NIAMEY - Engagé militairement au Mali contre les jihadistes qui ont déjà sévi sur son propre territoire, le Niger est plus que jamais sur ses gardes, redoutant des infiltrations islamistes mais aussi un réveil de la question touareg.
Incessantes patrouilles militaires, protection renforcée des ambassades et des grands hôtels: Niamey a musclé sa sécurité depuis le début, le 11 janvier, de l'opération française contre les islamistes du nord du Mali voisin.
"Du jamais vu, sauf pendant les coups d'Etat!", assure à l'AFP un habitant du Plateau, quartier résidentiel accueillant de nombreux expatriés.
C'est là qu'en janvier 2011 deux jeunes Français avaient été enlevés par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), avant d'être tués lors d'une tentative de sauvetage de l'armée française.
Ces rapts en pleine capitale ont été l'une des opérations islamistes les plus spectaculaires menées au Niger ces dernières années, avec l'enlèvement de sept expatriés sur un site d'exploitation d'uranium du groupe nucléaire français Areva à Arlit (nord) en septembre 2010. Quatre Français sont encore retenus en otages.
"Les menaces qui existent au Mali constituent un problème de sécurité intérieure pour le Niger", répétait il y a quelques jours le président nigérien Mahamadou Issoufou.
Avocat de longue date de l'usage de la force contre Aqmi et ses alliés qui tenaient le nord du Mali depuis l'an dernier, M. Issoufou a envoyé un bataillon de 500 militaires dans le cadre de la force africaine, la Mission internationale de soutien au Mali (Misma).
Les soldats nigériens, jugés solides et bien formés, sont avec le contingent tchadien les troupes africaines les plus engagées aux côtés des armées française et malienne.
Drones américains
Sur le front intérieur, les autorités de Niamey ne jurent que par la "prévention".
Car, reconnaissait récemment le président de l'Assemblée nationale Hama Amadou, les forces de la "terreur" risquent de "se déployer en direction du Niger", après la prise d'otages massive sur un site gazier en Algérie en janvier.
Cette attaque a d'ailleurs conduit Paris à envoyer des éléments des forces spéciales pour protéger les sites d'Areva dans le nord du Niger.
Le gouvernement nigérien affirme faire son possible pour sécuriser les quelque 800 km de frontière avec le Mali et parer ainsi à toute infiltration d'islamistes en fuite.
Mais, "malgré toute la bonne volonté des forces de sécurité, il est impossible de tout contrôler", souligne un familier des cercles dirigeants.
Les drones américains qui devraient prochainement être stationnés au Niger pour surveiller les activités islamistes dans le Sahel ne seront donc pas de trop pour Niamey.
En proie, comme le Mali, à des rébellions touareg ces dernières décennies, le Niger suit aussi de près le rôle que vont jouer les Touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), groupe à l'origine de la chute du Nord malien mais considéré par Bamako comme son seul interlocuteur futur parmi les mouvements armés.
En réclamant avec force le désarmement du MNLA et en refusant toute négociation avec ce mouvement qui prône l'autodétermination, le président nigérien a surpris.
C'est qu'"il risque gros, son pays encourt un traquenard", explique un diplomate africain à Niamey.
"Si on satisfait les revendications de ce groupe armé touareg, la tentation sera très grande chez leurs frères touareg du Niger, qui se contentent pour l'instant d'un système de gestion décentralisé de leur zone. Le nord du Niger vit certes une accalmie, mais tout peut aller très vite", prévient-il.
La communauté touareg du Niger - autour de 9% des 15 millions d'habitants - ne va pas "déterrer la hache de guerre", affirme pourtant un ex-chef rebelle touareg depuis la ville d'Agadez (nord), coeur de la région touareg.
De nombreux cadres des anciennes rébellions (la dernière remonte à 2007-2009) ont été intégrés à l'appareil d'Etat à Niamey ou élus dans le Nord.
Et, symbole des symboles, c'est un Touareg, Brigi Rafini, que le président a nommé Premier ministre à son arrivée en 2011.
Au Mali, "il faut évacuer le problème MNLA par le dialogue", avertit cependant l'ancien responsable rebelle. "Sinon, la tension ne baissera jamais dans le nord du Mali et dans le Sahel".