certains médias pro-MALA, il y a eu 20 morts au cours des combats. Curieusement, ils s’abstiennent de préciser de quel camp sont ces morts. Ces mêmes médias ayant rapporté les propos d’un responsable de la CMA selon lesquels le GATIA a été chassé de la ville, la logique voudrait que les pertes soient de son côté. C’est cela la manipulation au bénéfice d’une partie en conflit, en l’occurrence la CMA, dont est membre le MNLA.
En réalité, apprend-on, il y a eu au moins 70 morts, côté CMA. Les enterrements se poursuivaient encore jusqu’à avant-hier samedi, nous rapporte-t-on.
La tare congénitale
À l’analyse, le départ du GATIA de Kidal n’est que le fait de la MINUSMA qui, face aux pertes que subissaient ses alliés, s’est vue dans l’obligation de ‘’s’interposer’’. En fait d’interposition, il s’agissait de faire sortir le GATIA de Kidal. Une partialité qui est comme une tare congénitale qui n’est pas nouvelle chez elle.
Pour rappel, après la débâcle de la CMA à Tabankort, la MINUSMA a signé incognito un accord pour l’établissement d’une zone temporaire de sécurité, à Kidal, le 24 janvier 2015. Les signataires étaient Mohamed Ag Najim, pour la CMA et le Général Christian Thibault, chef d’état-major de la MINUSMA. Cet accord visait l’établissement d’une Zone temporaire de sécurité située sur l’axe Anéfis-Almoustarat de 10 km de chaque côté de l’axe.
Après Tabankort, la très partiale MINUSMA s’est manifestée à Ménaka quand les éléments de la CMA ont été délogés après des actes de provocation et l’échec de toutes leurs tentatives de reprise, par la force, de la ville. Un Accord fictif a été sorti d’un chapeau par la Mission onusienne pour intimer à la Plateforme de vider le plancher. Ce que cette dernière a accepté finalement pour permettre la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger par les défaits de Ménaka.
Anéfis où la CMA a également été délogée n’a pas dérogé à la règle de la MINUSMA. Elle annonçait dans un communiqué, en date du 17 août 2015, les mesures suivantes : ‘’une zone de sécurité de 20 km autour de la ville de Kidal entrera en vigueur à partir de demain mardi 18 août à 8 h, et le restera jusqu’à nouvel ordre. (…) En cas de violation de cette zone de sécurité par des éléments de la Plateforme, ou affiliés à la Plateforme, la MINUSMA agira en conséquence conformément à son mandat’’.
Après avoir bataillé comme un beau diable, proféré des menaces à peine voilées à l’endroit de la Plateforme, la Mission onusienne obtient le départ de la Plateforme et la réoccupation de Anéfis par la CMA, suscitant, une nouvelle fois des préoccupations chez les autorités nationales qui les exprimaient dans un communiqué en date du 19 septembre 2015 : ‘’Le Gouvernement de la République du Mali a appris avec une vive préoccupation que des éléments armés de la CMA ont occupé le 18 septembre 2015 Anéfis après le départ de la Plateforme de cette localité’’.
Il n’est donc pas étonnant que la MINUSMA fasse partir le GATIA de Kidal face aux pertes colossales que subissait la CMA. Se serait-elle empressée de faire de même si c’était le GATIA qui était mis en déroute ? That is the question.
Par Bertin DAKOUO