Le Conseil de sécurité des Nations unies débattra sous peu du déploiement d’une force de maintien de la paix au Mali, apprend-on de source diplomatique onusienne depuis la fin janvier. Mieux, le sujet a fait l’objet de discussions lundi dernier entre le vice-président américain, Joe Biden, en visite à Paris, et François Hollande. D’ores et déjà mal perçue par les autorités maliennes, cette idée d’envoi de Casques bleus au Mali suscite en outre moult interrogations sur son opportunité, ses implications et son but final. Force de maintien de la paix ou force d’interposition ? Point de réponse pour le moment.
Des soldats de l’Onuci en Côte d’Ivoire en 2010
Bamako est réticent à l’envoi d’une force onusienne au Mali. Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Tiéman Hubert Coulibaly s’est montré opposé à un tel scénario, réagissant ainsi aux propos du vice-président américain favorable à la constitution d’une force de maintien de la paix pour le Mali sous l’autorité des Nations unies.
Au Mali, pour quoi ?
En visite à Paris, le 4 février, Joe Biden a abordé le sujet avec le président François Hollande. A l’occasion, les Etats-Unis et la France ont pris position commune pour le déploiement rapide de Casques bleus au Mali. Lors d’une conférence de presse avec le président François Hollande, Joe Biden a déclaré : « Nous sommes tombés d’accord sur le fait que la force africaine au Mali soit aussi rapidement que possible placée sous l’autorité de l’Onu ».
De son côté, Hollande estime que l’opération devra devenir une opération de maintien de la paix des Nations unies. Depuis Bruxelles où il séjournait, le chef de la diplomatie malienne a réagi à ces déclarations, qui étaient déjà murmurées depuis le 30 janvier dans les allées des Nations unies. Là, on laisse filtrer que le Conseil de sécurité évoquera soit le déploiement d’une force onusienne de maintien de la paix, soit, comme variante, une force de l’Union africaine mandatée par le Conseil de sécurité avec soutien logistique et autres des Nations unies, sur le modèle de la mission de l’union africaine en Somalie (Amisom). L’idée serait d’avoir une force onusienne comptant 3 000 à 5 000 hommes.
Pour Tiéman Coulibaly, le Mali n’a pas de conflit post-électoral, il n’y a pas non plus de guerre civile dans le pays, mais simplement des forces narco-djihadistes qui ont décidé de détruire la République. Les casques bleus en général font l’objet d’un mandat qui est bien défini. « S’il doit y avoir une mission de maintien de la paix, il convient de préciser les choses, telles que maintenir la paix entre qui et qui ? », s’interroge Tiéman Coulibaly. Les casques bleus étant des forces d’interposition, le ministre ne voit pas la nécessité de déployer une force entre les Maliens. Il plaide plutôt pour que l’opération militaire au Mali aille jusqu’au bout afin de détruire les réseaux terroristes. « L’Etat malien souhaite que la France aille au bout de sa mission qui est d’aider à la restauration de l’intégrité territoriale du Mali. Il faut aller au bout. C’est ce que nous attendons de la France et c’est ce que la France a décidé de faire », insiste le diplomate malien. Qui conclut par des questionnements qui expliquent ses réticences par rapport à l’envoi des casques bleus au Mali : « La Misma est une mission d’assistance au Mali. Si elle doit être transformée en force de maintien de la paix, il faut définir entre qui et qui. Maintenir la paix entre le Mali et des terroristes ? Non. Et des négociations avec des terroristes sont hors de question. Il faut évaluer les autres opérations de maintien de la paix à travers le monde pour en déceler les avantages et les aspects un peu plus discutables ».
Au-delà de ces réserves du chef de la diplomatie malienne, beaucoup d’autres incertitudes planent sur cet autre débat engagé sur la situation dans notre pays.
Où ces forces onusiennes seront-elles déployées ? A Bamako pour la sécurisation des institutions de la Transition ? (telle n’est pas la mission des Casques bleus). Ou bien à Tombouctou et Gao ? (où les populations mènent une vie paisible). Ou bien encore à Kidal ? (probablement, entre les militaires maliens et les éléments du Mnla). Effectivement, il n’y a que cette dernière hypothèse qui puisse paraître logique, au vu du cas particulier de Kidal et du dessein de vengeance que nos soldats pourraient nourrir vis-à-vis des membres du Mnla et de tout ce qui s’y apparente.
Deuxième motif de réticence des autorités maliennes, c’est la durée indécise des missions des forces onusiennes. A l’image du cas du Congo, on sait quand elles commencent, mais on ne maîtrise jamais quand elles finissent. Sans oublier le risque d’enlisement dans un marasme politico-militaire dans lequel de telles forces plongent certains pays.
A quoi servent les casques bleus ?
Les Casques bleus (Force de maintien de la paix) peuvent être envoyés dans une zone de conflit pour protéger la population civile ou encore servir de force d’interposition. Elle fut créée suite à une résolution présentée à l’Assemblée générale des Nations unies, par le ministre canadien des Affaires étrangères, Lester Bowles Pearson. Elle a pour rôle le « maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité internationale », sur ordre du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette force ne constitue pas une armée des Nations unies, les Casques bleus étant principalement des militaires prêtés par des pays membres de l’Onu et dans certains cas des civils œuvrant dans la police ou l’administration. Dans certains cas, cette action de maintien de la paix peut être confiée à une organisation internationale non affiliée au système des Nations unies ou encore à une coalition d’États. Ainsi, le Conseil de sécurité a, à plusieurs reprises, donné mandat à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) ou à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) à travers l’Ecomog.
Les Casques bleus peuvent être chargés de surveiller l’application d’un cessez-le-feu ; de désarmer et de démobiliser les combattants ; de protéger les populations civiles ; de faire du maintien de l’ordre ; de former une police locale ; de déminer ; de protéger les réfugiés ; et d’assurer le maintien des droits de l’homme. Suivant le mandat donné par le Conseil de sécurité des Nations unies, ces rôles peuvent être combinés. La mission de maintien de la paix était encadrée par trois règles auxquelles les États tenaient absolument et qui ont façonné sa définition classique : le consentement des parties en conflit à l’intervention ; l’impartialité des Casques bleus face aux forces en présence ; et la limitation de l’usage de la force par les Casques bleus à des fins de légitime défense uniquement. Il n’était pas question d’ouvrir le feu pour imposer la paix. À l’exception notable de la mission au Congo, en 1960-1964, où la force fut effectivement utilisée pour mettre fin à la sécession de l’État du Katanga, la notion classique du maintien de la paix a guidé la mise sur pied des missions de paix de l’Onu jusqu’au début des années 1990. Cette doctrine a ensuite été revue, suite à plusieurs massacres, notamment au Rwanda et en Yougoslavie, commis sur la population civile, alors que des Casques bleus étaient présents. Depuis, la plupart des mandats autorisent l’usage de la force si la population civile est en danger.
Actuellement, il y a 16 opérations en cours dont sept (7) en Afrique : Minuad au Darfour, Fisnua au Soudan, Minuss au Soudan du Sud, Onuci en Côte d’Ivoire, Minul au Libéria, Monusco en République démocratique du Congo et Minurso au Sahara occidental.