A sa nomination, le nouveau ministre de la justice et des droits de l’homme, Me Mamadou Ismaïla Konaté, a trouvé sur sa table un préavis de grève de deux syndicats différents de la magistrature : le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le syndicat libre de la magistrature (Sylima) associés aux greffiers. À l’échec des négociations, le SAM a observé une grève de 72 heures et entend revenir à la charge si ses doléances ne sont pas satisfaites. Un état de fait qui a contraint le ministre de tutelle à monter au créneau, pour tantôt apaiser la situation tantôt cracher ses vérités sur ce qu’il conviendrait d’appeler de faillite collective.
Des juges aux syndicats de magistrats et de greffiers, en passant par le barreau, les forces de sécurité, les partenaires techniques et financiers, les justiciables…toutes les parties concernées ont été mises à contribution pour éradiquer les maux dont la justice malienne fait l’objet. Les solutions idoines et des remèdes efficaces ont été envisagés à savoir l’instauration d’un cadre de dialogue national pour une justice de qualité.
Car, dira le ministre de tutelle, les maux de notre justice sont imputables entre les juges et les justiciables. « La justice, telle qu’elle est rendue au Mali de nos jours, est décriée par tous pour sa mauvaise qualité et son manque de pertinence. Corruption, dépendance, partialité, lenteur, mauvaise interprétation des textes…la liste des tares qui minent la justice aujourd’hui est longue. Dans cet univers de maux qui pourrissent la justice, le premier mis en cause, le premier responsable pointé du doigt, est le juge lui-même ».
Selon lui, il n’y a pas de juge corrompu sans un justiciable corrupteur. A l’en croire, la meilleure solution est d’assainir ce secteur, sinon, estime-t-il, on ne pourra pas radier les 256 juges du pays. Avant de soutenir que « la situation du juge est aujourd’hui dramatique, le juge a mal à sa peau, mal dans son corps et mal dans sa tête. Il est mal loti et mal sécurisé. Bref, il est le grand corps malade de la justice. Comment peut-il rendre, dans ces circonstances, une justice de qualité ? ».
Il a aussi reconnu que le budget alloué au ministère de la justice (0,58% sur le budget national) est le plus bas parmi les pays de la sous-région. Il s’est engagé à demander au Chef de l'Etat, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances des efforts significatifs pour la justice.
L’on pourrait assez aisément déduire des actions et sorties médiatiques du ministre de la justice, une volonté manifeste d’assainir le secteur judiciaire. Toutefois, le pragmatisme de l’homme, sa méthodologie et sa personnalité, en principe des atouts majeurs dans le cas d’espèce, pourraient remettre en cause l’effectivité de son ambition sur le terrain. Tout en tentant d’apaiser la situation, le ministre ne manque pas d’occasion pour assener ses vérités aux magistrats. Ce qui risque, au lieu d’impulser une dynamique de changement, de créer un climat de défiance. Entre la volonté de Me Mamadou Ismaila Konaté et la réalité du terrain…se trouve aujourd’hui le véritable enjeu de la mutation de notre système judiciaire.
Seydou K. KONÉ