Filbert Dakouo est le responsable du Service local de l’Assainissement et du Contrôle des Pollutions et des Nuisances du cercle de Koro. Dans ce cercle où tout manque presque, l’assainissement aussi est un problème majeur qui nécessite beaucoup d’efforts. En effet, dans la ville de Koro, il y manque presque toutes les infrastructures pour garantir l’assainissement. Dans les villages des différentes communes, les pratiques d’hygiènes n’existaient pas jusqu’à l’avènement du programme Assainissement total, piloté par la communauté (ATPC), qui couvre de nos jours, 91 villages du cercle. C’est compte tenu de tout cela que nous vous proposons les explications de celui qui est considéré comme l’homme à tout faire dans le domaine de l’assainissement à Koro.
Le Canard de la Venise : Quelles sont les prérogatives de la SACPN dans le cadre de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances à Koro ?
Filbert Dakouo : Notre mission est de veiller à la mise en œuvre de la politique nationale de l’assainissement (PNA). A ce titre, nos missions sont claires : orienter et apporter des appui-conseils aux collectivités et aux partenaires intervenant dans le sous-secteur.
A voir la situation d’insalubrité de la ville de Koro, il nous est impossible d’imaginer qu’il y existe un service chargé d’assainissement. Comment opérez-vous dans la ville de Koro ?
La ville de Koro, en tant que chef-lieu de commune et de cercle est sous-équipée : pas de dépôt de transit répondant aux normes, pas de décharge, pas de réseau d’évacuation des eaux pluviales, un seul GIE avec des ressources très limitées. A mon arrivée, j’ai commencé par prendre contact avec les responsables des quartiers et des associations en vue de la mise en place de comités d’assainissement dans chaque quartier. Malheureusement, ces comités n’ont pas été formés, faute de moyens. Ensuite je me suis approché à des radios communautaires afin d’y diffuser des messages de sensibilisation sur l’assainissement, les pollutions et les nuisances. Parallèlement à ces messages de sensibilisation radio, je sillonnais les rues pour des missions de contrôle des facteurs de pollutions et de nuisances et j’en profitais pour sensibiliser les éventuels pollueurs et leur demander de réparer les dommages causés au cadre de vie. Après ces actions de sensibilisation, j’ai commencé l’application de la loi n° 01 – 020, notamment le principe du pollueur-payeur. Toutes ces actions sont comme de la sueur sous la pluie, surtout que je suis très limité en ressources humaines et que les populations ne me facilitent pas très souvent la tâche. L’assainissement étant une compétence transférée aux collectivités, les responsabilités par rapport à l’insalubrité de Koro sont partagées entre les populations, les GIE, la mairie et l’Etat (voir article 15 de la constitution).
Quel est l’apport de la Direction régionale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances de Mopti (DRACPN) dans la mise en œuvre et l’exécution de vos plans d’action ?
N’étant pas un service de répression, le service ne dispose pas de ressources propres pour l’exécution des tâches, il fonctionne en grande partie grâce à l’appui des ONG partenaires. Le niveau régional oriente les actions du service local et fournit parfois des appuis-conseils à travers les missions de supervision et de formation.
Une de vos activités phare, l’ATPC, se déroule actuellement dans toutes les communes du cercle de Koro. Dites-nous son importance dans le changement de comportement des populations villageoises.
A ce jour, cette approche communautaire couvre les seize communes. L’idée est venue suite à un certain nombre de constats dont les maladies oro-fécales et la persistance de la pauvreté dans le milieu rural. La particularité de cette approche est qu’elle permet une auto-analyse des pratiques communautaires, de faire le lien entre les pratiques et les maladies les plus courantes, de susciter le dégout et la honte, point de départ pour des engagements collectifs à adopter des pratiques plus hygiéniques. Cette activité est aussi importante parce qu’elle permet de promouvoir et d’assoir certaines pratiques essentielles au niveau des ménages telles que l’utilisation de latrines hygiéniques, le lavage des mains au savon/cendre, l’organisation de journées de salubrité, le parcage des animaux, etc.
N’est-il pas possible de toucher les chefs-lieux de commune ?
Il est bien possible de déclencher les chefs-lieux de communes, si ces gros villages répondent aux autres critères de sélection en ATPC, et dans ce cas ces gros villages pourront être répartis en petites communautés ATPC afin de faciliter le suivi des activités.
Quel est votre plan personnel pour assainir totalement la ville de Koro ?
Mon plan repose en grande partie sur la population, notamment les chefs de concessions, les GIE, la mairie. Sans eux, le service de l’assainissement ne peut rien faire. Si chaque acteur s’engage, l’application des textes viendra parfaire le reste.
Quel appel avez-vous à l’adresse de la population ?
Que chacun comprenne qu’à chaque fois qu’on salit, on court le risque d’ingérer ces mêmes saletés par l’intermédiaire des poussières, des eaux, des mouches, des volailles, des aliments, …
Par contre, quand on fait l’assainissement, on contribue à réduire les mouches, les moustiques, les mauvaises odeurs, à l’hygiène des aliments, à l’hygiène corporelle et vestimentaire, …
Donc, je leur demande de m’aider à assainir la ville, il y va de l’intérêt de tous.
Entretien réalisé par Alfousseini Togo et Kouréichi Poudiougo