La question va certainement demeurer éternellement, faute de réponse: Que cherche la France au nord du Mali ? Plus précisément : quelles sont les visées de l’Hexagone sur Kidal ?
Une inquiétude d’autant plus légitime que la France, tous régimes confondus, se montre intimement attachée à la 8è région administrative du Mali. Subterfuges politiques, dépenses mirobolantes, acheminement de matériels non identifiés, dépôt de déchets nucléaires et stationnement de la force Barkane à Kidal, tout y passe pour s’accaparer la région et la ville et ne laisser nulle part où la main ne passe et repasse.
Mais, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est quand l’armée malienne a été laissée au bord de la route par les forces françaises qui les ont empêchées d’entrer à Kidal au moment de la libération du nord en janvier 2013. S’y ajoutent les incohérences dans les actions anti-terroristes de la puissance colonisatrice. Aujourd’hui, les Maliens ont tout compris : la France a un agenda caché pour Kidal.
Malgré Barkhane, qui a remplacé, le 1er août 2014, l’opération Serval déclenchée début 2013 au Mali, et la Minusma, le septentrion malien n’a pas vu diminuer les activités des djihadistes et d’autres éléments armés. L’attaque de la garnison de Nampala le 19 juillet dernier avec une colonne d’une quarantaine de véhicules et une vingtaine de motos le certifie de la belle manière, tout comme les embuscades quotidiennes et les explosions des mines dans les régions de Mopti, Tombouctou et Gao.
Aujourd’hui au Nord, rien ou presque n’a encore été réglé. Certes, depuis le 15 juin 2015, un accord dit de « paix et de réconciliation » a été solennellement conclu entre le pouvoir central et des groupes armés, dont la CMA qui contrôle toujours une partie du pays. Mais la seule chose qui a été vraiment actée depuis est la création de deux nouvelles régions administratives dans le nord-est du pays (Ménaka et Taoudéni), qui doit s’inscrire dans un mouvement de « décentralisation ».
Le bilan est plus que maigre, vu que l’hexagone est, depuis trois ans en guerre au Mali. Et on compte déjà des milliards d’euros dépensés. Au total, la France débourse un montant de 2,6 millions d’euros (plus de 1,7 milliard de FCFA) en moyenne par jour. Ces chiffres qui donnent, et bien d’autres sacrifices français, amènent plus d’un observateur à se demander si la France supporte toutes ces dépenses colossales pour le seul et unique bien du peuple malien. Il y a de contrepartie, dit-on, sans sourciller.
Une prédiction du Guide Kadhafi
Certains pensent que les terroristes ne sont pas l’objectif de cette guerre. Ils sont seulement le prétexte. Pour eux, l’intervention française au Mali camoufle un projet d’accaparement des richesses naturelles du pays. Le nord du Mali est considéré par beaucoup de spécialistes de la question comme une zone extrêmement riche en uranium et autres ressources minières.
Ainsi, l’objectif de cette guerre serait, à long terme, de maintenir en permanence sa présence militaire de la France au Mali, en faire un Etat sous tutelle des Occidentaux pour leur réserver l’exclusivité des richesses du pays.
Le Guide de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, avait (en 2010) alerté sur les prétentions des Occidents dans le Sahara. Particulièrement, il avait attiré l’attention sur la présence dans le nord du Mali des trafiquants, des animistes et des Salafistes qui offrent des prétextes aux Occidentaux pour s’installer dans le Sahara. Le dirigeant libyen était toujours resté convaincu que tout conflit dans les pays du grand Sahara ne sert en réalité que des intérêts occidentaux.
«Malheureusement, nos ressources sont pillées par les occidentaux et on les laisse faire. Au même moment, nos enfants souffrent de manque de soins, d’éducation et de chômage. Ils sont sur le chemin de l’émigration», s’indignait-il.
Ce message était adressé aux représentants des communautés de Gao, reçus chez lui dans son palais. Ce 25 août 2010-là, le Guide avait averti invités à propos du nord du Mali. Ils devaient s’entendre, dit-il et déposer les armes, pour ne pas ouvrir définitivement les vannes pour la France.
«Au Mali et partout dans le Sahara, nous devons garder à l’esprit que nous n’avons aucun intérêt dans les conflits, surtout entre communautés qui vivent dans le même espace. Aussi, en tant que musulmans, nous ne sommes pas sans savoir que l’Islam interdit qu’on s’entretue. L’islam nous interdit la guerre», avait conseillé le leader de la grande Jamahiriya libyenne.
« Nos armes, nous devons les utiliser contre le colonialisme, les occupants, l’impérialisme et le sionisme. Ces armes ne doivent absolument pas être utilisées par nous contre nous-mêmes », poursuit le Guide de la Révolution. Pour qui, les Occidentaux inventeront tous les prétextes possibles s’ils ne créent pas les situations, pour habiter dans le Sahara à partir du nord du Mali.
C’est pourquoi, Kadhafi a invité toutes les communautés du nord Mali à s’investir dans des tâches de développement, pour barrer la route aux Blancs : « Notre combat doit être la valorisation des immenses ressources dont nous disposons, entre autres, les nappes d’eau ».
En vrai visionnaire, le Guide avait l’intime certitude que les Occidentaux (pour ne pas nommer les Français) utiliseraient le double prétexte de l’insécurité et du sous-développement pour envahir le nord du Mali.
Un pays entouré de richesses
Pour d’autres analystes, la proximité du Mali d’avec le Niger et son uranium, d’avec l’Algérie et son gaz et son pétrole, et d’avec la Mauritanie pétrolifère, fait de ce pays et de la zone du sahel occidental toute entière un périmètre à protéger et dans lequel il est intéressant de s’assurer des espaces de contrôle.
La France l’a bien compris et a depuis longtemps, avec ses entreprises à ses côtés, investi ces terres. Elle interviendrait au Mali afin de faire en sorte que le conflit ne se propage pas au Niger (qui connaît les mêmes difficultés socio-économiques que le Mali et une menace armée presque comparable) s’il veut s’assurer l’approvisionnement des centrales nucléaires françaises en uranium.
Aussi, au-delà des justifications sécuritaires ou humanitaires, se cachent derrière l’intervention française au Mali, de grands enjeux géopolitiques avant même d’être économiques ou énergétiques. Géopolitiques parce qu’en réalité, la France ne cesse d’être en perte de vitesse en Afrique depuis quelques décennies, et que, si cette mauvaise tendance devait se confirmer sans anticipation, ni intervention militaire, la France forte ne ferait que subir la montée de l’influence américaine dans toutes ses anciennes colonies.
Mais, la thèse la plus pertinente reste celle relative au projet d’accaparement des ressources naturelle du Mali. A cet effet, l’hexagone fait montre d’une duplicité déconcertante dans la résolution de la crise.
Aujourd’hui, tout est fait pour maintenir la confusion. Conséquence : l’autorité de l’État n’a pas été retrouvée (à Kidal) et ne peut pas l’être, puisque la France l’interdit. Comme quoi, les groupes armés du Hcua sont les alliés de la France dans la réalisation de leur sinistre projet. Le fil des évènements démontre à suffisance cette intelligence.
Pour mémoire, au tout début de la crise, la revendication principale de ces groupes tolérés par la France était d’obtenir, ni plus, ni moins que l’indépendance de tout le nord du Mali. A la longue, la France, sachant bien ces mouvements ne pouvaient étendre leur mainmise sur cette vaste région, les a invités à changer de discours.
C’est désormais une autonomie qu’ils demandent. Et cette autonomie est une formule qui arrange la France, car les régions du nord auront une indépendance financière. Avec un tel pouvoir, il ne fait aucun doute que la France sera la première à bénéficier de la part des garants de ses intérêts, de l’exclusivité de l’exploitation des richesses de cette partie du Mali.
Soutien occulte de Barkhane
Voilà qui explique le soutien occulte de Barkhane à la Coordination des mouvements de l’Azawad, chaque fois que celle-ci est menacée. Pas aussi lointain que le mois dernier, de violents affrontements avaient opposé les combattants du Gatia (Groupe d’auto-défense touareg Imghad et alliés) aux éléments de la CMA. La suite est connue… Le Gatia a fini par abandonner la ville de Kidal. En réalité, le Gatia avait subi la pression (l’intervention ?) des forces françaises et de la Minusma.
Le vendredi 22 juillet dernier, des responsables du Gatia et de la Plateforme avaient dénoncé cette ingérence française en ces termes : « les français ont sauvé leurs protégés ». Cette ingérence n’était pas la première. On se souvient, la plateforme avait pris la localité de Ménaka, le 27 avril 2015. Elle sera contrainte, à la faveur d’un « arrangement sécuritaire » de quitter cette localité.
Il s’est avéré que la pression de la médiation visait surtout à satisfaire les désidératas de la CMA, qui avait fait de ce retrait un préalable à la signature de l’accord de paix déjà entériné le 15 mai 2015 par le gouvernement malien et ses alliés.
Aussi, toujours sur fond de chantages et de fourberies, la CMA avait aussi réussi à retrouver ses positions à Anéfis, d’où elle avait été chassée par la Plateforme, en septembre dernier. Cette localité stratégique du nord du Mali avait été prise, en mi-août, aux rebelles de la CMA. Pour y revenir, elle a dû faire appel à ses soutiens occultes.
Après les évènements d’Anéfis, survint ceux de Kidal. Là également, les casques bleus de la Minusma ont unilatéralement établi (18 août 2015) une zone de sécurité autour de la ville de Kidal, afin d’empêcher le Gatia d’entrer dans la ville de Kidal. En réalité, le jeu était orchestré par la France qui fait tout pour maintenir Kidal sous le contrôle des rebelles de la CMA. Une stratégie de partage du Mali que Paris avait déjà dévoilé en 2013.
A cette époque, l’opération Serval, après avoir libéré les régions de Gao et Tombouctou, avait interdit l’accès de Kidal à l’armée malienne.
Ensuite, sur ordre de la France, 250 militaires maliens ont été acceptés à Kidal. Aujourd’hui, il apparait clairement que les autorités françaises veulent imposer aux Maliens l’existence de Kidal comme Etat…
Un Etat sous le contrôle des rebelles de la CMA… Eux-mêmes, sous le diktat des Français. Au-delà, la question majeure qui se pose aujourd’hui est : que font les militaires français déployés à…Tessalit ?
CH Sylla
Source: L'Aube