Le président de la Haute autorité de la communication du Mali (HAC), Fodié TOURE, était l’invité de notre confrère de l’ORTM, Niaza COULIBALY, le mardi dernier. Sans détour, il a expliqué le travail de titan que son équipe a fait, en termes d’élaboration de textes réglementaires, régissant le secteur. Dans les jours à venir, la HAC se révélera au public, à travers des actes qu’il faut, quand il faut, conformément à la loi. Il ne s’agira pas de chercher des cibles, selon le patron de la HAC, mais de faire une juste application des lois de notre République pour le bien des services de communication audiovisuelle, pour le bien et la promotion de l’espace médiatique audiovisuel au Mali.
Nous vous proposons l’intégralité de l’entretien accordé à nos confrères de Bozola
ORTM : Avec la relecture des textes relatifs aux services de communication et de l’audiovisuel qui a abouti à la création de la Haute autorité de la communication (HAC) par l’Ordonnance du 21 janvier 2014 ratifiée par la Loi du 4 juin 2015, le terrain semble être balisé pour vous permettre d’agir aussitôt. Si l’on ajoute à cela, le Décret du 25 septembre 2015, portant nomination des membres de la HAC, on a du mal à comprendre que vous gardé volontaire un certain silence. Silence qui a valu à ce que vous soyez interpellé, chose curieuse et paradoxale par ceux-là dont vous devez contrôler, notamment la presse.
Fodiè TOURE : Je remercie l’ORTM de donner aujourd’hui l’opportunité et l’occasion à la HAC de se manifester et de répondre à la question que vous avez posée, principalement à ce que vous avez appelé, un silence volontaire que la HAC gardé, depuis sa mise en place, il y a un an, vous avez dit.
Je rappelle que la HAC a été mise en place, les membres ont été nommés, certes par décret du 25 septembre 2015 ; mais les membres de la HAC ne sont entrés en fonction officiellement que le 11 décembre 2015. Parce que tout simplement, la loi de création, l’ordonnance de création du 21 janvier 2014 disent clairement que les membres de la Haute autorité de la communication n’entrent en fonction qu’après avoir prêté serment solennellement devant la Cour suprême du Mali. On peut dire que les membres de la Haute autorité de la communication ne sont entrés en fonction que le 11 décembre 2015.
ORTM : Monsieur le Président, vous n’êtes pas d’accord avec le long silence, j’en conviens avec vous ; mais dans un milieu où il y avait un besoin urgent de clarification des interventions des uns et des autres, alors vous comprenez que l’on puisse qualifier tout ce temps mis à profit, pour élaborer les différents textes réglementaires, du silence ?
De décembre à l’heure où je vous parle, il y a 8 mois. Ce que vous appelez silence de la Haute autorité de la communication, que vous allez comprendre et accepter avec nous que c’était une mesure de prudence. Des mesures aussi que je dirais de sagesse, mais de patience aussi. Parce qu’il ne servait à rien de poser des actes, si vous n’avez aucun fondement légal à ces actes ; au moment où nous avons pris fonction, le 11 décembre 2015, la HAC avait pour mission essentielle la régulation des services de communication et de l’audiovisuel, la presse nationale. Nous avons trouvé pour tout cadre législatif et réglementaire que 4 textes : la Loi du 12 mars 2012 relative aux services de la communication et de l’audiovisuel ; l’Ordonnance du 21 janvier 2014 portant création de la Haute autorité de la communication modifiée et ratifiée par la Loi de 2015. Ensuite, ça c’est au niveau législatif, au niveau réglementaire, vous avez essentiellement deux décrets : le décret N° 0951 qui détermine les conditions d’établissement, d’exploitation et de distribution des services privés des radiodiffusions télévisuelles qui prend en compte dans son Titre 4 des articles 60 à 76, les entreprises de distribution de programmes ; ensuite le décret N° 0952 (tous les deux décrets sont du 31 décembre 2014) qui détermine les conditions d’établissement, d’exploitation, de distribution des services privés des radiodiffusions sonores. Il n’y avait que ces 4 textes. Si vous prenez la Loi de 2012, déjà, à l’article 16, je m’en tiens à ça aujourd’hui, renvoie à un décret d’application en ce qui concerne les cahiers de charges des services privés de communication audiovisuelle. L’article 64 qui énumère les sanctions non pénales que la Haute autorité de la communication peut prononcer, la loi de 2012 renvoie à un décret d’application pour les conditions de mise en œuvre des sanctions non pénales que la HAC peut prononcer.
Si en décembre 2015, on n’avait que ces textes-là qui renvoient à des décrets d’application, en ce qui concerne les cahiers de charges et les conditions de mise en œuvre des sanctions que nous pouvons prononcer, ces décrets n’existant pas, vous conviendrez avec moi que la prudence, la sagesse imposent de prendre ces décrets avant de poser quel que acte que ce soit.
ORTM : Si je comprends bien, il y avait par rapport à ces décrets, d’un côté une insuffisance de textes réglementaires vous permettant d’agir ; de l’autre, il y avait certains textes qui étaient prévus, mais qui n’étaient pas adoptés, qui n’étaient même pas élaborés, à fortiori proposer à l’adoption ?
Ces décrets n’étaient même pas à l’état de projet. C’est pourquoi j’ai dit, avec l’absence du cadre législatif et réglementaire, il nous fallait donc définir ce cadre législatif et réglementaire. C’est ce qui nous a amené, au cours d’une session préliminaire, qui a duré pratiquement 3 mois, à élaborer 5 projets de décret. Pourquoi 5 décrets, parce que notre mission de régulation s’étend à 5 services de communication audiovisuelle. Il s’agit des radios qui sont de 2 ordres (les radios commerciale et non commerciale) ; les télévisions, même ordre (télévisions commerciales et télévisions non commerciales) et 5e service de communication audiovisuelle, les entreprises de distribution de programmes, qu’on connaît au Mali pour les profanes comme Malivision, Mulitcanal, Canal +, ce qu’on appelle techniquement les entreprises de distribution de programmes.
Au moment de notre prise de fonction, il n’y avait aucun texte régissant ces services de communication. Comment voulez-vous qu’un organe aussi important que la HAC qui est chargée de la régulation du domaine de la communication et de l’audiovisuel surtout régule un domaine qui n’est même pas régi ; régule des services qui ne sont même pas régis ?
Toutes les radios, toutes les télévisions, aucun service de communication n’avait un cahier de charges applicable ou sur lequel la régulation pouvait s’appliquer de façon satisfaisante. C’est ce qui nous a amené à élaborer des cahiers de charges avec des dispositions cohérentes, conséquentes, adaptées à la mission de régulation que la loi nous a confiée. Ça nous a pris du temps.
Également, si vous nous demandez pourquoi nous n’avons pas agi depuis là ? Parce qu’aujourd’hui, tout le monde sait que dans le monde de la communication audiovisuelle, il y a des actes qui ne relèvent pas de la déontologie et de l’éthique, sont posés ; tout le monde s’en plaint. Moi, je vous dis de façon claire et nette, le mot n’est pas trop, il y a 20 ans de désordre dans le monde de la communication audiovisuelle ; 20 ans de désordre. Je ne dis pas : telle radio ou telle télévision est désordonnée ou a une organisation désordonnée, mais je dis 20 ans de désordre.
Le désordre, ça veut dire quoi ? Aujourd’hui, on compte combien de chaînes de radio privées ? Combien de chaînes de télévision privées ? Il n’y a de cahiers de charges régissant aujourd’hui aucun service de communication audiovisuelle.
ORTM : Donc, le silence a permis ou a été consacré à élaborer non seulement les projets de décret qui régissent les différents aspects de ces organes, selon les typologies ; mais également à élaborer des cahiers de charges ?
Nous avons préparé le cadre réglementaire de notre mission. En préparant ce cadre réglementaire de notre mission, nous ne voyons pas l’opportunité ou le besoin de nous exprimer tous les mois pour dire voilà ce que nous avons fait. Il nous est arrivé courant mois de février-mars, si mes souvenirs sont bons, de rencontrer les organisations professionnelles des médias, les propriétaires de radios et télévisions pour leur expliquer ce que nous étions en train de faire. L’adoption des textes ne relève pas de nous. En ce moment-là, ce que vous appelez silence s’explique par le fait que le cadre réglementaire n’étant pas défini, il ne nous appartenait pas de prendre des décisions qui ne sont fondées sur aucun texte national. Aujourd’hui, nous avons ces textes. Pour continuer avec la compréhension des téléspectateurs, la régulation n’est pas seulement qu’administrative et juridique. Les décrets sont administratifs et juridiques. Mais la régulation, ce que vous attendez de nous, c’est prendre des décisions, des sanctions, parce qu’il y a eu beaucoup de manquements ; c’est de cela que vous voulez parler ! Comment voulez-vous sanctionner un service de communication qui n’est pas régi ? Vous ne pouvez pas ! Comment voulez-vous sanctionner un service de communication avec lequel vous n’avez signé aucune convention qui l’oblige à respecter telle règle ou telle autre ? Comment pouvez-vous fixer la violation d’un manquement que vous n’avez pas défini ? Donc, ces manquements et ces violations, il faut d’abord les définir. Ce n’est pas défini. Lorsqu’on parle de sanctions non pénales que la HAC peut prononcer, c’est vrai, c’est cité en quelques lignes, par l’article 64 de la loi de 2012. Il y en a 5 : l’avertissement, la suspension du service, le retrait du service, la suspension de l’autorisation et le retrait de l’autorisation. Pour les téléspectateurs, un avertissement adressé à un service de communication audiovisuelle veut dire quoi ? Personne ne l’a défini. La suspension d’un service, personne ne la définit. La loi ne l’a pas fait. Qu’est-ce qu’on attend par service ? Ici, le service peut concerner le service de communication (station radio ou télévision). Mais le service peut consister aussi dans une émission ou un programme du service. Avant de sanctionner, il faut que ceux qui sont dans le domaine et qui exercent comprennent quel est l’infraction ou le manquement qu’on leur reproche. Et quelles sont les conditions qui doivent présider à la sanction de ces infractions et manquements ? Aucun service de communication, en service à l’époque, n’est lié à un organe de l’État par une convention. Il y avait quelques distributions de programmes qui bénéficiaient des conventions ou d’accords avec l’ORTM. Mais les autres radios et télévisions rien. Il fallait aussi définir ces conventions, c’est pourquoi nous avons tenu à compléter le cadre réglementaire ; pas législatif. On n’a pas touché à la loi 2012. Nous avons demandé au gouvernement de faire adopter en Conseil des ministres les décrets relatifs aux cahiers de charges et aux conditions de mise en œuvre des sanctions.
Je vais continuer avec les cahiers de charges pour dire deux choses importantes à savoir : il est bon pour la HAC, elle-même, de savoir et de comprendre le fonctionnement des services qu’elle est censée réguler. Il est aussi bon de savoir pour les promoteurs et aux acteurs du monde de la communication de l’audiovisuel de connaitre et de maîtriser les règles qui régissent leurs services. Nous avons pris tout ce temps pour élaborer ces textes qu’ils vont mettre à la disposition de tout un chacun pour sa compréhension. Dans ces cahiers de charges, on a élaboré toutes les conditions d’exploitation, toutes les obligations qui peuvent peser sur les services de communication audiovisuelle.
En ce qui concerne les sanctions, nous allons les prendre une à une et définir les conditions dans lesquelles ces sanctions peuvent être appliquées. Le plus important, c’est le contenu de ces cahiers de charges.
ORTM : Est-ce qu’on peut aborder le contenu des décrets ?
Je rappelle qu’il y a 5 décrets qui ont été adoptés en Conseil des ministres, le 13 juillet 2016. Ces décrets fixent les cahiers de charges (pour être bien compris par les téléspectateurs, j’abandonne les termes techniques), des télévisions commerciales ; des télévisions non commerciales ; des radios commerciales ; des radios non commerciales et des entreprises de distribution de programmes. Le 6e décret étant relatif aux sanctions non pénales que la HAC peut prononcer.
Maintenant, prenons les décrets relatifs aux cahiers de charges des services de communication audiovisuelle qui sont au nombre de 5.
Vous me permettrez de les prendre dans une généralité. Tous les décrets relatifs aux services de communication audiovisuelle précisent, chacun, le régime juridique du service qu’il concerne. Quand vous prenez les cahiers de charges des télévisions commerciales, le cahier de charges précisera le régime juridique des télévisions commerciales ; quand vous prenez le cahier de charges des distributeurs de programmes, le cahier de charge définira le régime juridique des distributeurs de programmes.
Il définit également le régime juridique des personnes qui peuvent exploiter ledit service. Les conditions d’exploitation, mais aussi les interdictions liées à cette exploitation.
Les dispositions de ces cahiers de charges définissent également la procédure de délivrance des autorisations. Comment l’autorisation est délivrée et dans quelles conditions ? Quelles sont les conditions à remplir pour avoir l’autorisation d’exploitation ?
Ils définissent également les conditions dans lesquelles votre autorisation peut être retirée. Mais ceci va intervenir au moment où on va parler des sanctions.
Ces cahiers de charges définissent aussi les conditions d’établissement et d’exploitation des services et surtout le contenu de la convention qui lie la HAC aux bénéficiaires de l’autorisation.
Les décrets qui fixent les cahiers de charges traitent les règles relatives l’assignation et à l’usage des fréquences. Ils traitent également des ressources financières de chaque service. Pour exploiter une télévision commerciale, une radio ou une entreprise de distribution de programmes, il faut avoir des ressources qui sont définies par les cahiers de charges et les obligations qui incombent à chaque service de communication du fait des frais, des droits, des taxes, des redevances et de cautionnement. Obligatoirement, quand vous exploitez un service productif de revenus, vous êtes obligés de payer des droits et taxes à l’État.
Aujourd’hui, quand vous relisez les textes, vous créez un organe de régulation, il faut bien que les cahiers de charges et les conditions d’exploitation disent en quoi le service de communication doit payer telle taxe, tel frais, telle redevance pour son exploitation. Tous les services qui produisent des revenus sont assujettis à ces choses, donc les services de communication seront également assujettis. Ce sont là les règles générales qui sont propres à chacun des services que vous retrouverez dans tous les décrets fixant les cahiers de charges des services de communication.
ORTM : Alors, Monsieur le Président vous avez parlé de la typologie dans laquelle on parle de télévisions et de radios commerciales et non commerciales, mais il y a une spécificité qui n’est bien habituelle, même elle existe au Mali. Qu’en est-il des radios et télévisions dites confessionnelles ?
Maintenant, de façon spécifique, quand vous prenez les cahiers de charges relatifs aux télévisions commerciales, ils définissent spécifiquement pour ce service seulement le volume et les conditions de la communication publicitaire. Parce que lorsque vous êtes commercial, la publicité a une très grande importance dans le volume de votre programme. Donc, les cahiers de charges définissent dans quelles proportions, la publicité doit être prise en charge dans votre programme ? Ça, c’est pour le commercial ! Ils précisent également les règles applicables à la publicité, aux télé-achats, à l’autopromotion et au parrainage. Ça, c’est propre aux services de communication audiovisuelle que sont les télévisions commerciales et les radios commerciales.
Venons à votre question ! Ce dont vous parlez, ce sont les télévisions et les radios confessionnelles qui sont classées dans la typologie des télévisions et des radios non commerciales. C’est des télévisions et des radios non commerciales qui ont 3 sous-typologies : les radios ou télévisions communautaires, les radios ou télévisions associatives et les radios ou télévisions confessionnelles. En ce qui concerne les communautaires et les associatives, spécifiquement, le décret portant cahiers de charges les régissant, met l’accent sur la part de la culture, du folklore et des préoccupations du terroir dans lequel elles émettent. En ce qui concerne les radios et les télévisions confessionnelles, ce qu’on appelle couramment les radios et télévisions religieuses, c’est le terme que les téléspectateurs comprendront. Lorsque vous créez une radio ou une télévision qui est spécifiquement axée sur la religion et des programmes religieux que l’on appelle radio ou télévision confessionnelle pour éviter le terme religieux, leur décret prévoit spécifiquement qu’elles ont des programmes qui comportent des émissions d’intérêt religieux, en 1er plan, mais aussi des émissions d’information générale. Mais la loi prescrit que l’engagement pour ces télévisions et radios est de respecter le caractère laïc de l’État ; de prôner la tolérance, la fraternité et la cohésion sociale. La loi proscrit tout propos relevant de l’extrémisme, de l’intégrisme et de l’exclusion. En bons termes, lorsque vous exploitez une radio ou télévision confessionnelle, dans vos programmes, vous devrez éviter de violer ces dispositions. Comme les autres radios et télévisions commerciales doivent aussi éviter de violer les dispositions qui leur sont spécifiques. Vous voyez, nous avons travaillé de telle manière que lorsque vous évoluez dans ce secteur, que vous soyez classé dans une catégorie spécifique, que nous allons appeler typologie. Mais aujourd’hui, les radios et télévisions qui sont dans notre espace, est malin, celui qui pourra les classer. Parce que chacun fait tout. Personne n’évolue dans une typologie bien déterminée. Aucune radio n’est strictement commerciale ; aucune radio n’est strictement associative.
ORTM : Cette classification, est-ce qu’il y aura un cadre qui va leur permettre de s’inscrire chacun en choisissant sa typologie ou la Loi va les obliger à se considérer comme telle ?
Concrètement, voilà ce qui va se passer : nous avons défini les cahiers de charges ; à la suite des cahiers de charges, nous avons élaboré des conventions. Et chaque convention sera adaptée à un cahier de charges bien établi. Autant, il y a des cahiers de charges relatifs aux télévisions commerciales, autant, il y a des conventions pour les télévisions commerciales. Il y a un cahier de charges pour les radios commerciales, il y a une convention pour les radios commerciales, ainsi de suite…
À chaque typologie, correspond également un type de convention. Et puisque la loi de 2014 dit spécifiquement en son article 7 : « l’exploitation et l’établissement de service de communication audiovisuelle est soumise à la conclusion d’une convention avec la Haute autorité de la communication ». Quand vous voulez évoluer dans le cadre de la communication audiovisuelle, vous devez signer une convention avec la HAC. Et quand vous signez cette convention avec la HAC, vous optez soit pour la radio ou la télévision commerciale ; vous optez pour la radio ou la télévision non commerciale. Lorsque vous optez pour la radio ou la télévision non commerciale, vous êtes obligés de spécifier si vous évoluez dans le domaine associatif, communautaire ou confessionnel. Et lorsque vous évoluez dans ce cadre, vous êtes obligés de rester dans ce cadre et ne pas aller dans un autre cadre. C’est pourquoi je disais au début de mon intervention qu’il nous était difficile d’aller prendre des sanctions alors que les règles n’étaient pas définies. On ne pouvait pas aller sanctionner une radio, en ignorant qu’elle évolue dans le domaine confessionnel et qu’elle est associative. On n’a aucun document qui nous dit que la radio est associative.
Le cas des télévisions qui est là est encore plus délicat. Elles n’évoluent que sur la base d’une autorisation. Au moins, certaines radios ont des autorisations qu’on a appelées autorisations provisoires, avant que la HAC ne soit mise en place. Tous ceux-ci méritent un examen. Certaines radios évoluent sur la base d’un Arrêté ministériel ou interministériel qui aurait dû être renouvelé, mais qui ne l’a pas été. Légalement, aujourd’hui, cet Arrêté est caduc. Comment voulez-vous que dans une telle situation vous vous leviez un beau matin et vous dites un tel est sanctionné ; un tel ne l’est pas. Alors que les règles n’étaient pas clairement établies. C’est pourquoi nous avons décidé d’élaborer les textes en termes de cahiers de charges ; en termes de conventions. Et lorsque, encore une fois, les cahiers des charges vous les étudiez, vous en prenez connaissance vous savez quelles sont les contraintes, vous savez quels sont leurs avantages ; c’est vous qui choisissez. Et même si un appel à candidatures est lancé, c’est à vous maintenant de postuler dans quel domaine vous-même savez être capables d’évoluer. Lorsque vous venez signer une convention dans ce sens, nous n’allons pas accepter que vous signiez une convention avec nous comme radio associative et que vous vous mettiez à prendre une part de publicité appartenant à la radio commerciale. On ne peut pas aussi signer une convention pour une télévision confessionnelle et que vous allez faire exactement comme si c’est une télévision commerciale, et vice-versa !
ORTM : Qu’en est-il du décret relatif à la mise en œuvre des sanctions ?
C’est vrai que nous avons défini les règles, nous avons défini les normes, comme vous l’avez dit quand vous définissez règes et normes, il y a ce qu’on appelle les dérapages, que moi j’appelle en tant que magistrat les violations, les manquements. Ça voudrait dire que les normes fixent des limites au-delà desquelles vous ne pouvez pas aller. Ça nous impose, nous des contrôles bien réfléchis et de rigueur dans l’application des textes qui régissent notre mission.
C’est vrai, au début de l’application, ça va faire des grincements des dents ; toute réforme amène ça. Nous sommes obligés de passer par là, si nous voulons une régulation ; si nous voulons un domaine de l’audiovisuel performant qui répond au souhait de tous ; qui répond aux attentes mêmes des citoyens. C’est pourquoi je vais parler du domaine de la sanction. La loi l’a prévu, certes nous avons ces avantages-là. Au fait, c’est un avantage. Il n’est pas du tout prudent pour un acteur, un opérateur d’un service de communication d’évoluer sans aucun texte qui te régisse. Certains peuvent penser aujourd’hui que la situation leur est profitable, mais non ! Quand vous évoluez dans un secteur, il faut que vous-mêmes vous sachiez que vous devriez évoluer dans ce cadre. Voici les limites au-delà desquelles, je ne peux pas aller. Ça vous discipline ; ça vous permet de poser les actes qu’il faut pour un développement harmonieux de votre entreprise. Et lorsque vous outrepassez ces limites, qu’on le veuille ou pas, les lois de la République sont faites comme ça, il faut les respecter. Si vous ne les respectez pas, il y a des sanctions que vous pouvez encourir. C’est pourquoi le décret, fixant les conditions de mise en œuvre des sanctions, a été aussi élaboré. Quand vous parlez de sanctions, il s’agit des sanctions non pénales.
S’il y a un manquement, une violation de la loi de la part des services de communication ou de la part d’un acteur de ce domaine qui peut lui coûter un emprisonnement, le problème relève de la Justice pénale et non de la Haute autorité de la communication. Que cela soit clair ! Cependant, la loi de 2012, en son article 64, dit voici les sanctions non pénales que la Haute autorité peut infliger aux contrevenants des dispositions légales et règlementaires. Les sanctions sont celles-ci : l’avertissement, la suspension et le retrait du service ; et la suspension et le retrait de l’autorisation. Le problème qui se pose, c’est quoi ? Il faut aussi définir ces sanctions. Quand vous donnez un avertissement, il faut que le service de communication sache ce que c’est qu’un avertissement dans ce cadre bien déterminé. Quand on dit retrait de service, il faut qu’il sache faire la part des choses.
Qu’est-ce qu’on peut appeler service ? Je l’ai dit dans mon introduction, service peut se comprendre comme la station de radio ou de télévision, ça peut se comprendre aussi en tant qu’émission ou programme diffusé.
Ce ne sont pas des peines d’emprisonnement ou des peines d’amendes.
ORTM : Qui dit sanctions, vous les juristes vous prévoyiez aussi des recours ? Est-ce qu’il y a un recours ou des recours possibles aux sanctions de la HAC ?
Il y a des recours contre toutes les décisions prises par les juridictions, à fortiori un organe de régulation ; lorsque vous prenez une décision par exemple qui porte sur une sanction de suspension temporaire, vous pouvez faire un recours. On a tellement respect de l’administratif, ce recours on l’a appelé un recours gracieux, c’est-à-dire, vous n’allez pas devant les juridictions pour faire recours ; vous venez devant la HAC pour faire recours. Cette sanction que vous nous infligiez pour telle raison ; je suis prêt à redresser la situation. En ce moment, elle revient sur la décision.
Maintenant si c’est une sanction qui consiste à un retrait définitif d’un service ou de l’autorisation, vous pouvez faire recours devant la Section administrative de la Cour suprême.
ORTM : Les conditions de saisines. Qui est habilité à saisir la HAC ?
La HAC peut s’autosaisir de toutes les questions relatives à la communication. Toute personne aussi peut saisir la HAC. Une personne physique, une personne morale, l’Administration, les Institutions peuvent saisir la HAC. Parce qu’un programme de service de communication audiovisuelle peut porter grief tout comme à une personne physique, une personne morale ou une institution dans les délais définis par les conventions et dans les décrets.
ORTM : Nous sommes à la fin de cet entretien, à quand le prochain rendez-vous avec les téléspectateurs, surtout aux services de communication audiovisuelle que vous allez gérer désormais ?
Nous allons sortir de l’ombre. Nous allons poser des actes. Mais nous ne ferons pas du spectacle. Vous pouvez en être certains. Nous allons poser les actes qu’il faut, quand il faut, conformément à la loi. Nous n’allons pas chercher de cibles. Nous allons juste appliquer les lois de notre République pour le bien des services de communication audiovisuelle ; pour le bien et la promotion de l’espace médiatique audiovisuel au Mali. Nous avons fini avec ce travail dans le calme et la sérénité, il y a eu la pression, on nous a interpellé ; je l’ai dit, ce n’est pas la peine de poser des actes quand on n’avait pas le fondement légal. Il ne fallait pas poser des actes que vous savez qui pourront être remis en cause par une juridiction supérieure. Ça ne servait à rien. Je suis d’accord avec vous qu’aujourd’hui, nous avons les instruments juridiques pour accomplir notre mission. C’est pourquoi, dans les prochains jours, nous allons tenir la première session de la Haute autorité de la communication et si Dieu le veut, sous la présidence de Monsieur le Premier ministre. Cela permettra encore d’expliquer tout le travail qu’on a fait jusqu’ici ; et le travail que nous allons faire d’ici à la fin de l’année. Et là, vous allez comprendre que nous allons être sur le terrain et les actes que nous allons poser ne vont pas plaire à tout le monde, mais qui méritent d’être posés dans le cadre strict de la loi. C’est pourquoi nous avons tenu à définir, à compléter le cadre règlementaire avant de poser quel que acte que ce soit. On aurait posé des actes, mais on a voulu rester dans le cadre de la loi.
Propos transcrits par Sékou CAMARA