La rébellion touareg du nord du Mali qui avait lancé l’offensive dans cette région en janvier 2012, avant d’en être totalement évincée par ses alliés islamistes liés à Al-Qaïda, revient sur le devant de la scène à la faveur de l’intervention française.
Le 17 janvier 2012, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), né deux mois auparavant de la fusion de groupes rebelles touareg maliens des années 1990, lance une offensive surprise et prend ce jour-là et les semaines suivantes plusieurs villes du nord-est du Mali, Ménaka, Aguelhok, Tessalit.
Renforcé par le retour d’ex-rebelles bien armés de Libye où ils ont servi le régime déchu de Mouammar Kadhafi, le MNLA, laïque, va s’allier à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) - présent dans la zone depuis plusieurs années - et avec d’autres groupes islamistes armés apparus dans son sillage.
Des exactions vont être rapidement commises, en particulier à Aguelhok, où une centaine de soldats et de civils maliens sont exécutés: certains sont égorgés, d’autres abattus d’une balle dans la tête. Bamako fait alors le lien entre le MNLA et Aqmi qui ont pris ensemble la localité le 26 janvier.
L’offensive apparaît néanmoins comme un succès, l’armée malienne, sous-équipée, ayant été laminée en quelques semaines.
Mais elle va provoquer le 22 mars un coup d’Etat militaire pour dénoncer l’abandon des soldats dans le Nord, et la fuite de dizaines de milliers de civils, dont des Touareg, qui vont se réfugier ailleurs au Mali et dans les pays voisins.
Dix jours après le putsch, le MNLA commence à perdre des positions face aux groupes islamistes qui prennent le contrôle effectif des principales villes du Nord, Tombouctou, Gao et Kidal, où ils le marginalisent avant de l’en évincer totalement fin juin.
Le MNLA, qui a déclaré unilatéralement "l’indépendance" de l’Azawad (nord du Mali) n’a alors plus aucune prise sur le terrain.
Mais il a ses entrées en France où ses responsables sont reçus au ministère des Affaires étrangères et sur les plateaux de télévision, le plus souvent vêtus de leur mythique tenue "d’hommes bleus" du désert, fiers nomades libres et indépendants.
"Quelle est cette facilité que les gens ont d’emballer les médias lorsqu’il s’agit de parler de la communauté touareg?", s’est interrogé le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohammed Bazoum. Car selon lui, "le MNLA ne représente pas la communauté touareg, ils n’ont jamais été mandatés par qui que ce soit. La communauté touareg au Mali, c’est au-delà de ces personnes".
Second souffle
Manière de rappeler que le MNLA n’est qu’une minorité au sein d’une communauté elle-même largement minoritaire au Mali, de 300.000 à 500.000 personnes sur 14 millions d’habitants.
Mais dans Kidal et sa région, berceau des Touareg situé à 1.500 km au nord-est de Bamako, l’arrivée de l’armée française fin janvier à l’aéroport de la ville a redonné un second souffle au MNLA qui venait de s’installer à Kidal sans combattre après la fuite des islamistes, plus au nord, dans le massif des Ifoghas, près de l’Algérie.
Le MNLA, allié à Kidal à des islamistes touareg "modérés", semble avoir obtenu qu’aucun soldat malien ne vienne dans la zone - ce sont 1.800 soldats tchadiens qui sécurisent la ville - et a affirmé "coordonner" ses actions avec la France contre les "terroristes".
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian a reconnu que les soldats français avaient à Kidal "des relations fonctionnelles avec le MNLA".
C’est dans les Ifoghas que se sont retranchés une partie des chefs et combattants jihadistes, dont Iyad Ag Ghaly, dirigeant d’Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), ex-rebelle touareg, originaire de la région qu’il connaît bien.
C’est aussi dans les Ifoghas que se trouvent "probablement", selon Paris, les sept otages français, pour la plupart enlevés par Aqmi en 2011 et 2012 au Niger et au Mali. La France pourrait compter sur des membres de la communauté touareg, dont certains du MNLA, pour faciliter leur libération.
"Le MNLA a évidemment une carte à jouer", note Alain Antil de l’Institut français des relations internationales (Ifri), ajoutant: "Pour les otages ils peuvent peut-être donner des renseignements".
Selon lui, si les chefs de ce mouvement "essayent de donner des gages", ce qu’ils visent, "c’est surtout l’après phase militaire. Ils vont donner des conseils, des renseignements, en espérant être à la table des négociations dans le processus politique."
Le MNLA a officiellement renoncé à sa revendication d’indépendance et se dit prêt à négocier avec Bamako où le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, a récemment déclaré qu’il était le seul groupe avec lequel il pourrait discuter s’il renonçait "à toutes ses prétentions territoriales".