Le CEN-SNESUP salue le départ de Me Mountaga Tall de l’Enseignement supérieur (mais, sans saluer l’arrivée de son successeur, Pr. Assétou Founé Samaké Migan). Il salue également la nomination du nouveau Directeur général à l’IUG, Badra Macalou, qu’il invite indirectement à changer d’équipe pour une meilleure collaboration et pour plus efficacité. Il remet sur la table du Premier ministre la demande de démission du Recteur Samba Diallo, « la cause réelle de cette crise persistante» et «insiste sur l’application intégrale du Protocole d’accord du 13 mai 2016 entre le SNESUP et le Gouvernement, pour un climat social apaisé à l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique».
Depuis la signature de l’accord entre le SNESUP et le Rectorat, les cours ont repris de manière effective à l’I.U.G, aussi bien pour les cours du jour que pour ceux du soir. Pour autant, la confiance n’est pas totalement revenue, du moins du côté des enseignants. En effet, ces derniers ne comprennent pas que, malgré la signature d’un accord, ils ne percevront pas leurs salaires du mois de juillet. L’explication donnée est que l’accord est intervenu quand le délai de traitement des salaires était dépassé au B.C.S (Bureau central des soldes). Cette explication ne semble pas convaincre grand nombre, d’autant plus que l’accord a été signé le 28 juin, donc assez tôt pour que les salaires de juillet ne soient pas en péril. Certains y voient donc une énième tentative du Recteur Samba Diallo de leur nuire. C’est lui, en effet, qui, sans passer par la Fonction publique, avait pris la responsabilité de suspendre les salaires. Cela fait donc trois mois que les enseignants de l’I.U.G sont sans salaires. Le mécontentement est palpable, mais nombreux sont ceux qui préfèrent prendre leur mal en patience. Contrairement à quelques radicaux qui estiment qu’il faut à nouveau arrêter les cours, d’autant plus qu’en plus du non-paiement des soldes, les arriérés aussi n’ont pas été payés. «Le gouvernement, quand il le veut, peut débloquer toutes les situations. 400 millions de FCFA ont été offerts gracieusement à la CMA et à la Plateforme, sans aucune prévision budgétaire. Des bandits armés sont entretenus aux frais du contribuable. Mais, quand il s’agit des enseignants, on invoque un simple principe de délai de paiement. C’est révoltant», s’indigne un enseignant.
Les enseignements d’une crise
Quelques enseignements peuvent être tirés de la grève de l’I.U.G qui a duré quelque quatre mois. Le premier enseignement est qu’un seul individu, pourvu qu’il soit couvert en haut lieu, peut impunément remettre en cause l’avenir de milliers d’étudiants. C’est le cas du Pr. Samba Diallo, Recteur de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako (USSGB). Lui seul a bloqué toute possibilité de parvenir à un accord, jusqu’à l’ultimatum lancé par le Comité exécutif national du SNESUP qui généralisait la grève à l’ensemble du pays et exigeait sa révocation, ainsi que celle du ministre de tutelle d’alors, Me Mountaga Tall. Il y a eu d’abord 48 heures de grève, puis 72 heures, sans que Samba Diallo daigne lever le petit doigt. Et lorsque la grève illimitée a été décrétée, il a fallu attendre près de deux mois avant que le Recteur n’entame les pourparlers. Il a ensuite rejeté les propositions faites par la Fonction publique et le CEN-SNESUP. Ce sont pourtant les mêmes propositions qui ont été finalement adoptées. En somme quatre mois perdus pour rien.
Me Kassoum Tapo cité
La question que l’on peut se poser est celle-ci : Qu’est-ce qui permet à Samba Diallo de tenir tête à tout le monde ? La réponse est très simple : ‘’il prend ses instructions à Koulouba’’, comme il aimait à le dire à tout bout de champ. C’est ainsi qu’il n’avait aucun égard pour son ministre, Me Mountaga Tall, qui aurait même cherché à le relever, mais en vain. Selon nos sources, c’est le Conseiller spécial de la Présidence de la République, Me Kassoum Tapo, qui aurait téléphoné au ministre lui demandant de laisser Samba Diallo gérer le dossier. Faudrait-il penser que Tapo ne transmettait que le message délivré par IBK lui-même dont on dit – curieusement (Samba Diallo avait choisi le camp d’Alpha Oumar Konaré et n’hésitait pas, selon des enseignants, à vilipender IBK en milieu universitaire) – proche du recteur ? C’est fort possible quand on sait que le Premier ministre, Modibo Keïta, s’était saisi du dossier dans le but d’y trouver une solution rapide, mais avait fini, lui-aussi, par jeter l’éponge. C’est seulement après le préavis de grève généralisée du SNESUP que ‘’Koulouba’’ a finalement autorisé Me Tall à traiter le dossier. En fait donc, Me Tall, qui a été accusé de faire preuve de mépris, n’a eu à traiter véritablement le dossier qu’à la dernière minute, c’est-à-dire à la suite de l’ultimatum du SNESUP. D’où la question : Qu’est-ce qui lui a fait tenir à l’Assemblée nationale des propos jugés révoltants à l’endroit du syndicat de l’I.U.G ? Le ministre disait en substance qu’une minorité d’enseignants de l’I.U.G voulaient privatiser l’UFP (Unité de formation et de production). Certains observateurs estiment que, blessé par sa mise à l’écart, obligé de répondre aux questions des députés en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, Me Tall a tout simplement voulu jeter de l’huile sur le feu. Vrai ou faux ? Tout porte à croire que les propos tenus par le ministre ont été inspirés par le Recteur. Comme on le dit en bambara, littéralement : «Le sorcier est préférable à celui qui prétend l’être».
Un deuxième enseignement est que c’est toujours dangereux de protéger un subordonné (même quand celui-ci a tort), contre son supérieur. La crise de l’I.U.G aurait pu être résolue facilement, si l’on avait laissé le ministre s’impliquer à temps.
Un troisième enseignement est que « l’enseignant est un loup pour l’enseignant». Ce calvaire enduré par les enseignants de l’I.U.G est le fait d’autres enseignants, ni plus ni moins.
Une autre leçon est que les décideurs maliens ne sont pas encore prêts à voir un enseignant jouir de meilleures conditions de vie. On accepte qu’un fonctionnaire des Finances vive bien ; qu’un douanier, même sans diplôme, construise des villas et roule dans ‘’les voitures derniers cris’’ ; qu’un médecin pratique des activités privées dans les établissements publics afin de se faire de l’argent ; qu’un magistrat ait tous les avantages possibles, qu’un fonctionnaire de l’administration bénéficie de missions, de per diem de séminaires, de bons d’essence et autres avantages, mais on ne s’habituera peut-être jamais à voir un enseignant gagner autre chose en sus de son salaire. L’enseignant, tant qu’il n’est pas dans l’administration, doit rester l’eternel ‘’pauvre type’’, mal habillé, mal chaussé, sentant mauvais, marchant à pied ou au mieux, ne disposant que d’une Djakarta. Dès qu’il apparaît autrement, il devient haïssable. Ce que les enseignants de l’I.U.G gagnent en plus de leurs salaires, c’est eux qui l’ont imaginé, pas le gouvernement. Serait-il interdit d’entreprendre des activités susceptibles d’améliorer ses conditions d’existence ?
Enfin, le gouvernement devrait faire plus attention à Samba Diallo qui ne s’entend avec aucun ou presque des responsables universitaires.
De son côté, par lettre N°16-31 du 18 juillet dernier et adressée au Premier ministre, avec comme objet : «l’état des négociations sur la grève de soutien au comité SNESUP de l’IUG», le CEN-SNESUP exprime toute sa colère et sa déception face au comportement du Recteur, Samba Diallo. En témoigne cet extrait : «…Au cours des négociations, le Gouvernement s’était engagé à payer les salaires du mois de juillet 2016 aux enseignants de l’IUG. À notre grande surprise, nous avons constaté que les salaires de juillet n’ont pas été préparés. Le non-paiement des salaires du mois de juillet 2016 nous conduira à une année blanche à l’IUG, car les enseignants ayant perdu les salaires de mai et juin, puis juillet, n’ont aucun moyen financier pour assurer leur déplacement pour dispenser les cours. Le CEN-CNESUP vous félicite pour le remaniement ministériel opéré le jeudi 07 juillet 2016 qui a permis le départ du ministre Mountaga Tall de l’Enseignement supérieur. Cette mesure courageuse est saluée par l’ensemble des travailleurs de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Aussi, nous vous félicitons pour votre reconduction comme chef du Gouvernement et osons compter sur vous, personnellement, pour relever les défis du développement de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique au Mali. Cependant, la revendication du SNESUP relative à la démission du Recteur de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako, Monsieur Samba DIALLO, demeure entière au regard de sa gestion calamiteuse dont une preuve est le non-paiement des salaires du mois de juillet 2016 aux enseignants de l’IUG, qui risque de nous conduire à une année blanche. En conséquence, nous vous demandons, Excellence Monsieur le Premier ministre, de bien vouloir personnellement prendre en charge la question de démission du Recteur Monsieur Samba DIALLO qui constitue la cause réelle de la crise persistante à l’IUG par des grèves répétitives pendant deux ans et dans l’Enseignement supérieur au Mali par ses manquements intempestifs aux textes de la CNELA. Nous saluons la nomination d’un nouveau Directeur général à l’IUG et espérons qu’il pourra mettre en place une équipe capable de relever le défi actuel de gouvernance posée dans cette structure. Aussi, nous sollicitons votre implication afin que les accords obtenus pour l’IUG soient traduits en réalité en vue de sauver cette structure d’enseignement supérieur, victime d’une mauvaise gouvernance sans précédent. Par ailleurs, nous voudrions insister sur l’importance de l’application intégrale du Protocole d’accord du 13 mai 2016 entre le SNESUP et le Gouvernement, pour un climat social apaisé à l’Enseignement Supérieur et la Recherche Scientifique… ».
Signé, le Secrétaire Général du CEN-SNESUP, Dr Abdou MALLE. Qui aura visiblement fort à faire à un Samba Diallo, sûr de ses soutiens à Koulouba, et qui n’hésitait pas à se moquer de Me Tall, soi-disant qu’il prenait ses instructions à Koulouba et qui se plaît à se vanter de ses «capacités de nuisance». Il n’a sûrement pas menti sur ce dernier point, puisqu’il est parvenu, sans l’implication de la Fonction publique, SVP, à suspendre illégalement les salaires des enseignants de l’IUG depuis trois mois maintenant. Qui a dit qu’il n’y avait pas d’Hommes Forts ?
Sory Haidara