Avec plus d’une vingtaine de soldats tombés dans des conditions discutables, les hautes autorités continuent de faire la fine bouche face à la question aussi cruciale de dévouement des soldats au front. Une attitude qui conforte pour le moins la propension à tenir l’autorité politique pour seul responsable des errements militaires.
La nouvelle est tombée comme un couperet sur la tête des Maliens, qui commençaient à peine à fantasmer sur la performance d’une armée qu’ils croyaient assez bien reconstruite pour laver l’honneur d’un peuple décontenancée par une longue série de revers militaires. Mardi dernier, en effet, la deuxième forteresse du théâtre des opérations de reconquête et de sécurisation du nord est tombée d’une façon très peu glorieuse avec une vingtaine de morts environ puis des dizaines de blessés parmi nos soldats surpris tôt le matin par l’assaut. En plus des énormes pertes d’éléments, l’épisode de Nampala s’est également soldé par une importante quantité de matériels détruite ou emportée par les assaillants qui consolident ainsi leur redoutable arsenal dans la zone.
La fragilisation d’une position aussi stratégique ne pouvait laisser indifférentes les hautes autorités maliennes, qui ont aussitôt convoqué un conseil de défense restreint, en prélude au conseil des ministres assorti de décisions en rapport avec l’épisode dramatique. Institution de l’état d’urgence, deuil national et hommage national en mémoire des nombreux soldats fauchés. Telles sont en substance les mesures prises par l’autorité politique sous la houlette du premier responsable de la nation par ailleurs très affecté par le drame.
Lesdites mesures répondent-elles d’une juste perception de la situation ? C’est selon. Pour l’état d’urgence, par exemple, à moins de le justifier par la crainte de ramifications des assaillants de Nampala dans les nos grandes agglomérations, son inutilité n’est pas à démontrer dès lors que la mesure est plus effective en milieux sédentaires que dans le théâtre des opérations. En atteste à tout le moins la recrudescence de la violence à Kidal au même moment où l’état d’urgence se décrétait sur toute l’étendue du territoire.
Un deuil national après tant de pertes infligées en une attaque ne peut paraître que logique au regard de la profondeur du désarroi collectif provoqué par l’épisode. Il n’en est pas de même pour ce qui est de l’hommage national rendu à 17 des soldats fauchés et dans le cadre duquel le ban et l’arrière-ban ont été mobilisés vers la ville de Ségou aux côtés du chef de l’Etat, du chef du gouvernement et de nombreux autres officiels nationaux et internationaux.
C’est en présence de tout ce beau monde que le chef suprême des Armées a hissé la dépouille de nos soldats au rang du mérite national, tandis que tous les observateurs avertis n’avaient pas encore fini de s’interroger sur les conditions dans lesquelles les victimes ont trouvé la mort, de s’étonner de la facilité avec laquelle une forteresse réputée si solide est tombée aux mains d’une poignée d’assaillants sans coup férir. De même pourraient-ils s’interroger sur les motivations d’une mise en exergue de leurs mérites discutables là où devait se poser plutôt la question des responsabilités du revers subi par les troupes à Nampala.
En choisissant pour sa part d’éluder cette question cruciale et de l’occulter au détour d’un hommage de façade, le chef suprême des armées n’en est pas moins trahi par un regard courroucé et très affecté par la grosse déception qu’il ressent de la série de revers d’une armée à laquelle il pense avoir tout donné. Le chagrin d’IBK a été en outre trahi par ses propos hors de saisons tant ils contrastent avec la tonalité d’une cérémonie censée consacrer la gloire de vaillants combattants. Il s’agit de ses allusions aux humiliations subies à Gao, à Konna entre autres. Seulement voilà : aborder par la fine bouche une question aussi sérieuse revient aussi à admettre la responsabilité exclusive de l’autorité dans chaque dérive militaire.
La Rédaction