L’Opération de libération des voies publiques a débuté à Bamako il y a de cela quelques jours. Mais cette opération est butée à des sérieux problèmes. Pour preuve, le samedi 30 juillet dernier et hier lundi 1er août 2016, il y a eu des échauffourées et des jets de gaz lacrymogène entre les forces de l’ordre des commerçants. Consciente du rôle des forces vives de la nation pour la bonne exécution de cette opération d’envergure, Mme le gouverneur de district de Bamako, Mme Sako Aminata Kane les a invitées pour trouver une solution et d’anticiper d’éventuels problèmes. Tous les intervenants, sans exception, ont approuvé cette opération. Ce qui a d’ailleurs conforté la position de la « Dame de fer » qui persiste et signe que l’opération va continuer. Lisez les points saillants des déclarations faites au cours de la rencontre.
* Cheick Oumar Sacko, Président du syndicat national des commerçants détaillants du Mali (SYNACODEM) : « On veut discuter et être écouté pour que nos aspirations soient prises en compte »
Je parle au nom du District/Ccim de Bamako. Effectivement Mme le gouverneur m’avait parlé de son intention de faire déplacer les vendeurs au niveau des espaces publics. Je lui ai dit que si elle veut faire ce travail sans heurts, qu’il fallait associer des grandes associations comme la coordination des commerçants détaillants, le Synacodem, le collectif des commerçants qui est divisé en deux aujourd’hui. Je lui ai dit que les endroits qu’elle veut déguerpir, de nous faire une liste pour que je m’entretienne avec les différents responsables (assesseurs, chefs secteurs) des commerçants de Bamako.
Si on fait de la sorte, s’il plait à Dieu, il n’y aura pas de problème. J’ai déclaré mon accompagnement à l’endroit de Mme dans ce sens. Mais peut être que Mme a oublié après de nous relancer. Cinq jours après, quand l’opération tirait vers sa fin, j’ai dis à mon secrétaire administratif d’écrire à Mme le gouverneur pour lui dire qu’on a été exclu de l’opération, car chaque jour on est interpelé pour nous dire qu’on ne réagit pas, qu’on a pris de l’argent, qu’on a été acheté.
Elle m’a appelé à travers son chef de cabinet pour me dire que la liste avait été remise aux coursiers qui a fait deux jours à me chercher sans dire aussi à la hiérarchie qu’il ne m’a pas vu. Ça c’est fait le mercredi passé à 15h 30mn. Du coup, on l’a envoyé une lettre pour une demande de rencontre. Elle vient de dire qu’il y a beaucoup de places dans les marchés. Si nos commissions connaissent ces endroits, on s’organisera comment repartir nos militants.
J’ai invité les militants à cesser les casses et les jets de pierres qui ne vont rien résoudre. Je suis totalement d’accord avec mon président qui suggère que les bâtiments administratifs qui sont en train d’être vendus à des individus individuellement soient mis à notre disposition. Je me réjouis que le sujet débattu ainsi. Mme le Gouverneur, le district CCIM vous accompagne à 100% car vous avez associé la CCIM à l’action. On veut discuter et être écouté pour que nos aspirations soient prises en compte. Ce n’est le souhait de personne de vendre au bord du la route, tout le monde veut être dans sa boutique.
* Youssouf Bathily, président CCIM : « Nous avons les moyens pour construire des marchés, mais nous avons un problème d’espaces aménageables »
La population de la ville de Bamako s’agrandit, mais il y a très peu d’espaces dans les marchés pour abriter les marchands. C’est pourquoi, les gens sont obligés d’occuper les abords des routes. Ce problème d’espace sera beaucoup plus préoccupant dans le futur. Donc, allons-y avec des propositions concrètes. Nous avons demandé aux maires des six communes de Bamako de nous proposer des espaces.
Nous avons les moyens pour construire des marchés même si c’est cent milliard de nos francs, mais nous avons un problème d’espaces aménageables. Personne n’est censé ignorer la loi, mais cette si activité avait prévue des mesures d’accompagnement ce serait une bonne chose. Il est plus facile de déguerpir quelqu’un d’un endroit en lui montrant un lieu recasement. Nous avons démarché le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières pour avoir des espaces aménageables mais on entend toujours les réponses.
* Mamadou Minkoro Traoré, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers du Mali (Apcmm) : ‘’ A Bamako, ce sont les manœuvres qui sont les plus nombreux, mais nous sommes oubliés’’
S’il ya altercation, chacun fait appel à son chef, depuis le début de cette altercation à nos jours nous avons été oublié, nous les manœuvres. Qui sont les manœuvres ? Au bord des goudrons, les gens ont tendance à dire que ce sont les mécaniciens seulement qui sont les manœuvres, hors les bouchers, les propriétaires de « Dibiterie », les vendeurs de café même les boulangers.
A Bamako, ce sont les manœuvres qui sont les plus nombreux, on peut l’apercevoir en allant dans les communes, dans les quartiers, on y verra des ateliers de coutures, des soudeurs, des menuisiers. Madame à partir d’aujourd’hui si vous nous associer aux travaux, j’en serai heureux. Avant de prendre une telle décision concertez nous pour savoir notre avis, nous-mêmes on peut vous proposer la meilleure solution.
* Dramane Niaré, représentant des familles fondatrices de Bamako : ‘’ Je vous encourage à continuer dans cette opération de libération des voies publiques mais sache que tu n’aura pas de renom’’
On ne peut pas plaire à tout le monde. Autrefois, on disait Bamako, la ville coquette, mais, maintenant ce n’est plus le cas. En tous cas, Madame le gouverneur, je vous encourage à continuer dans cette opération de libération des voies publiques mais sache que tu n’aura pas de renom dans cette opération. On veut que les manifestants sachent que l’initiative de libération des voies publique ne vient pas de nous mais du gouvernement. Nous le soutenons dans ce sens.
Bamoussa Touré, coordinateur des chefs de quartiers de Bamako
‘’ A la fin de l’opération, beaucoup de gens vont se réjouir car la circulation sera fluide’’
Le début de cette opération de libération des voies publiques est difficile mais n’empêche, elle est vitale. Si on veut bien gérer Bamako, on commence par le marché qui est le lieu de convergence des commerçants. Nous déplorons quand même les dégâts qui ont entaché l’opération. Et je sais que ce n’était pas le souhait de Madame le gouverneur. Nous devons aider Ami Kane. Je suis pour le dialogue et non pour les marches. Parce qu’avec les marches tout peut arriver. A la fin de l’opération, beaucoup de gens vont se réjouir car la circulation sera fluide.
* Issa Kaou Djim, représentant du Haut conseil islamique du Mali (HCIM) : ‘’ Si on avait tenu cette rencontre avant l’opération de déguerpissement, ça aurait limité les dégâts’’
Cette opération de libération des voies publiques est une initiative de l’Etat malien. A mon avis c’est effectuer pour mettre la population à l’aise. Et chaque opération doit obéir à des préalables. Je ne dirais pas que ces préalables n’ont pas été faits, mais ils sont insuffisants. Les mesures d’accompagnement en amont n’ont pas été faites par le gouvernement. Je suis commerçant, je sais de quoi je parle.
Le marché rose n’a pas été construit. Il ne faut pas se leurrer, aucun pays ne se construit dans l’anarchie. Mais aucun pays ne peut se construire sans les commerçants. Car ce sont les commerçants qui paient les taxes et impôts pour assurer le fonctionnement de l’Etat. On doit aider l’Etat dans les différentes tâches de développement du pays et cette opération de libération des voies publiques en est une.
Il est nécessaire de trouver un compromis pour la bonne exécution de cette opération. J’invite Mme le gouverneur d’être constante dans cette opération. Tout le monde doit s’impliquer en termes de sensibilisation et de communication autour de l’opération. Si on avait tenue cette rencontre avant l’opération de déguerpissement, ça aurait limité les dégâts et ça aurait atténué les rumeurs autour de l’opération.
* Mopha Haïdara, représentant regroupement des leaders religieux : « Il faut que les travaux se fassent dans les règles de l’art »
Le Mali est une grande nation, un pays de vielle civilisation. S’il y avait quelque chose au Mali dont on pouvait se glorifier, c’était la paix, l’entente, l’apaisement mais maintenant ce n’est plus le cas. L’occupation anarchique des voies publiques n’arrange personne. Mais il faut s’entretenir avec les acteurs du marché.
En tout cas nous te soutenons dans l’opération de libération des voies publiques. Il faut que les travaux se fassent dans les règles de l’art. Et puis on entend des rumeurs que c’est à cause du sommet Afrique-France de 2017 que l’opération est menée. Si c’est le cas, c’est un handicap, car, après le sommet, Bamako continuera d’exister. Enfin, Mme le gouverneur, nous vous en appelons à l’écoute.
* Adama Sangaré, Maire du district de Bamako : « Le défis de ladite opération, c’est la continuité jusqu’à la fin »
On a fait ces genres de rencontre à plusieurs reprises. Madame le gouverneur est en train de nous aider dans notre tâche. Tout le monde est unanime sur cette opération de libération des voies publiques. Le défis de ladite opération, c’est la continuité jusqu’à la fin. C’est le marché qui rend cette opération très difficile car il y a plusieurs associations.
Je me réjoui du fait que le président de la chambre du commerce et d’industrie du Mali, Youssouf Bathily soit ici à cette réunion, comme ça, si une association se plaint qu’elle n’est pas au courant de l’opération, Bathily doit pouvoir la ramener à la raison tout en faisant savoir que toutes les association doivent se retrouver au sein de la CCIM. Normalement cette opération de libération des voies publiques doit être une mission permanente des mairies. Mais elles n’ont pas de moyens.
Nous souhaitons ces genres de rencontre pour éviter des échauffourées et des jets de gaz lacrymogène entre les forces de l’ordre et les manifestants. Nous invitons les représentants de faire la restitution à leurs bases pour une bonne communication et une bonne sensibilisation. Cette opération doit s’effectuer dans la durée. C’est un travail de longue haleine. Bamako était propre mais à l’époque la population n’était pas aussi nombreuse que maintenant. Et cette assise doit porter ses fruits. L’opération ne sera pas arrêter.
* Bocar Moussa Bah, président de Mouvement Sabati 2012 : « Si cette opération échoue c’est donc la fin de l’autorité de l’Etat dans le pays »
Depuis le commencement de ces travaux, il n y a aucun leader sur cette tribune qui n’a pas été interpellé par les membres de son regroupement qu’il soit commerçant, leader religieux, notable, homme politique ou autres. Au début. Notre conviction sociale et religieuse nous oblige à dire la vérité à tout le monde : aux autorités du pays tout comme aux militants de notre association. C’est une obligation de dire la vérité à nos militants.
Nous avons dit qu’il y a beaucoup d’imperfections dans ce travail. Les membres de mon association sont les plus touchés dans cette opération de déguerpissement des voies publiques avec au moins plus de 80 % de la population concernée. Il faut retenir que si cette opération échoue c’est donc la fin de l’autorité de l’Etat dans le pays. Le mouvement Sabati 2012 soutient entièrement cette opération malgré qu’elle soit en défaveur de beaucoup de nos militants.
* Souleymane Satigui Sidibé, vice président du CNJ : « Il faut que tout le monde soit traité sur le même pied d’égalité»
Nous n’avons pas été associés à cette opération ni de prêt ni de loin. Quand le gouverneur a été investi, nous l’avons approché pour échanger sur les modalités de collaboration entre le gouvernorat et le CNJ et nous avons discuté sur le cadre de l’assainissement de Bamako, mais le gouverneur n’a pas abordé le sujet concernant cette opération de dégagement de la voie publique.
Notre inquiétude est de savoir si les populations déguerpies par cette activité ont reçu des avertissements et surtout leurs leaders d’association ainsi que les leaders religieux et les autorités du pays. Il faut que tout le monde soit traité sur le même pied d’égalité. L’une des difficultés dans ce pays, est qu’il y a malheureusement des gens qui sont au dessus de la loi, car l’on voit sur une même ligne des kiosques cassés et des bâtiments intouchables. Sinon, nous soutenons cette opération.
* El Hadj Moctar Koné, président du Recotrade : ‘’J’invite Bathily à organiser une réunion pour calmer les ardeurs des commerçants manifestants’’
Nous devons faire en sorte que le Mali soit un Etat fort. Que les citoyens puissent respecter l’Etat de droit. Sachons raison garder. Tout le monde ne peut être chef. L’argent a tendance à dominer les choses. J’invite Bathily à organiser une réunion pour calmer les ardeurs des commerçants manifestants et d’être sans complaisance en faisant savoir que tout ce qui sera pris en flagrant délit en train de casser sera arrêter.
Propos recueillis par Aguibou Sogodogo, Moussa Dagnoko, Hadama B Fofana, Kalemba wa Kalemba et Aliou Doumbia
Source: Lerepublicainmali