Les pilotes du vol Ouagadougou-Alger qui s’est crashé le 24 juillet 2014, à Gossi dans le Nord du Mali, n’étaient pas formés aux manœuvres qui auraient pu éviter le drame.
C’est le Syndicat des pilotes espagnols (Sepla) qui vient de faire cette déclaration, rejoignant ainsi le Bureau d’expertise aérienne (BEA), qui a mis en avant «l’erreur humaine» dans le crash de l’avion de Swiftair affrété par Air Algérie, causant la mort de 116 personnes. Pour Air Algérie, il faut attendre la fin des trois enquêtes pénales engagées en France, en Espagne et en Algérie pour valider les conclusions et se retourner contre Swiftair.
Le syndicat des pilotes espagnols relance la polémique. De plus en plus, les causes du crash du vol AH5017 d’Air Algérie se précisent. Après les conclusions du BEA de Paris qui évoquent «une erreur humaine», c’est au tour du syndicat des pilotes espagnols de pointer du doigt leurs collègues qui étaient aux commandes du McDonnell Douglas MD83 affrété par Air Algérie auprès de la compagnie espagnole Swiftair, à bord duquel se trouvaient 110 passagers et six membres d’équipage qui ont trouvé la mort, le 24 juillet 2014 dans la région de Gossi, au Mali.
Dans un communiqué largement repris par l’AFP, le Sepla, a déclaré que «les pilotes espagnols aux commandes de l’avion d’Air Algérie de ce 24 juillet 2014 n’étaient pas formés aux manœuvres qui auraient pu éviter le drame».
Une conclusion à laquelle était arrivé, en avril dernier, le BEA de Paris à la suite d’une enquête technique. Pour les experts du BEA, le crash a été provoqué par «la non-activation par l’équipage du système antigivre », suivie de «l’absence de réaction des pilotes» pour sortir d’une situation de décrochage. «L’obstruction des capteurs de pression des moteurs en raison du givre a conduit à une diminution de la poussée des moteurs, puis de la perte de vitesse de l’avion. L’équipage n’aurait pas détecté cette diminution de vitesse jusqu’au décrochage, puis n’a pas été en mesure de le rattraper ». Le Sepla explique cette non-réactivité de l’équipage par le «manque d’expérience».
«Les pilotes n’avaient jamais été formés pour affronter une telle situation», note le syndicat, en rappelant d’autres accidents aériens causés par ce type de problème, citant le vol Rio-Paris d’Air France en juin 2009 avec à son bord 228 passagers. Aussi, le syndicat s’attaque à la compagnie Swiftair en l’accusant de ne pas avoir pris les mesures nécessaires : « depuis, l’Organisation de l’aviation civile internationale a prévu des formations complémentaires, qui n’ont pas été mises en œuvre par Swiftair avant l’accident. Nous n’apprenons pas de nos erreurs», a dénoncé, lors d’une conférence de presse, Ariel Shocrón, Chef du département technique du syndicat, repris par l’Afp. «Le pilote et le copilote étaient très expérimentés, ils avaient plus de 16 000 heures de vol sur cet aéronef (...) Nous avons besoin davantage d’entraînement de meilleure qualité», a lancé le responsable syndical.
Du côté d’Air Algérie, l’heure est à la commémoration douloureuse de cet accident.
D’abord en France (Paris), pays qui compte 54 victimes, où une cérémonie de recueillement a eu lieu, puis aux alentours de l’aéroport de Ouagadougou, où les travaux de construction d’une stèle commémorative viennent d’être lancés.
«En cas d’erreur humaine, notre assureur se retournera contre Swiftair»
Sur la responsabilité de ce crash, la compagnie est obligée d’attendre les résultats des procédures pénales ouvertes en France, en Espagne et en Algérie sur les circonstances de l’accident.
«En attendant la fin de ces enquêtes, la compagnie a engagé la procédure d’indemnisation des familles des victimes conformément à la Convention de Montréal. Les négociations collectives et individuelles, par le biais des avocats de nos assureurs, ne se sont jamais arrêtées. Les familles des six victimes algériennes ont été indemnisées. Une avance sur indemnisation a été remise à 52 autres familles avec lesquelles les négociations sont en bonne voie. Il y a bien sûr quelques familles qui ont refusé l’indemnisation et attendent la fin de la procédure. Nous avons déjà gagné le procès intenté par des familles au Canada. C’est un travail de longue haleine entrepris par les avocats de nos assureurs», déclare Nabil Doumi, chargé des affaires générales à Air Algérie.
À propos des accusations portées à l’encontre de Swiftair, le responsable explique : «Nous ne pouvons rien faire pour l’instant. Les conclusions d’une expertise peuvent être remises en cause par l’une ou l’autre partie. Il faudra attendre la fin des actions pénales. Dans le cas où elles confortent la thèse de l’erreur humaine, notre assureur pourra se retourner contre l’assureur de Swiftair, auquel il exigera le remboursement de toutes les dépenses de la compagnie, voire un dédommagement puisqu’Air Algérie a subi un énorme préjudice en raison de ce crash.»
Au-delà des responsabilités pénales ou des indemnisations, ce crash, faut-il le rappeler, constitue un drame pour les familles des 116 victimes. Si certaines parmi elles ont pu être identifiées puis enterrées chez elles, d’autres n’ont pu être rapatriées, laissant leurs familles dans le désarroi le plus total.
À la veille du deuxième anniversaire, celles-ci apprennent que les autorités maliennes ont pris la décision, en mai dernier, d’enterrer les restes humains à Bamako, en expliquant avoir respecté «toutes les dispositions réglementaires de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Les victimes venaient d’une quinzaine de pays, il était difficile de faire autrement ».
Reprise par les médias maliens, cette déclaration d’un haut responsable à Bamako a suscité beaucoup d’inquiétude et surtout de la colère parmi les familles des victimes qui souhaitaient le rapatriement des restes de leurs proches non identifiés et leur enterrement. À Ouagadougou, une stèle sera érigée à leur mémoire. Leur vœu n’a pas été exaucé.
Arouna Traoré