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Pr Mohamedoun Dicko, à propos de la rentrée dans le gouvernement du président de l’Adema «Une option qui donne à réfléchir »
Publié le lundi 1 aout 2016  |  Le Pouce




Le dernier remaniement ministériel a été marqué par l’entrée du président de l’abeille solitaire, le Pr Tiémoko Sangaré dans le gouvernement. Cette rentrée a été perçue par des observateurs politiques comme une allégeance de l’ADEMA –PASJ au régime IBK. Qu’en pense le professeur Mohamedoun Dicko de ce choix du président Tiémoko Sangaré ? Dans un entretien exclusif qu’il bien voulu nous accordé, l’historien à la retraite, premier secrétaire général de l’ADEMA et aujourd’hui président d’honneur, fait son commentaire sur la question.
Le Pouce: Quelle lecture faites-vous de de l’entrée du président de l’ADEMA PASJ, le Pr Tiémoko Sangaré dans le gouvernement ?

PR MOHAMEDOUN DICKO, : « C’est une question d’éthique. Les ministres qui représentent aujourd’hui l’ADEMA au sein du gouvernement sont tous mes jeunes frères. Je pense que la situation a commencé à déraper dans l’ADEMA depuis le congrès de 1994 par rapport à nos fondamentaux et notre éthique politique. C’est pourquoi, en fin 1994, avec un certain nombre de camarades dont Mamadou Lamine Traoré, Tiémoko Sangaré et moi-même, nous sommes partis créer le MIRIA. Nous l’avons fait parce qu’on n’a pas compris l’intervention de l’Etat dans les affaires intérieures du parti. Jusqu’à présent, je condamne cette pratique. Je pense que l’Etat n’a pas à s’immiscer dans les affaires intérieures du parti ; tout comme le parti n’a pas, selon la démocratie actuelle, le droit d’intervenir de façon intempestive dans les affaires de l’Etat. Notre ligne était claire au départ. L’ADEMA se veut un parti démocratique, un parti de progrès, un parti de révolution, un parti créé pour les populations du Mali. Ce parti a été créé pour une autre intention au peuple dans la vie de la nation. Je ne suis pas un politicien. Je suis un militant. Nous ne sommes pas venus à la politique pour faire le politicien. Pour moi, le politicien c’est ce type qui manœuvre, qui manipule, qui calcule, qui cherche à s’agripper à quelque chose. Depuis ce congrès de 1994, des situations nouvelles se sont créées au sein du parti, pas seulement avec l’arrivée des nouveaux. C’est dire, que ce congrès bizarre a complètement déboussolé les gens. On s’est progressivement éloigné de nos méthodes de faire. Pourtant à ses premières heures, c’était un parti assez rigoureux. Mais avec cette situation, j’utiliserai l’expression qu’on perdu le nord. Quand des gens à un certain niveau de responsabilité de l’ADEMA entre dans le gouvernement, cela me parait être une option qui donne à réfléchir. D’abord, je précise en tant que président d’honneur, je nullement pas été consulté sur ce choix. Maintenant, aux ministres ADEMA de faire en sorte que leur participation à l’action gouvernementale ne puisse pas affaiblir le parti. Je crois qu’ils doivent plutôt œuvrer pour ne pas détourner l’orientation du parti. Cependant, il faut savoir que nous sommes dans le jeu politicien. La gestion de l’ADEMA ne doit pas être une affaire de personne. Un dirigeant peut certainement faire des choses qui peuvent ne pas plaire aux militants, mais cela ne doit pas créer des problèmes à l’ensemble du parti. C‘est en cela que ces jeunes ministres doivent s’atteler. A mon avis, l’ADEMA dispose des moyens et des ressources pour faire face à ces genres de situation. Le parti est encore mieux structuré et son passé influence toujours l’opinion des gens. Nous sommes dans une situation très complexe dans laquelle personne ne sait où va le pays. Avec la rébellion et l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat, la perte de notre souveraineté, des idéologies bizarres sont venues pourrir notre atmosphère politique. Les gens ne savent plus ce qu’ils veulent et ce qu’ils doivent faire concrètement. La question de vieux et de jeunes dans la nomination des postes de responsabilité est un faux débat. Opposer les vieux et les jeunes n’existe pas en vraie politique. Ces idéologies de génération importées sont de nature à polluer notre paysage politique. C’est une situation difficile mais réelle. Je pense qu’ils sont conscients de ce qu’ils font. C’est tout ce qui fait que les uns et les autres se fabriquent. Chacun cherche sa tête. Ce qui doit rester inchangé, c’est les orientations de départ. Il s’agit donc de combattre pour la démocratie. L’ADEMA a été créé dans le combat et dans la révolution. Le parti n’a pas d’autre choix. Ceux qui ont fait la révolution pour créer ce parti et qui ne sont plus de ce monde, doivent être des sources d’inspiration pour les cadres d’aujourd’hui à commencer par les premiers responsables. L’ADEMA a été créée dans la révolution. Ceux qui ont créé l’ADEMA n’avaient pas des ambitions pour des places. Ils avaient plutôt des ambitions réelles pour la situation qui prévalait à l’intérieur du pays. Je ne suis pas un donneur de leçons. De toutes les façons, Tiémoko Sangaré est responsable de ce qu’il fait. Il est jeune par rapport à nous autres, mais politiquement, il n’est pas jeune. Il a une certaine expérience qui lui permet de mesurer la teneur de sa responsabilité dans l’action gouvernementale par rapport aux objectifs du parti. Je souhaite tout simplement que l’action gouvernementale lui permettra de comprendre davantage beaucoup de choses pour servir le parti. En réalité, nous sommes dans une situation qui fait que les partis politiques doivent être reformés. Comme disait Tiémoko lui-même, il faut retourner aux options de départ. A mon avis, il ya un dérapage général des partis politiques. C’est valable pour toutes les forces politiques. Il faut, au sein des partis de la rigueur dans les choix et dans la démarche de contact avec la population. Aujourd’hui, il, est regrettable de constater que les partis politiques ne jouent pas le rôle que la population souhaiterait qu’ils jouent. C’est pour cela qu’on a ouvert la voie à d’autres forces. Ce qui fait qu’il ya une certaine anarchie dans le paysage politique. Toute le monde vient et se fait donneur de leçons. Tout le monde a des projets. Alors que ce n’est pas vrai. Ce n’est pas les diplômes qui font le politique. C’est le travail sur le terrain, le contact avec les gens, l’engagement politique pour les populations qui font la différence. Le bon dirigeant politique est celui qui accepte de sacrifier ses intérêts pour la cause du peuple. Aujourd’hui, on est calculateur. Mais cela ne sert pas le pays ».

Le Pouce : Quels conseils donnez-vous à ces ministres ?

PR MOHAMEDOUN DICKO : « Je leur dis de penser toujours à la vie de leur parti, et aux difficultés que les Maliens rencontrent tous les jours, quel qu’en soit la circonstance dans laquelle, ils pourront se trouver. Bref, c’est de penser au pays où l’insécurité est grandissante. S’il doit avoir atteinte à ces éléments, c’est à eux de dire que ça suffit. Cela est important. Pour ce faire, il est de leur devoir de penser à chaque fois à ceux-là qui sont morts pour la démocratie et la liberté des Maliens. A titre d’exemple, je citerai Abdrahamane Baba Touré, premier docteur en physique au Mali, qui a toujours refusé d’entrer au gouvernement ; Ibrahima Ly ; Abdoulaye Barry. En pensant à ces illustres cadres, je pense que les ministres ADEMA pourront éviter des errements. Quand on fait un choix, il faut s’assumer »

Entretien réalisé par Jean Goïta
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