L’association des importateurs des produits agro-alimentaire au Mali ‘’AIPAAM’’ s’est donnée en spectacle le samedi dernier à la faveur d’une conférence de presse qu’elle a animée dans la salle de conférence de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali. Le secrétaire général, Broulaye Ballo, et sa vice – présidente, Lah Kadidiatou Lah, ont saisi l’occasion pour tenter de jeter du discrédit sans succès sur la Direction générale des douanes du Mali et le ministre du Commerce Abdel Karim Konaté dit Empé, les accusant de vouloir leur imposer la pomme de terre produite par GDCM au détriment de celles produites à l’étranger.
«… En aucun cas nous ne pouvons chercher à nuire à nos parents que nous aidons financièrement dans leurs activités agricoles… », a déclaré le secrétaire général de l’Association des importateurs des produits agroalimentaires, Broulaye Ballo. Que c’est pitoyable d’entendre une telle offense de la part de quelqu’un qui prétend être fils de paysan. Au fait, il ne s’agit point ici de donner de l’aumône aux producteurs de pomme de terre de Sikasso, de Kati ou de la zone Office du Niger. Mais de valoriser leur labeur. Pour cela, il n’y a pas mille manières d’aider un producteur qu’acheter et vendre son produit. Comme on le dit au lieu de donner du poisson à quelqu’un apprend lui à pêcher. C’est mieux que de lui donner l’aumône tous les matins. Le grand chômage dans notre Mali de liberté d’entreprise s’explique pour beaucoup par la perversion de notre économie. Elle est totalement extravertie à cause de la cupidité d’une minorité d’importateurs, qu’on appelle en sociologie économie des bourgeois comprador. Dans le secteur de la pomme de terre, ils ne sont que 24 importateurs enregistrés au registre du commerce. En tout cas ceux sont 24 qui sont connus de la Direction nationale du commerce et de la concurrence (DNCC) pour y avoir levé des Intentions d’importation. C’est cette poignée d’individus qui veulent mettre à terre la filière pomme de terre au Mali. Car, en exigeant du gouvernement d’exonérer de la pomme de terre à l’importation, Broulaye Ballo, Lah Kadia Lah et les 22 autres importateurs poussent à la ruine les producteurs de Sikasso, Kati et la zone Office du Niger. Broulaye Ballo et ses collègues savent bien qu’avec leurs moyens rudimentaires de production ceux-ci ne pourront jamais tenir la concurrence aux producteurs européens et marocains. Donc, à la consommation la pomme de terre produite au Mali ne pourra jamais se vendre au même prix que la pomme de terre importée. En dépit de tous les efforts que l’Etat du Mali fait pour promouvoir cette filière. Tout le monde sait qu’entre la daba, l’arrosoir et le tracteur, le jet d’eau comme moyen d’arrosage, il n’y a pas match.
Pomme de terre, un produit communautaire protégé
Sinon présentement l’Institut polytechnique rurale de Katibougou (IPR-IFRA) sur financement des partenaires techniques et financiers est en train de développer un programme de recherche sur une variété de pomme de terre adaptée à notre environnement, qui est lui même entrainé par un mouvement écologique en mutation (changement climatique). Toujours pour soutenir la filière, dans le cadre de l’initiative riz, le gouvernement a adopté de nouvelle mesure fiscale sur l’importation de la semence de pomme de terre, qui est désormais taxée à 5% par la douane. Notons qu’en attendant la vulgarisation de la semence locale par l’IPR-IFRA, le Mali importe sa semence essentiellement de la France. Toujours dans le cadre du soutien à cette filière, le gouvernement a encouragé la mise en place d’une interprofession de la filière pomme de terre, dont le siège est à Sikasso, où il a été aménagé une plateforme de conditionnement de cette denrée. C’est un Centre de conditionnement ultra moderne installé à Wayèrèma derrière l’Institution de formation des maîtres pour ceux qui connaissent Sikasso.
Le Centre comporte plusieurs compartiments. Il comprend une unité de traitement de la pomme de terre. Ici, le travail consiste à trier le produit, qui est acheminée vers l’unité d’emballage et de labellisation. Il y a aussi une unité de conservation. Car selon les animateurs du centre, à la récolte, la pomme de terre comme tous les autres produits agricoles, se vend moins chère. C’est pour cela, que certains producteurs préfèrent conserver leur produit en attendant des jours meilleurs. Le Centre dispose également d’une unité de conditionnement et de vente de semence aux producteurs. La réalisation de cette plateforme ultra moderne a coûté au gouvernement du Mali, environ 2 milliards de Fcfa sur le cofinancement gouvernement du Mali et la Banque Mondiale, à travers le Programme de compétitivité et de développement agricole (PCDA). La plateforme a été inaugurée par Moussa Mara, alors Premier ministre, lors de sa tournée dans la 3ème région en 2014.
Comment un Etat responsable peut mettre toutes ces initiatives en branle pour soutenir une filière et la laisser au merci d’une poignée d’individus, furent-ils importateurs ?
Tout comme l’orange de Wassoulou, qui est devenue une légende pour le commun des consommateurs maliens, Broulaye Ballo, Lah Kadia Lah et les 22 autres importateurs de la pomme de terre veulent sacrifier la filière pomme de terre sur l’autel de leur intérêt individuel et égoïste. En 2014, ils ont importé d’Europe et du Maroc 3 631 155 226 Fcfa de pomme de terre, selon le service informatique de la DNCC.
Mais, dans la démarche des 24 importateurs, il y a un paradoxe. En effet, il est connu de tout le monde que la pomme de terre cette année que le prix à la consommation de la pomme de terre a connu un pic jamais égalé au Mali : 600 à 700 Fcfa le kilogramme selon son marché d’approvisionnement. Cependant, en dépit de sa cherté, la pomme de terre se vend bien comme du petit pain. Une enquête que nous avons mené dans certains quartiers l’atteste fortement (cf l’annexe). Le hic qui fait tilt ici, c’est que nonobstant le coup élevé du kilogramme de pomme de terre, jamais un seul consommateur n’a levé le petit doigt pour dénoncer cette situation encore moins demandé une exonération de la pomme de terre à l’importation. Et pourtant, il existe plusieurs associations de consommateurs au Mali ? Mais, en lieu et place des consommateurs, ce sont les commerçants qui se lèvent pour demander l’exonération. N’est – ce qu’il y a des non dits dans cette affaire ?
Des commerçants dans le rôle des associations de consommateurs
Bien entendu, qu’il y a des choses cachées du public que Broulaye Ballo, Lah Kadia Lah et leurs collègues importateurs veulent dissimuler, voir noyer dans la masse d’informations contradictoires qu’ils auraient contribué à distiller par voix de presse un moment. Mais, grande fut leur étonnement de constater, qu’en dépit de la hausse du prix à la consommation, qu’il n’y ait aucune réaction des consommateurs. Parce qu’il y aurait une augmentation un peu exagéré selon les techniciens des Douanes maliennes (cf la note d’information élaborée à cet effet, pour la compréhension de la hiérarchie). Il ressort de cette note qu’en dépit de l’augmentation de la valeur en douane, qui passe de 60 à 200 Fcfa/kilo, la pomme de terre importée ou locale peut se vendre en dessous du prix pratiqué actuellement. Mais, dans le but de pousser les consommateurs à la révolte, ils ont décidé de vendre plus cher le produit à la consommation. Ce qui est d’abord contraire à la réglementation commerciale. La loi interdit aux acteurs d’une même filière de se concerter pour fixer le prix. Mais, selon nos sources, ils se seraient concertés dans le dos de la DNCC pour fixer le prix. Mais, qu’à cela ne tienne, leur jeu n’a produit aucun effet. Ce qui est humiliant pour eux. C’est pourquoi, ils ont décidé de jouer leur va-tout en menaçant les autorités de marcher sur Koulouba, s’ils n’ont pas satisfaction de leur demande d’exonération. Cette décision relève du seul pouvoir discrétionnaire des Autorités. Mais, le gouvernement aussi ne doit pas se laisser intimider par une poignée d’individus, qui n’a aucune emprise sur l’opinion publique. La preuve depuis bien avant le mois de carême, la pomme de terre se vend plus cher. Mais ce son prix n’a jamais pu émouvoir le consommateur. Après tout la pomme de terre est un produit même à 200 Fcfa le kilo à la consommation, elle n’est mangée que par une minorité de la population. Au fait la pomme de terre est un produit de luxe pour beaucoup de Maliens.
Quel est donc le problème ? Voir la réponse dans notre article, intitulé « Importation de la pomme de terre au Mali : La fausse guerre de Kadidia Lah et ses camarades à la Douane malienne », que nous rediffusions avec quelque retouches, de même que la note d’information de la Direction générale des douanes, dont nous tenons copie.
Mais avant analysons la déclaration liminaire de Broulaye Ballo et ses collègues. Il ressort de cette note qu’entre 1997 et 2006 avec 15 tonnes ou 20 tonnes la valeur était estimé à 20f/kg soit un droit de douane de 200 000 FCFA, ensuite 30f/kg soit un droit de 300 000f avec 40 tonnes. De 2006 à 2012 toujours avec la pression fiscale de 44, 88% la valeur était de 80f/kg le droit s’élevait à 1 062 720 Fcfa avec 30tonnes et 2 125 440 fcfa pour 60 tonnes. De 2013 à 2014, la même valeur est passée à 130f/kg avec un droit de douane s’élevant à 2 417 220 Fcfa pour 30tonnes et 4 834 440 fcfa pour 60 tonnes. A l’analyse de cette information, deux faits retiennent notre attention : le premier est l’augmentation constante du droit de douane, cela en fonction des intérêts de l’Etat à un temps T. Qui est passé de 20 à 130 Fcfa/kilo. Le deuxième fait est le corpus de texte qui servait de support juridique aux procédures de dédouanement. Selon la Direction générale des douanes (DGD) et confirmée par la DNCC, c’est le Tarif extérieur commun (TEC) de l’UEMOA qui était appliqué en ce moment. A l’instar de tous les pays membres de la CEDEAO, c’est le TEC CEDEAO qui est actuellement pratiqué par la Douane malienne dans toute sa rigueur. C’est pour cette raison qu’à la date d’aujourd’hui la même valeur en douane a été portée à 200 f/kg, soit 3 723 800 Fcfa pour les camions de 30 tonnes et 7 447 600f pour les 60 tonnes. La pression fiscale de la CEDEAO est de 61,98% de la valeur de la marchandise à l’achat dans le pays de production. Mais, le hic est que nos importateurs tentent de dissimuler le prix à l’achat en oubliant que l’Etat a tous les moyens de savoir quand il le désir.
En parlant des frais de port et de transport et les sacs abîmés du fait des conditions de voyage, ceux qui font partie des aléas des affaires, qui s’appellent les risques du métier. Donc cela va de soi. Il n’y a pas de raison à les évoquer ici. Broulaye Ballo d’ajouter qu’en comparaison avec d’autres pays de la CEDEAO, le tarif de dédouanement n’atteignent pas ces montants. Pour cela, il prend l’exemple sur la Côte d’ivoire, où la valeur en douane est de 100 f/KG soit 67 500 fcfa de droit pour les camions de 30 tonnes avec les mêmes produits du Maroc sans l’application des textes de la CEDEAO. Le Niger est à 66 f/kg par valeur soit 780 000 fcfa de droit de 30 tonnes, le Sénégal est à 76 f/ kg soit 680 000 fcfa de droit pour un TEC sans l’application et le Burkina Faso à 40 fcfa de valeur soit 620 000 fcfa de droit sans l’application du TEC. « Au moment où nous payons 7 447 600 fcfa pour un camion de 60 tonnes d’autres pays sont à 1750000f » a indiqué Broulaye Ballo. Mais, ce qu’il n’a pas dit c’est la réexportation dont certains importateurs de pomme de terre se sont rendus coupables. Au fait, la plus part d’entre eux réexporte la pomme de terre importé du Maroc ou d’Europe vers ces pays cités dessus en le faisant passé pour l’excédent de la production malienne. Puis que dans l’espace CEDEAO, le Mali est connu comme un pays de production de pomme de terre à ce titre, la pomme de terre en provenance du Mali ne paie pas de droit de douane au nom du principe de la libre circulation des personnes et des biens. En jouant sur ce registre, Kadia Lah et ses collègues se font beaucoup d’argents sur le dos des contribuables de la Communauté. C’est tous ces manèges qui ont été éventrés par les Douanes maliennes de sorte que leur marge bénéficiaire s’est littéralement fondue comme de la crème au soleil. D’où la grande colère. De la même manière que Kadia Lah a été bloquée dans son entreprise de fraude d’autres fraudeurs aussi ont été démasqués dans d’autres secteurs par les gabelous qui ont décidé de changer de fusil d’épaule dans leur grande majorité dans le but de corriger l’image des douanes du Mali et du douanier, qui se rhumait par le passé avec toutes sortes de sales étiquettes : voleur et magouilleur, pour ne citer que ces deux là.
Aoua Traoré