Cousin, tu es pédant. Mais le pédantisme cache quelque chose… Tiens, mon dico me dit que le pédantisme est une attitude relationnelle caractérisée par une tendance à un élitisme volontiers mondain et orgueilleux, et à l’étalage d’une érudition académique (vraie ou supposée), reflétée par des «travers physiques et langagiers» dont une «immuabilité dans la prestance».
Bon, mon propos est ailleurs. Je n’aime guère profiter des circonstances malheureuses pour te faire comprendre un certain nombre de choses. Mais tu ne m’en laisses pas le choix. Lors de l’hommage que tu as rendu aux soldats tués à Nampala, tu as utilisé cette phrase : «Nous avons besoin de solidarité vraie, et non de solidarité mégotée». La métaphore, elle a un sens. Je n’ose dire que tu as mésusé ce vocable, mais tu le sais, «mégoter» peut signifier : vouloir économiser mesquinement, entre autres.
Alors, la fraternité ne me dépouille pas du devoir de te dire la vérité. Cousin, tu m’en boucherais un coin, si tu pensais réellement que «tes amis» étaient incapables de mégoter leur solidarité. Mais, c’est ignorer la géostratégie ! Autrement dit, la stratégie au niveau mondial, ou l’étude de la fabrication des espaces par la guerre, pour ne pas entrer dans les définitions savantes.
Confidence, cousin, un grand-frère m’a conseillé de toujours commencer par la fin. Cela suppose le sens de l’anticipation. Cousin, tu ne peux pas me dire, toi qui es amoureux de la France, que tu ignores que «les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts» dixit De Gaulle. C’est peut-être une vision du monde pathologique, comme l’a démontré dans son essai un chercheur. Mais, c’est comme ça !
Je le signe : tu es mon frère. Pour cette raison : dans notre pays, les demi-frères sont appelés des frères, les cousines des sœurs, et même au-delà de la consanguinité et du cousinage à plaisanterie, on s’appelle frère ou sœur. Mais, rassure-toi, je dois plus à la vérité qu’à notre fraternité. Euh, cousin, si tu ne te réveilles pas, tu vas nous tuer ‘dèh’ !
Issiaka SISSOKO