Dans une contribution qu’il a fait parvenir à notre rédaction, Maître Cheick Oumar Konaré, avocat à la Cour et observateur politique, tire les enseignements de la sanglante attaque de Nampala et avance quelques propositions pour régler la crise du nord.
La violente attaque de Nampala et la mort de 17 soldats maliens (paix à leur âme!) nous inspirent les réflexions suivantes :
* L’attaque est revendiquée par un groupe armé peulh, ce qui démontre l’ethnicisation croissante du conflit malien qui tournait déjà autour des Arabes, des Touaregs et des Sonrhais. Il y a donc lieu de craindre, au nord, une imminente guerre civile fondée sur des bases ethniques.
* Nampala en est à sa troisième invasion armée et abrite une très grande base militaire malienne : comment a-t-elle pu tomber avec une telle facilité devant un groupe peulh né de la dernière pluie ? J’en déduis que l’armée malienne, malgré les formations dispensées par l’EUTM, n’est toujours pas opérationnelle et n’a pas tiré les leçons de ses échecs antérieurs.
* Les assaillants ont formé une colonne motorisée pour attaquer la ville de Nampala et une colonne encore plus imposante pour quitter les lieux, emportant avec eux des armes et des véhicules pris dans le camp: que faisaient donc les forces allemandes, françaises et onusiennes dûment dotées d’avions de chasse et de drones de surveillance censés quadriller les zones dangereuses du Mali? Ont-ils honoré le récent mandat que leur a donné l’ONU de prendre l’offensive contre les forces terroristes qui sabotent le processus de paix ? Que non !
* L’invasion de Nampala et les fréquents raids du Front de libération du Macina (une filiale d’Ançar Dine) confirment que la guerre s’étend au centre du Mali après que le nord a été déjà embrasé : faut-il, dès lors, exclure une prochaine attaque de la capitale malienne ou, à tout le moins, de la Cité des Balanzans ? De surcroît, nous soupçonnons l’existence d’une stratégie tendant à exporter la guerre au centre et au sud du Mali pour que l’Etat renonce définitivement au nord qui deviendrait le sanctuaire des hordes de narco-trafiquants et de leurs alliés séparato-jihadistes. En faisant le lien entre Nampala et les récents combats de Kidal (entre le GATIA et la CMA), nous croyons aussi à l’existence d’une stratégie délibérée de tension permanente destinée à enrayer tout processus de paix, à empêcher tout désarmement des groupes rebelles et, surtout, tout retour de l’Etat dans le septentrion malien.
* Enfin, je me demande à quoi peuvent bien servir les accords de paix signés et les multiples privilèges accordés à la Coordination des Mouvements de l’Azawad si celle-ci ne peut garantir la paix: il y a vraiment erreur sur la personne car notre pays n’a pas contracté avec ceux qui sont capables de faire régner la paix dans la zone territoriale dont ils prétendent avoir la maîtrise militaire.
Pour toutes ces raisons, nous jugeons urgent de prendre les mesures suivantes:
* annuler les accords dits d’Alger pour inefficacité caractérisée : bien que signés et paraphés par tout ce que le nord compte de groupes armés, ils n’ont pu empêcher la violence de se poursuivre ni les cadavres de peupler chaque jour les tombeaux;
* reprendre les négociations de paix en y incluant Iyad Ag Ghali (il a lui aussi revendiqué l’attaque de Nampala et sème régulièrement la désolation sur toute l’étendue du terrinoire national!) et tous les groupes ethniques du nord et du centre du Mali afin que tout nouvel accord engage toutes les communautés locales;
* définir clairement dans les futurs accords de paix le statut juridique du nord-Mali (fédération ou non?) au lieu de continuer à entretenir le flou, source de malentendus et d’incessants conflits;
* traduire devant la justice internationale tous ceux qui ont commis des crimes de guerre ou, au contraire, prendre en faveur des protagonistes une loi d’amnistie générale accompagnée d’une indemnisation immédiate de toutes les victimes de la crise du nord;
* prendre pour médiateur et garant politico-militaire des futurs accords une grande puissance qui n’ait pas d’intérêts vitaux au Sahel: par exemple, la Russie ou la Chine. Liée aux séparatistes du MNLA par une quasi-dette de sang (elle les a fait venir de Libye contre la promesse d’une patrie indépendante), chargée d’exploiter l’uranium du Niger et nourrissant un vieux contentieux avec l’Algérie, son ex-colonie, la France doit se tenir en retrait du processus car quoi qu’elle fasse, elle sera accusée de partialité ou de noirs desseins. Elle ne pourra jamais, par exemple, laisser le Mali se doter des avions militaires nécessaires à la surveillance et au combat dans les déserts du nord; or, pour prévenir de nouvelles guerres, il faut reconstruire de fond en comble l’armée malienne en y recrutant prioritairement des jeunes du nord (habitués au terrain) et en lui affectant des moyens aériens.
* faire financer le processus de paix et de reconstruction du nord par une table ronde des bailleurs internationaux ou par un impôt spécial payé par tous les Maliens sur une période de trois ans.