Au moment où la communauté internationale se mobilise pour aider le Mali à reconquérir le Nord et à se remettre en selle, l’armée malienne – pardon, les bérets « rouges » et « verts » – continuent de se regarder en chiens de faïence.
L’atmosphère qui se dégage au sein de l’armée malienne est des plus inquiétante, au regard de la complexité de cette crise multidimensionnelle (surtout sécuritaire) que vit le pays. La hiérarchie militaire ne serait pas en train de jouer son rôle de conciliation. Du coup, cette paix tant attendue des bérets est renvoyée aux calendes grecques.
En effet, les récentes déclarations du chef d’état-major des armées, Dahirou Dembélé, n’ont fait qu’attiser le feu. « Par rapport à la résolution de cette crise, les autorités font tout sauf ce qui est essentiel pour une cohésion entre les fils et filles du pays et même entre les éléments des différents corps de l’armée malienne », s’exclame le lieutenant Jean-Marie qui se dit convaincu que ce n’est nullement le temps de se regarder en chiens de faïence : « Certes, la cause nationale doit nous interpeller, et nous pousser à taire nos ego… À la hiérarchie de jouer son rôle. »
Dans l’entretien qu’il a accordé lundi soir à nos confrères de la télévision nationale, Dahirou Dembélé s’est montré inflexible et dur avec le régiment des commandos parachutistes (RCP) appelés « bérets rouges », dont le redéploiement est très attendu du peuple malien. Il a affirmé lors de son allocution que les forces armées, avec l’accord de la CEDEAO et des Occidentaux, empêcheraient tout rassemblement des bérets rouges dans leur camp et qu’il avait été demandé à ces derniers d’accepter leur mutation dans les autres régions.
Impossible réconciliation ?
Le capitaine Sanogo avait annoncé à la télévision nationale, au lendemain de la tentative de contre-coup d’État (le 30 avril 2012), la dissolution pure et simple du régiment des commandos parachutistes. Aussi plusieurs d’entre eux avaient-ils été arrêtés et écroués dans les locaux de Kati où ils ont subi des sévices corporels. Une vingtaine sont toujours portés disparus.
Depuis lors, aucune volonté politique n’avait songé à entreprendre la moindre action dans le sens d’une conciliation entre ces frères d’armes qui, ne serait-ce que pour le bon sens, devraient s’entraider pour poursuivre la reconquête des régions nord du pays. Des sources concordantes signalent que le capitaine Sanogo refuse toute initiative de réconciliation entre ses hommes et les bérets rouges. Avec une telle attitude, la promesse du président intérimaire de réconcilier les composantes de l’armée ne pouvait que rester lettre morte.
Pis, plusieurs membres du RCP se plaignent des mutations, jugées arbitraires, imposées par la hiérarchie militaire. « Ils veulent nous diviser, c’est tout », s’indignaient-ils lors d’un rassemblement organisé au « camp para », leur QG. Ainsi, la plupart d’entre eux ont refusé de se rendre dans leur lieu d’affectation, précisant que ce n’était pas au capitaine Sanogo de dissoudre une unité d’élite.
Comme pour enfoncer le clou, Dahirou Dembélé a annoncé à la télévision l’interdiction de tout regroupement corporatif au sein du « camp para ». Ce qui a provoqué l’ire de l’opinion nationale, qui lit en l’attitude de la hiérarchie militaire une volonté affichée d’attiser le feu.
Pour plusieurs femmes « du camp para », il est temps d’enterrer la hache de guerre. « Cela constituerait sans doute un pas décisif vers la libération de notre pays », affirme Minata Traoré, dont le mari fait partie de la trentaine de militaires libérés après avoir été arbitrairement arrêtés et détenus sans mandat par la junte.
« La cause du drapeau malien doit prévaloir. Et nous réaffirmons notre volonté de nous battre aux côtés de nos frères d’armes, mais pas dans ces conditions », indique un ex-détenu.
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