Début le 10 août prochain d’un dialogue national pour une justice de qualité : «Il ne sera plus question de trouver dans la Justice, un juge pourri qui tend la main, qui rend la Justice en contrepartie de ce qu’on lui paye. Des sanctions vont tomber à l’occasion», dixit le ministre Konaté face à la Presse
Dans un grand oral devant la Presse le mardi 2 août 2016 au sein de son département, le nouveau ministre de Justice et des Droits de Homme, Garde des Sceaux, Me. Mamadou Ismaila Konaté a après avoir parlé de la grève du Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM), évoqué les maux qui minent le secteur avant de livrer sa vision pour une Justice sincère. Pour ce faire, le Garde des Sceaux a annoncé la tenue d’un Dialogue national qui débutera le mercredi 10 août prochain afin de recevoir les revendications des différents corps de la Justice mais également de proposer des solutions pour une justice de qualité. Ce dialogue s’étalera sur deux mois. Cette conférence s’est déroulée en présence des directeurs des services techniques relevant du département de la Justice.
D’entrée de jeu, Me. Konaté fera savoir que la Justice, telle qu’elle est rendue au Mali actuellement, est décriée par tous pour sa mauvaise qualité et son manque de pertinence. Elle est marquée entre autres par la corruption, la dépendance, la partialité, la lenteur et la mauvaise interprétation des textes. Pour lui, dans cet univers de maux qui pourrissent la Justice, le premier responsable pointé du doigt, est le juge lui-même.
Le nouveau Garde des Sceaux qui se dit «avocat des juges sans être complaisant avec eux» souligne que pour une justice de qualité, le juge doit être mis dans toutes les conditions pour exercer de façon claire sa profession. Pour Me. Konaté, « la situation du juge est aujourd’hui dramatique. Le juge a mal dans son corps, mal dans son esprit et mal dans sa tête. Il est mal loti et mal sécurisé. Bref, il est le grand corps malade de la Justice. Comment peut-il rendre, dans ces circonstances, une justice de qualité ? ».
Parlant des points de revendications, le ministre Konaté a indiqué qu’en accédant à ce département, il a trouvé sur son bureau deux préavis de grève. L’un du Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et l’autre du Syndicat libre des magistrats du Mali, en convention avec le Syndicat des greffiers et secrétaires de greffe.
Dans ce grand oral, Me. Konaté, indiquera que les défis sont d’autant plus grands que la qualité de la Justice et les juges sont mis en cause quotidiennement par les citoyens. Sans écarter toute responsabilité du juge quant à la qualité de la justice rendue, il demande aux justiciables de se remettre eux-mêmes en question car, dit-il «il n’y a pas de juge corrompu sans corrupteur».
Dialogue national pour recevoir les revendications des acteurs de la Justice
Pour guérir ce grand malade de la République, le ministre Konaté indiquera les démarches qu’il a effectuées depuis son arrivée à la tête du département auprès de l’ensemble des acteurs de la Justice. Avec ceux-ci, il a été question, dit-il, non seulement des conditions dans lesquelles les magistrats exercent leur travail mais également des questions qui minent le secteur. Il poursuivra en annonçant qu’il a été convenu avec l’ensemble des acteurs, du démarrage le 10 août 2016, d’un dialogue national sur la justice pour permettre de recevoir les revendications des différents corps de ce métier mais également de proposer des solutions pour une justice de qualité.
Pour le ministre en charge de la Justice, après «satisfaction» des conditions des magistrats, ces derniers doivent se plier aux exigences de l’Etat. En ce moment, «il ne sera plus question de trouver dans la justice, un juge pourri qui tend la main, qui rend la justice en contrepartie de ce qu’on lui paye. Des sanctions vont tomber à l’occasion». Pour atteindre cet objectif, Me. Konaté dit compter sur la presse pour dénoncer, dans les règles de l’art, les anomalies de la justice. «Dénoncez mais soyez prudents », s’est-il adressé aux hommes de médias.
Abordant l’épineuse question de la délinquance financière qui fait perdre à l’Etat plusieurs milliards de F CFA par an, le ministre Konaté pense que la démarche de la lutte contre la corruption, entamée depuis longtemps, n’est pas une réussite parce que le juge n’a pas suivi. Il se pose la question de savoir comment comprendre que sur 208 dossiers de lutte contre la corruption déposés auprès des juges depuis 2007, 110 ont été classé sans suite dans des conditions inexplicables. «Cela est inacceptable quand on sait que le total des poursuites équivaut à plus de 320 milliards de F CFA ». Pour lui, pour réussir ce combat, il faut alors changer de méthode et de manière de faire.
La délinquance des usagers, avec son lot d’incivisme, qui ne respectent presque pas les normes sur les routes en ce qui concerne le permis de conduire, l’assurance et les visites techniques, reste pour le ministre Konaté une autre tare à laquelle il faut trouver la solution. «En longueur de journée, des délinquants tuent sur les routes sans être inquiétés » dit-il avant de décrier la violence conjugale. Pour tous ces maux, il dit avoir instruit aux procureurs de mettre l’accent sur la répression de l’incivisme sur les routes, la délinquance financière et la violence conjugale.
Le ministre Konaté a plaidé entre autres pour une justice régulière, qui est rendue conformément à la Loi. «Une justice diligente qui se tient à des heures fixes. Une justice qui respecte les droits et devoirs des détenus ». Pour permettre aux juges de rendre cette Justice, le garde Sceaux pense qu’il faut «des juridictions propres et sécurisées et non avec des palais de Justice encombrés, sales avec un laisser-aller qui perturbe le fonctionnement du service». Il a dénoncé le fait que certaines cours de Tribunaux soient transformées en lieu de commerce des produits alimentaires, cosmétiques et d’habillements.
Humaniser les prisons
De nos jours, les conditions de détentions des prisonniers laissent à désirer, avec une pléthore de détenus dépassant le nombre requis sans compter l’insalubrité des lieux. Ainsi, pour le ministre Konaté, «la prison n’est pas descriptible, c’est un mouroir ». Il a annoncé un plan de désengorgement des prisons qui est en cours. «Déjà 111 détenus ont été transférés à l’intérieur. Ce mercredi, (NDLR : 3 août 2016) 500 détenus le seront également. L’objectif visé est de ramener la population carcérale de Bamako à 800 » a-t-il indiqué. En plus, il a annoncé que l’administration pénitentiaire ne dispose pas de moyens de transport adéquats, permettant de transporter dans le respect de la dignité humaine, les détenus des prisons aux tribunaux.
Il importe de souligner que répondant à une préoccupation de la Presse, le ministre a assuré que la question des victimes de la crise de 2012 sera largement évoquée lors du dialogue national annoncé. En ce qui concerne les résultats de l’enquête sur les récents évènements survenus à Gao, avec son lot de victimes, il a révélé que le «dossier est bien avancé et qu’à ce stade, les investigations ont indiqué que les balles utilisées lors des manifestations ne provenaient pas toutes des armes des forces de sécurité ». En outre, précise-t-il «les expertises montrent que certaines balles ont été tirées de dos et de près».
En somme, pour le ministre Konaté, « la vraie Justice est celle à laquelle l’Etat au sommet se soumet lui-même ». Alors, vivement cette justice pour le bonheur et l’honneur des Maliens.
Dieudonné Tembely
tembely@journalinfosept.com